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Santé au travail : Les dangers des écrans sont de plus en plus flagrants

Le point sur | publié le : 16.01.2023 | Irène Lopez

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Santé au travail : Les dangers des écrans sont de plus en plus flagrants

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Jusqu’à cinq heures par jour sur un ordinateur au travail : c’est le lot de huit Français sur dix. Et ce chiffre ne tient pas compte de la vérification des mails sur le téléphone portable, souvent tard le soir… Sans précautions, les écrans peuvent induire des risques physiques et psychiques. La vigilance s’impose, pour les employeurs comme pour les salariés.

Nous passons notre vie devant les écrans… Une étude NordVPN, menée en juin 2021, a déterminé qu’un Français y consacrerait en moyenne 56 heures par semaine, ce qui, au cours d’une existence, représenterait 27 ans, 7 mois et 6 jours, soit un tiers de la vie. Et c’est plus que le temps passé à dormir (entre 25 et 27 ans) ! De même, dans le cadre de son activité professionnelle, un Français passe en moyenne 20 heures par semaine devant un écran. D’autant que les salariés sont de plus en plus nombreux à utiliser l’informatique : 79 % d’entre eux en 2019, contre 71 % en 2013 et 60 % en 2005, selon la Dares.

« J’ai mal aux yeux » est la plainte la plus fréquente recueillie par le Dr Michèle Chartier, médecin du travail dans les Hauts-de-Seine. Or en janvier 2022, une étude publiée dans The Lancet Digital Health a révélé qu’un temps d’écran élevé était associé à un risque de myopie supérieur d’environ 30 %… « Ce n’est pas l’écran qui rend myope, explique le Dr. Chartier. L’écran en soi n’atteint pas la vision, mais fatigue les mécanismes qui sous-tendent la vision. Cette fatigue visuelle repose sur des anomalies. C’est le cas d’un mouvement de va-et-vient entre l’ordinateur et le document papier posé à côté. L’œil fait le point avec un petit muscle au niveau de la pupille. Ce n’est pas la vue qui est en cause, mais des facteurs d’accommodation et de convergence. »

Travailler devant un écran pendant plusieurs heures de suite entraîne donc une fatigue visuelle. Rougeurs, picotements et sensation de brûlure : c’est le syndrome de l’œil sec. La fréquence des clignements diminue et la surface oculaire se dessèche. « La première règle est celle des 20-20 : faire 20 secondes de pause pour les yeux toutes les 20 minutes, en regardant au-delà de cinq mètres. La seconde est d’utiliser des larmes artificielles plusieurs fois par jour. Préférez celles sans conservateurs et qui contiennent de l’acide hyaluronique », conseille Magdalena de Saint Jean, ophtalmologue à Marseille. Le travail sur écran constitue également un risque de troubles musculo-squelettiques (TMS).

Manque d’ergonomie

Un écran placé trop haut devient synonyme de nuque raide. Un appui continuel du poignet pendant la frappe ou une souris trop éloignée créent des situations à risque de TMS des membres supérieurs. Une utilisation du clavier sans soutien sollicite les épaules. Pour le bas du dos, les douleurs apparaissent lorsque celui-ci est trop rond ou trop redressé. La prévention réside surtout dans une bonne posture : assis dos droit et les pieds à plat, avec, au besoin, un repose-pieds et un repose-poignet, et le haut de l’écran à la même hauteur que ses yeux.

Autant de vœux pieux en télétravail (lorsque le salarié n’est pas équipé correctement) ou pendant les déplacements professionnels avec du matériel plus léger. « Lorsqu’on travaille sur un portable, la tête est penchée en avant, le dos affaissé, les bras trop près du corps. La position n’est pas ergonomique », explique ainsi le Dr Chartier. Et que dire des télétravailleurs qui tapent sur le clavier, allongés sur leur lit ? « Nous ne nous rendons pas au domicile des salariés, exception faite des travailleurs handicapés, poursuit ce médecin du travail. Dans l’entreprise, en général, les salariés sont sensibilisés aux bonnes postures. Si nous avons des plaintes, nous nous déplaçons pour expliquer comment aménager un poste de travail, avec du matériel correct. »

En outre, la posture assise induit la sédentarité. Si elle est prolongée, elle est délétère pour la santé car elle peut entraîner hypertension artérielle, diabète, cholestérol, obésité… Selon l’Organisation mondiale de la santé, la sédentarité serait même la 4e cause de mortalité évitable. Mais comment faire bouger régulièrement les collaborateurs devant leurs écrans ?

« L’originalité de notre solution est d’utiliser l’écran pour guérir les maux causés par l’écran, indique l’entreprise Ineo Formation. Avec son identifiant, le collaborateur se connecte avec son ordinateur à notre plateforme pour accéder à un ensemble de vidéos de coaching d’assouplissement spécifiquement conçues pour être réalisées sur le poste de travail. Lorsque le collaborateur ressent une douleur naissante, il se connecte pour choisir les exercices qui vont prévenir l’amplification de la douleur. »

Surcharge mentale

La liste des maux liés aux usages de l’ordinateur et des écrans ne s’arrête pas là. Le travail pendant une longue période est également à l’origine de troubles psychosociaux et notamment de stress. Cela a été d’autant plus vrai lors des confinements. « Des collaborateurs se sont retrouvés dépassés, enchaînant les visioconférences tout en répondant aux notifications reçues sur leur téléphone. Pas de pause déjeuner et, en plus, bien souvent, une connexion le soir. Certains se sont retrouvés en état de surcharge mentale. J’ai été amenée à accompagner des salariés en situation de syndrome anxio-dépressif. Dans un cas grave, une salariée a été mise en invalidité », témoigne le Dr Syrine Fendri, médecin du travail coordinateur au sein d’une entreprise du secteur de l’assurance.

Reste que selon les résultats 2021 du baromètre de la Fondation April, sept Français sur dix se disent incapables de se passer d’outils connectés pendant une journée… « On se connecte sur le temps de loisirs pour s’assurer qu’il n’y a pas de problème au bureau, on travaille pendant les vacances pour éviter d’être débordé à son retour », indique Jean-Claude Delgenes, directeur général du cabinet Technologia, spécialisé dans les risques psychosociaux au travail. Au point que près des trois quarts des Français reconnaissent une forme de dépendance.

En outre, travailler à la maison signifie souvent travailler plus. Une étude publiée par The Lancet en 2015 a montré que le risque d’accident vasculaire cérébral augmente de 33 % pour ceux qui travaillent plus de 55 heures. « Le droit à la déconnexion inscrit depuis 2017 dans la loi est insuffisant, alerte Jean-Claude Delgenes. En France, nous n’avons pas la culture de la prévention. Il faut un gros pépin pour réagir. Or la prévention coûte moins cher, y compris en termes de productivité. »

Auteur

  • Irène Lopez