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« Privilégier le collectif protège l’individu »

Chroniques | publié le : 18.07.2022 |

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« Privilégier le collectif protège l’individu »

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Benoît Serre Vice-président délégué de L’Andrh

La période des congés d’été s’ouvre enfin et pour le moment au moins, tout devrait se passer normalement sur le plan sanitaire, malgré une 7e vague en cours, dont les chiffres montrent qu’elle ressemble fortement à celle de janvier-février dernier. Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’elle ne fait que modérément la une de la presse et que les salariés, n’ayant pas vu resurgir le protocole sanitaire contraignant, gèrent en pleine responsabilité ce nouvel épisode d’une pandémie qui n’en finit pas. C’est un constat très instructif sur la capacité de l’individu à s’adapter pour se protéger lui-même et surtout protéger les autres sans pour autant devoir se soumettre à des règles strictes. Ce sens de la responsabilité individuelle est mis au service de l’intérêt collectif, au moins sur ce plan-là. Pour autant, de nombreux RH semblent légitimement inquiets face à la difficulté grandissante de faire cohabiter aspirations individuelles et nécessités collectives, au sein de l’entreprise. Il y a évidemment le télétravail, largement répandu aujourd’hui et pour lequel de plus en plus d’accords créent une régulation bienvenue, même si elle est parfois contestée. Après tout, de même que le monde du travail était organisé avant, il est assez normal que l’hybride le soit aussi. Cela prendra du temps, car c’est d’un nouvel équilibre dont il s’agit et le trouver ne sera pas simple, entre les impatiences de l’individu et les impératifs du collectif humain que constitue une entreprise.

Cette phase d’apprentissage mutuel de cette transformation du travail est en cours. Nous entendons parler désormais de « tracances » qui sont le télétravail sur le lieu de vacances. Outre que cela rend fragile la séparation des temps et des lieux pour le salarié, c’est à l’évidence un élément d’une nouvelle organisation du travail, source de confort pour les uns et d’inégalité pour les autres. Il faut faire attention à ces déséquilibres, légers en apparence, car ils pourraient déboucher demain sur un monde professionnel à plusieurs vitesses qui impactera nécessairement le collectif de travail.

Les RH sont confrontés à cette réalité et doivent trouver des solutions pour satisfaire le besoin d’autonomie et de liberté et l’impératif de faire qu’une entreprise en reste une, c’est-à-dire un ensemble de personnes qui, par leurs compétences, leur travail et leur engagement servent un projet commun. C’est un enjeu immédiat d’attractivité dans une période de recrutement difficile dans de nombreux métiers, il ne faut pas le nier. C’est aussi un enjeu de plus long terme que de redéfinir l’entreprise comme un lieu commun fondé sur un collectif dont les règles de fonctionnement sont certes différentes, mais pour autant, communes et durables. Le risque de laisser se défaire cette frontière entre le repos et le travail, le domicile et le bureau, le temps libre et le temps encadré est réel. Si, au premier abord, cela peut paraître séduisant, puisque reposant sur la liberté de l’individu et sur la confiance qu’on lui accorde, il faut néanmoins s’interroger sur les impacts multiples que cela pourrait générer. Bien évidemment un délitement social, mais aussi une difficulté à produire et innover ensemble, et un risque non négligeable d’iniquité de traitement entre les salariés pourtant engagés en commun. Il demeure aussi des risques juridiques de responsabilité qui subsisteront tant qu’on ne se sera pas sérieusement penché sur le Code du travail dont les règles datent de ce monde d’avant, alors même que celui d’après se construit de manière empirique. Les RH et les directions d’entreprises en général doivent organiser et structurer, non pour contraindre, mais pour être certains que le modèle d’organisation qui sortira de cette période sera durable, responsable et le plus stable possible. L’empirisme ou le laisser-faire en RH conduit immanquablement à l’iniquité et au désengagement.

Notre environnement économique et social actuel vient encore ajouter à cette difficulté d’adaptation et la rentrée de septembre réserve son lot de remises en question pour des entreprises confrontées à une situation inédite depuis plus de 20 ans. Le collectif de travail étant fragilisé par les conséquences de la crise sanitaire comme par la remise en cause de nos schémas aussi usés qu’habituels, il doit constituer demain le point d’appui de la transformation du travail. Plus que jamais, les RH doivent porter cette responsabilité de garantir l’unité de l’entreprise grâce aux femmes et aux hommes qui la composent et qui forment ensemble sa principale force !

Bel été !