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Les clés

Les femmes, oubliées de l’innovation

Les clés | À lire | publié le : 10.01.2022 | Lydie Colders

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Les femmes, oubliées de l’innovation

Crédit photo Lydie Colders

Dans « C’est bien une idée de fille ! », la journaliste Katrine Marçal déconstruit le grand récit masculin de l’invention, occultant les femmes. Un essai captivant sur les biais sexués de l’innovation.

Et si l’histoire du progrès souffrait de préjugés coriaces sur le sexe ? Combien de fois sommes-nous passés à côté d’une invention « parce que c’était une idée de fille » ? Après le remarqué Dîner d’Adam Smith sur le genre de l’économie, la journaliste suédoise Katrine Marçal sonde dans son nouveau livre la puissance des représentations sexuées qui freinent l’innovation. Exemple ? En 1972, un Américain aura l’idée de la première valise à roulettes, sans succès. Car à l’époque, « les hommes avaient l’habitude de porter les valises de leurs épouses ». Un homme, « un vrai », ne rechignait pas au port de bagages lourds. « Nous avons été incapables de voir l’aspect génial de la valise à roulettes, dès lors que cela ne coïncidait pas avec nos opinions dominantes sur la virilité ». Il faudra donc attendre des années, des femmes voyageant seules et des hommes acceptant le confort, pour que cette fameuse valise soit adoptée dans le monde entier. Dans ses histoires bien troussées, la journaliste réhabilite aussi l’ingéniosité des femmes, dans l’invention automobile ou le codage informatique lors de la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, les technologies restent toujours identifiées « au grand génie masculin, rationnel et scientifique. » Faute d’argent et d’intérêt masculin, d’autres femmes n’ont pas pu faire breveter un prototype. Et l’auteure relate le cas d’Aina Wifalk, handicapée par la poliomyélite, qui imagina dès 1960 un déambulateur pliable pour voyager. Une invention révolutionnaire pour l’aide à la marche, qu’elle vendit pour une somme modique…

Des financeurs aux codes virils

L’exemple d’Aina Wifalk permet à la journaliste d’aborder un problème de fond, la discrimination tenace envers les entrepreneuses : « Les systèmes financiers n’ont pas été conçus pour des femmes », assure-t-elle. Dans le monde, « 80 % des sociétés créées par des femmes ne bénéficient pas des crédits dont elles auraient besoin ». La virilité joue toujours, les hommes préférant investir dans des « techniques qui écrasent et bousculent ». Mais même dans les start-up actuelles, seulement 1 à 2 % du capital-risque en Suède et en France va à des sociétés dirigées par des femmes, selon la journaliste. De quoi réfléchir, car cela signifie « que nos logiciels, notre intelligence artificielle sont aujourd’hui créés, financés et mis au point par des hommes ». Pourquoi ne pas reconnaître « que l’invention peut être universelle ? », interroge Katrine Marçal. Après tout, si Neil Armstrong a pu marcher sur la Lune en 1969, c’est grâce à l’intelligence d’un fabricant qui a « pris au sérieux l’expertise » et les idées des couturières pour concevoir une combinaison plus souple pour l’astronaute, raconte-t-elle. Aux entreprises de faire voler en éclats ces barrières…

Auteur

  • Lydie Colders