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Un duo gagnant qui gagne à être reconnu !

Chroniques | publié le : 07.03.2022 |

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Un duo gagnant qui gagne à être reconnu !

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Charles-Henri Besseyre des Horts professeur émérite à HEC Paris

Plus de onze ans après la loi Copé-Zimmermann fixant à 40 % le pourcentage des femmes dans les conseils d’administration, la France est, une fois n’est pas coutume, championne du monde sur ce critère de diversité, avec 45,2 % des sièges d’administrateurs occupés par des femmes en 2020 au sein des sociétés du SBF 120, à comparer aux 26 % observés en 2013. Mais si ce très bon résultat est indéniablement dû à la volonté du législateur, qui a su donner un objectif atteignable en quelques années par les entreprises, il en va tout autrement pour les organes de direction – comme les comités exécutifs et autres comités de direction – puisqu’aucune progression notable n’a été constatée durant la même période au sein de ces instances qui n’étaient composées qu’à 21 % de femmes en 2020 dans le groupe des entreprises du SBF 120, selon le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce chiffre est même plus faible pour les seules entreprises du CAC 40, pour lesquelles les femmes ne représentaient en 2020 que 19,53 % des membres des comités exécutifs1.

Pour faire face à cette situation préoccupante, la loi Rixain de décembre 2021 a fixé des quotas minimums de représentation de chaque sexe à 30 % en 2026 et 40 % en 2029 parmi les cadres dirigeants et les instances dirigeantes dans les entreprises de plus de 1 000 salariés2.

Même si l’arsenal législatif est utile pour faire changer les mentalités et les pratiques, il est curieux qu’il faille, en 2022, encore recourir à la loi, alors que de nombreux arguments plaident en faveur de la diversité du genre pour permettre aux entreprises d’être plus performantes. Dès 2007, en effet, le cabinet McKinsey avait produit un rapport3 qui avait fait sensation avec l’étude « Women Matter » montrant déjà que les entreprises plus féminisées que les autres avaient des performances financières supérieures. Dix ans après, en 2017, le même cabinet McKinsey montrait que, sur un échantillon de 300 entreprises dans neuf pays, les entreprises les plus féminisées dans leurs comités exécutifs obtenaient des résultats financiers (ROE et EBIT4) de 40 % à 50 % supérieurs à celles qui étaient les plus réfractaires à la diversité du genre.

Dans la même perspective, en 2020, l’écart de performance, mesuré par la rentabilité opérationnelle des dix entreprises les plus féminisées du CAC 40 par rapport à leurs dix homologues les plus masculines, atteint le chiffre impressionnant de 58 %5 ! De là à conclure que la seule présence plus marquée des femmes dans les instances dirigeantes se traduit par des résultats supérieurs, c’est certainement prendre un raccourci dangereux, surtout quand on observe qu’un tiers des recherches académiques sur le lien diversité du genre et performance n’arrive pas à des conclusions aussi tranchées, et même parfois contradictoires.

Si le débat existe sur le lien entre diversité du genre et performance, il n’en reste pas moins qu’une tendance forte se dessine en faveur d’une féminisation plus poussée des instances dirigeantes, pour permettre aux entreprises d’être plus performantes – particulièrement dans des contextes marqués par le besoin d’innovation et la gestion de crise6. C’est aux DRH que revient la lourde charge de concevoir et mettre en œuvre des politiques RH favorisant le développement d’une mixité sensiblement plus forte qu’aujourd’hui parmi les dirigeants et les instances dirigeantes, notamment pour satisfaire aux exigences de la loi Rixain.

C’est un travail de longue haleine, car la plupart des politiques RH sont potentiellement concernées : le recrutement, la gestion des carrières, le développement des compétences, le management de la performance et des rémunérations, l’équilibre travail/hors travail, surtout avec la généralisation de l’organisation hybride, etc. Gageons qu’ils/elles sauront en faire un levier de création de sens pour les collaborateurs/trices actuel(e)s et futur(e)s comme on peut l’observer avec la question la transition écologique7.

(1) Ferrary, M. : Observatoire Skema de la féminisation des entreprises : diversité et inclusion au sein du CAC 40, Édition 2022.

(3) McKinsey & Cie : Women matter : gender diversity, a corporate performance driver, Study report, 2007.

(4) ROE : Return On Equity (Rentabilité des capitaux), EBIT : Earnings Before Interests & Taxes (Résultat avant intérêts et impôts).

(5) Ferrary, M. op.cit.

(6) Entretien avec Laura Lesueur, CEO de Legendaily (https://www.legendaily.fr) et conférencière inspirante.

(7) Besseyre des Horts, CH. & Debayle, C. : Une opportunité formidable de création de sens : sauver la planète, Entreprise & Carrières, n° 1508, du 14 au 20 décembre 2020, p. 22