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Pas de hiérarchie, pas de titre, pas de fonction...

SANS | publié le : 08.01.2002 |

Lars Kolind a mis en place, chez Oticon, une organisation "spaghetti". Une structure horizontale pour une success story à la danoise. Une révolution qui pourrait préfigurer les changements à venir dans les entreprises.

E&C. Vous avez inventé le nom d'"organisation spaghetti" pour décrire l'organisation d'Oticon, une société que vous avez présidée. Pouvez-vous nous définir ce que vous entendez par ce terme ?

L.K. Oticon est une entreprise qui conçoit, fabrique et distribue des appareils d'aide à l'audition. En 1991, l'enjeu pour l'entreprise était d'optimiser sa performance pour faire face à une concurrence exacerbée sur la scène internationale. C'est à cette occasion que nous avons décidé d'opter pour une organisation sur la base d'équipes de projet autogérées, sans structure hiérarchique, sans titres, sans fonctions, sans départements, sans bureaux personnels. Même le manager n'a pas de bureau dédié. Il travaille au coude à coude avec tout le monde. Les salles de réunion ne comportent pas de chaises, ce qui prévient l'envie de s'y éterniser. Ces réunions sont d'ailleurs nombreuses mais elles ont lieu "dans le mouvement", à la demande de qui en éprouve le besoin, quelle que soit sa position dans l'entreprise. Par ailleurs, nous avons mis en place une structure informatique avant-gardiste, où chacun peut travailler de n'importe où, et nous avons repensé le cadre architectural, qui était constitué par les locaux d'une ancienne usine, dans un esprit d'ouverture maximale de l'espace.

E&C. Pouvez-vous nous expliquer comment s'est opérée cette mutation ?

L.K. Du jour au lendemain. Je suis persuadé qu'il est beaucoup plus facile de tout changer d'un coup que d'initier un changement progressif. Les résistances au changement sont trop fortes et risquent alors de tout faire capoter. Les débuts ont bien été un peu chaotiques mais, après neuf mois de structure "spaghetti", Oticon a été la première à sortir un appareil digital, véritable ordinateur d'oreille doté de 250 heures d'autonomie. L'entreprise a, par ailleurs, doublé son chiffre d'affaires et quadruplé son profit en deux ans. Oticon compte aujourd'hui 3 000 salariés dans 15 pays, à commencer par le Danemark.

E&C. Qelles ont été les résistances au changement ?

L.K. Elles sont de deux sortes. La première et la plus importante est

certainement constituée par l'encadrement. Les chefs sont très soucieux de leur statut. Ils veulent éventuellement pouvoir lire tranquillement leur journal la porte fermée si le coeur leur en dit. Enfin, il faut qu'on voit qu'ils sont les chefs.

Quant au second axe de résistance, il vient des syndicats. Le problème, c'est que les salariés doivent toujours faire ce qu'ils disent même si ce qu'ils disent date d'une autre époque.

Nous avons, pour notre part, réussi à collaborer avec les syndicats, et la hiérarchie intermédiaire s'est vu proposer une fonction d'appui et de conseil auprès des équipes. Mais attention ! Cela ne remet pas en cause nos prin- cipes ! C'est à chacun de choisir à qui il veut demander appui et conseil !

En ce qui concerne les salariés eux-mêmes, nous avons fonctionné sans aucun problème avec les personnes qui étaient en place. La plupart des gens aiment travailler avec des personnes différentes. Ils peuvent tout à fait fonder leur sécurité sur le fait qu'ils sont partie intégrante du changement.

E&C. Quelles ont été vos sources d'inspiration ?

L.K. Très clairement, et uniquement, le scoutisme ! Pour moi, investir dans le scoutisme constitue aujourd'hui la meilleure manière d'investir dans un monde meilleur. C'est là que j'ai découvert ce qu'étaient l'esprit d'équipe, le travail en commun et l'entraide.

E&C. Pensez-vous que l'expérience que vous avez menée chez Oticon soit exportable, et notamment en France ?

L.K. Je sais que les Américains ont travaillé sur ce concept d'aplatissement des pyramides hiérarchiques. Mais je crois que ce que nous avons fait va plus loin.

Chez nous, ce n'est pas seulement les hiérarchies intermédiaires qui sont visées mais toute hiérarchie. J'ai moi-même travaillé quotidiennement près de chacun des salariés. ça me permettait de discuter avec les gens et de savoir ce qu'ils pensaient.

Tom Peeters a visité Oticon et a été impressionné par le côté radical du changement.

Je suis convaincu que, peu à peu, les entreprises devront se résoudre à des bouleversements de cette nature si elles veulent rester compétitives. On y gagne en efficacité et en réactivité et la performance est décuplée. Mais cela se fera "à la dure", contraints et forcés.

Le cas de la France ne m'apparaît pas des meilleurs. Ce que l'on y est prime sur ce que l'on fait. Le manager aime se voir comme supérieur aux gens qu'il commande. Il a besoin de prouver à tous son pouvoir et son importance. J'apprécie particulièrement la culture et la gastronomie françaises, mais, quand il s'agit d'affaires, je préfère the scandinavian way, plus décontracté et, surtout, beaucoup plus efficace.

FORUM

Futuract,Forum international de prospective, organisé par le groupe HEC, "Vers un monde sensible : les défis humains", se déroulera à Paris les 22 et 23 janvier. Lars Kolind, notamment, interviendra le 22 janvier, pour une conférence sur le thème : "L'entreprise agile - comment adapter votre organisation à un contexte flou et incertain ?". Plus de 40 experts internationaux, dirigeants d'entreprise, prospectivistes, penseurs et écrivains interviendront lors de huit conférences. Contact : Zohra Moukhliss à l'Icad 01 53 24 33 55. <http://www.futuract.com>.

PARCOURS

Scout dès l'âge de 9 ans, Lars Kolind n'a pas quitté cet univers ni surtout ses valeurs. Il y a occupé plusieurs postes de responsabilité aux niveaux national et international.

- Diplômé en mathématiques et en business, ce Danois de 54 ans, qui a révolutionné la structure d'Oticon, est aujourd'hui président de Grundfos, l'un des leaders mondiaux de la production de pompes.

Il s'implique également dans le domaine de l'éducation et de la protection sociale.

- Il a été élu homme de l'année au Danemark en 1996 et a créé " The Danish Competency Council", qui a publié, en 1999, le premier rapport national sur le capital humain.

- Il a fondé The Copenhagen Center, une agence gouvernementale dont l'objectif est de promouvoir les partenariats entre le public et le privé pour combattre l'exclusion.