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Mécénat : « Beaucoup de petites et moyennes entreprises sont mécènes sans le savoir »

Le point sur | publié le : 04.07.2022 | N. T.

Diane Abel est responsable des études et de la communication de l’association Admical, qui soutient le développement du mécénat d’entreprise en France depuis 1979.

Comment le mécénat d’entreprise évolue-t-il ces dernières années ?

Depuis que nous avons lancé notre baromètre il y a vingt ans, le nombre de mécènes et les montants qu’ils ont déclarés ont été en hausse constante. Les derniers chiffres dont nous disposons, pour l’année 2020, font état de 102 000 entreprises mécènes et 2,2 milliards d’euros de dons déclarés en France. Nous observons que la quasi-totalité des grandes entreprises sont impliquées dans des actions de mécénat (82 %). Le potentiel de développement de leur côté est donc limité. En revanche, seules 4 % des TPE sont mécènes, près d’un quart des PME et près de la moitié des ETI.

Quelles sont les différentes façons de devenir mécène ?

Nous constatons que beaucoup de petites et moyennes entreprises sont mécènes sans le savoir. Elles donnent à des associations du matériel qu’elles n’utilisent plus, par exemple. Elles le font de manière très spontanée, mais ne souhaitent pas ou n’ont pas le réflexe de valoriser ce don pour bénéficier de la réduction fiscale à laquelle elles ont droit et qui correspond à 60 % de la valeur du don1. Il y a donc nécessité de faire de la pédagogie autour de la définition du mécénat, d’expliquer à ces entreprises que c’est très facile d’appliquer le dispositif de réduction fiscale et de communiquer sur cet engagement sociétal. Nous l’avons vu pendant la crise Covid, de nombreuses entreprises se sont mobilisées très rapidement, en travaillant avec d’autres, par exemple pour lancer des systèmes d’acheminement de nourriture… Ces actions peuvent s’inscrire dans une démarche de mécénat. Cela rejoint aussi la nécessité de promouvoir le mécénat en nature et de compétences. Pour les entreprises qui n’ont pas forcément la trésorerie pour faire des dons financiers élevés, il peut être plus simple de détacher un salarié pendant deux ou trois jours dans l’année ou de faire des dons en nature.

Quelles sont les causes les plus soutenues et est-ce que le conflit en Ukraine pourrait changer la donne ?

En termes de montant du mécénat, certains domaines sont historiquement très soutenus : le social, la culture et l’éducation. En revanche, en termes de pourcentage d’entreprises impliquées, le domaine sportif est le premier. La plupart des entreprises mécènes en France sont des petites entreprises et elles sont nombreuses à avoir des actions avec les associations sportives locales. Toutefois, la solidarité internationale fait partie des domaines les moins soutenus. Quand il y a des crises comme celle de l’Ukraine actuellement, les grandes entreprises dégagent des fonds d’urgence en régie directe plutôt que de passer par une fondation ou un fonds de dotation, qui doivent respecter les domaines d’intervention définis au moment de la création. Autrement dit, cela ne s’inscrit pas forcément dans leur politique générale de mécénat.

Certaines entreprises ont également lancé des appels aux dons auprès de leurs salariés. Est-ce une pratique nouvelle ?

Cette pratique existe depuis quelques années, mais le mouvement s’accélère. Il permet d’engager les salariés, qui portent les valeurs de l’entreprise, et de les fidéliser, et également d’attirer de nouveaux talents. Les entreprises s’appuient sur plusieurs systèmes. Ainsi, la Fondation BNP Paribas a lancé un fonds d’urgence alimenté par les dons des salariés qu’elle abonde ensuite lorsque le fonds est utilisé. Un système très satisfaisant. Les entreprises font aussi des appels à projets internes. Les collaborateurs se voient proposer de porter à l’attention de la direction et d’un comité de sélection des associations dans lesquelles ils sont déjà engagés bénévolement. De même, le système d’arrondi sur salaire est utilisé. Chaque mois, un salarié accepte qu’une partie de son salaire soit reversée à une association. Dans tous les cas, la priorité est de répondre aux besoins des associations et non d’animer uniquement la politique RH en proposant des missions.

Et qu’est-ce que l’incubateur d’engagement collectif ?

C’est un programme que nous avons développé l’année dernière. L’idée est de travailler dans les territoires avec des entreprises de taille plus modeste ainsi que des collectivités locales afin de créer un collectif de mécènes autour d’un projet commun. Nous proposons un parcours d’accompagnement de huit réunions de travail avec toutes les parties volontaires pour aboutir à ce projet de mécénat collectif. Aujourd’hui, notre conviction est que l’avenir du mécénat se trouve dans les territoires.

(1) Depuis la réforme de la loi Aillagon en 2019, passé 2 millions d’euros de dons, le montant du crédit d’impôt accordé diminue à 40 % sauf quand les dons sont à destination des associations dites « loi Coluche ».

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  • N. T.