logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

SANS

DES PROFITS MAIS PAS A TOUT PRIX

SANS | publié le : 08.01.2002 |

Les grandes manoeuvres sont lancées : analystes et gérants de portefeuilles ont l'oeil sur le critère sociétal, tout comme la Commission européenne. Des entreprises pionnières ont déjà publié des rapports sociaux ou de développement durable. Les DRH devront trouver des outils pour mesurer la performance sociale et communiquer sur leur stratégie.

Lame de fond ou effet de mode ? Une chose est sûre, le souci de l'éthique se répand largement dans les conseils d'administration, les directions d'entreprise - en particulier si elles sont cotées - et chez les gestionnaires de fonds. Les sociétés ne sont plus tenues pour responsables de leur seul bilan financier, mais d'un "triple bilan", que les Anglo-Saxons, inventeurs du concept de Responsabilité sociale de l'entreprise (RSE), appellent triple bottom line, et qui lie la performance économique, la qualité environnementale et la performance sociale.

Certains, comme Lafarge, Danone ou Shell, ont pris de l'avance, délivrant déjà des rapports environnement, social, ou de croissance durable, ou encore consacrant des pages à la RSE dans leur rapport annuel. Mais toutes les DG planchent sur de tels documents à l'heure actuelle. C'est que l'agenda de la responsabilité sociale commence à être chargé. La loi sur les Nouvelles régulations économiques (NRE) du 15 mai dernier, dont le décret d'application est toujours attendu, impose aux entreprises d'indiquer, dès 2002, dans leur rapport annuel comment elles prennent en compte les conséquences de leur activité dans les domaines social et environnemental. D'autre part, la Commission européenne entend favoriser le mouvement et a publié en octobre dernier un Livre vert sur la RSE.

Rapidité de la mondialisation

Mais tout autant que ces initiatives législatives, les questions posées par la société civile et, de plus en plus, par les marchés financiers, pèsent d'un bon poids dans la prise de position des entreprises. « Un certain nombre de régulateurs sociaux habituels, les états ou les syndicats, par exemple, sont un peu pris de court par la rapidité de la mondialisation, explique ainsi Dominique Fortin, directeur des relations sociales du Groupe Suez. Mais les exigences de la société civile, portées notamment par les ONG ou des organisations comme Attac, se sont accrues. On supporte de moins en moins les "désordres de croissance irresponsable". » Et, alors que les thèmes de l'environnement ou des relations avec les fournisseurs (travail des enfants en particulier) - qui constituent deux des piliers de la notion de développement durable - sont déjà largement explorés dans le monde anglo-saxon, en France, c'est d'abord la politique sociale qui importe.

Une enquête Ipsos-Novethic indiquait, le 6 décembre dernier, que la majorité des panels d'étudiants et de salariés interrogés considéraient la politique des entreprises à l'égard de leurs salariés comme le premier critère de la responsabilité sociale. D'autre part, une bonne partie des fonds orientés éthique en France surpondèrent les critères "social" et "environnement".

Retour sur investissement

Pour les DRH, qui ont longtemps été réticents à quan- tifier un retour sur inves- tissement de leurs actions (formation, fidélisation, ré- duction des accidents, etc.), « il s'agit de ne pas laisser passer ce train-là, si elles veulent acquérir un rôle réellement stratégique », explique un expert de la RSE. Dans les DRH, on s'efforce donc de mettre en oeuvre un reporting social fiable et des indicateurs pertinents, puis de communiquer sur la cohérence de la stratégie RH vis-à-vis des objectifs affirmés par l'entreprise. Bref, il faut se mettre à l'heure du marketing social, passer du savoir-faire en la matière au faire-savoir.

Au-delà de l'effet de mode

Ce vaste mouvement survivra sans doute au simple effet de mode. Car l'éthique des affaires n'est plus ce qu'elle était. La voici en partie sortie du ghetto des plus anciens fonds d'exclusion anglo-saxons qui se contentaient de mettre à l'écart des valeurs considérées comme immorales (jeux, alcool, tabac...).

Cette notion s'apprécie aujourd'hui dans les milieux financiers à travers l'approche de réduction du risque social et environnemental, portée par certaines agences de notation, en particulier la française Arèse. Traduction : investir dans les entreprises qui affichent les meilleures pratiques RH ou environnementales, c'est limiter le risque d'une catastrophe écologique ou d'un incident social, avec leurs répercussions sur la valeur boursière.

Raisonnement séduisant

Aucun modèle ne permet encore d'affirmer que les entreprises socialement responsables sont plus performantes à long terme. Mais le raisonnement est séduisant. Et il devrait convaincre une nouvelle race d'investisseurs appelés à croître rapidement, à la faveur des nouveaux dispositifs de la loi Fabius : les épargnants salariés. Déjà, leurs représentants aux conseils de surveillance des fonds d'épargne salariale sont vigilants sur les orientations d'investissement.

Quant aux syndicats, ils entendent bien se mêler au débat : la CFDT réfléchit à un organe d'évaluation des entreprises au niveau européen, et la CGT a affirmé son intention de faire en sorte que les salariés puissent gérer leur épargne eux-mêmes, en dehors des seuls critères financiers.

Alchimie

Ainsi, plutôt qu'un choc frontal entre la logique de création de valeur pour l'actionnaire, qui reste l'alpha et l'omega des analystes financiers, et celle de l'éthique des investissements, on pourrait assister à une alchimie entre les deux approches. Si, toutefois, avec le développement d'instruments de mesure de la performance sociale sur plusieurs années, on parvient à évaluer des pratiques autant que des déclarations de bonnes intentions couchées sur le papier glacé des rapports de développement durable.

L'essentiel

1 Plus du tiers des analystes et plus de la moitié des gestionnaires de portefeuilles intègrent déjà le critère éthique dans leurs choix d'investissement. Et l'épargne salariale, appelée à grossir, devrait favoriser cette orientation.

2 La loi française (NRE) et la Commission européenne (Livre vert) vont exiger des entreprises qu'elles précisent comment elles réalisent leurs profits, c'est-à-dire qu'elles informent sur leur stratégie en matière de responsabilités sociale et environnementale.

3 Pour les DRH, l'enjeu est de montrer comment les bonnes pratiques déployées dans l'entreprise constituent un avantage concurrentiel. Il faut réaliser un reporting mondial fiable et élaborer des indicateurs sociaux de performance, le tout autour d'une "vision RH".