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Bien accueillir les alternants

Le point sur | publié le : 05.12.2022 | Adeline Raynal

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Recrutement : Bien accueillir les alternants

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Prendre des jeunes en formation demande de bien définir ses besoins et de s’assurer d’avoir suffisamment de temps à leur consacrer. Revue de détail.

Seuls 18 % des PME recrutent en alternance, d’après une étude YouGov publiée en 2021. Pourtant, cela peut être une bonne solution pour étoffer les équipes, quel que soit le secteur d’activité. D’ailleurs, l’État a dynamisé les embauches en alternance depuis deux ans, grâce à un dispositif d’aides exceptionnelles. Dans le sillage de la loi de finances rectificative de l’été 2020, une aide de 5 000 à 8 000 euros est versée progressivement la première année d’un contrat en alternance, sous réserve d’acceptation par l’Opco dont dépend l’employeur. Ce dispositif a été prolongé plusieurs fois, et actuellement, sa prochaine échéance est fixée au 31 décembre 2022. Si pour l’instant, rien ne dit que cette prime sera poursuivie en 2023, d’après un article paru le 28 octobre dernier dans Les Échos, le gouvernement envisagerait en fait de la porter à 6 000 euros, que le jeune alternant soit majeur ou mineur, afin de favoriser l’apprentissage des jeunes en CAP ou en lycée professionnel.

Pour rappel, un contrat en alternance est un contrat d’apprentissage, qui relève de la formation initiale, ou un contrat de professionnalisation, qui relève de la formation continue. Les deux sont des dispositifs durant lesquels le jeune alterne entre périodes de formation théorique dans un établissement d’enseignement et périodes de formation pratique au sein d’une entreprise. Le salaire minimal à verser dépend de l’âge et du niveau d’études de l’alternant et va de 27 % à 100 % du Smic, selon les cas.

Alors certes, un alternant coûte généralement moins à l’entreprise qu’un salarié en CDI ou en CDD. Mais évidemment, il ne peut pas assurer le même type de tâches. « La mission sera-t-elle assurée si l’alternant est absent ? Est-ce un besoin récurrent qui nécessite une présence à temps plein ? », conseille de s’interroger Kamel Medjabra, responsable de la marque employeur et des relations écoles chez Decathlon, avant d’envisager une embauche en alternance. « L’alternant doit renforcer une équipe, apporter une fraîcheur, mais il ne peut pas remplacer un CDD ou un CDI », insiste-t-il. Decathlon compte environ 2 000 alternants dans ses effectifs pour l’année 2022-2023. Le distributeur spécialisé dans les articles de sport les embauche majoritairement en magasins, en appui aux responsables de rayons et aux responsables de la logistique.

Un employeur doit aussi évaluer le temps qu’il peut lui consacrer. « Un alternant demande environ 10 % de temps en plus d’accompagnement comparé à un salarié en CDD ou en CDI qui arrive », estime ainsi Kamel Medjabra. De même, l’employeur doit bien se renseigner sur le rythme de l’alternance que l’école propose : le jeune sera-t-il là durant plusieurs jours, semaines voire mois d’affilée ? Cela dépend des écoles, des formations.

Créer un vivier

Autre point : le caractère plus ou moins opérationnel des alternants. « Un contrat d’alternance ne doit pas être conclu pour répondre à un besoin de main-d’œuvre rapide. Sinon, c’est voué à l’échec », avance Marianne Cordray, DRH d’Eurécia, un éditeur de logiciels RH basé près de Toulouse. « C’est une ressource qui est là pour apprendre et certes travailler, mais avec une phase d’apprentissage tout au long du contrat. Il faut aussi savoir motiver les alternants et avoir la patience de leur apprendre les codes de l’entreprise », souligne-t-elle. Auparavant, Eurécia, PME de 130 salariés, recrutait trois alternants par an. Mais elle offre dix postes en alternance dans le cadre de son plan de recrutement ouvert jusqu’en mars 2023. Preuve de sa foi dans ce type de solution.

Pour un employeur, les motivations pour ouvrir des postes en alternance sont multiples. Il s’agit souvent de se créer un vivier de candidats pour de futurs postes. « Nous recrutons en CDD ou en CDI environ 40 % des personnes qui ont été en alternance chez nous, et 25 % de nos leaders actuels sont issus de l’alternance », confirme Kamel Medjabra, chez Decathlon. De plus, un jeune en alternance parle de son employeur à ses camarades, une entreprise travaille donc aussi sa marque employeur et se fait connaître par ce biais, surtout s’il s’agit d’une PME peu en vue.

Seulement voilà, 58,5 % des étudiants en alternance refuseraient le contrat à la sortie de leur apprentissage si leur employeur leur proposait un poste, d’après une étude publiée en septembre et menée par la start-up RH Hey Team, en partenariat avec Seekube (groupe HelloWork). Pour pouvoir constituer un vivier, donner envie à des jeunes de postuler, encore faut-il, bien sûr, que l’alternance se passe bien, à la fois pour l’employeur et pour le jeune.

Il est donc essentiel de s’assurer d’avoir des tuteurs motivés pour les accueillir. Certains groupes comme Decathlon estiment que le tuteur doit justifier au minimum de deux ans d’expérience sur les missions qu’il va confier à l’alternant. Il doit en outre posséder des qualités humaines d’écoute, de patience et avoir suffisamment de temps à consacrer au jeune qu’il accompagne. Que ce soit chez Eurécia ou Decathlon, les deux entreprises organisent des points réguliers, hebdomadaires si nécessaires, afin que l’alternant échange avec son tuteur et puisse avancer.

Rappel du droit

Le tuteur peut lui-même recevoir une formation de quelques heures afin de bien prendre conscience de la responsabilité qui est la sienne dans l’accompagnement d’un jeune pour sa réussite scolaire et professionnelle, et se voir rappeler le droit du travail qui s’applique à un jeune en contrat d’alternance (temps de pause, horaires, congés, gestion des arrêts maladie, etc.). « Il faut tenir compte du fait que c’est possiblement sa première expérience dans le monde du travail. Un jeune ne connaît pas les usages : il faut avoir envie et avoir du temps pour lui apprendre à communiquer, gérer ses priorités, oser prendre une pause, aller voir des personnes d’un autre service, comprendre la transversalité d’un projet… On doit leur donner un sentiment d’appartenance et ménager des moments de convivialité avec eux », conseille Marianne Cordray.

Pour celles et ceux motivés pour recruter un alternant, il existe aussi des jobboards qui s’adressent en particulier aux jeunes, comme Job Teaser, Welcome to the Jungle, Highered. Et également des agences qui peuvent aider à organiser des événements de recrutement, à l’image de Fac Point Com et School Impact. La relation avec les écoles s’entretient et de nombreuses entreprises tissent des liens privilégiés avec elles afin de dénicher de futurs talents. Il peut aussi être judicieux d’aller directement recruter les jeunes via les réseaux sociaux, grâce à des comptes dévolus au recrutement. Enfin, dernier conseil : un tel recrutement s’anticipe et nécessite des démarches administratives plus longues qu’un contrat classique (avec l’école, l’Opco…). Pour un début de contrat en septembre, nombre de groupes publient des annonces dès le mois de février !

Auteur

  • Adeline Raynal