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Partager les valeurs… et la valeur

Chroniques | publié le : 04.10.2021 |

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Benoît Serre vice-président délégué de l’ANDRH

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Par Benoît Serre vice-président délégué de l’ANDRH

Depuis quelques semaines maintenant, la pénurie de main-d’œuvre comme la forte reprise économique occupent les débats. L’appel gouvernemental à augmenter les salaires, rapidement doublé par la revalorisation du Smic et les enjeux d’attractivité de certains emplois portés par la dynamique économique et l’apparition plus rapide de nouveaux métiers posent une question supplémentaire : quelle est la valeur du travail ?

C’est un point économique autant que philosophique, qui surgit avec une acuité particulière en cette période. On s’appuie d’ailleurs sur cette interrogation pour justifier la réforme de l’assurance chômage qui, par bien des aspects, devrait être positive pour dynamiser le marché de l’emploi. Pour autant, cette question en amène de nombreuses autres et notamment celle de l’inadéquation partielle de nos emplois aux systèmes de formation initiale et continue, qui engloutissent pourtant des sommes élevées depuis des années. Les différentes réformes de la formation ont certes apporté des éléments de réponse, mais on peut quand même s’étonner de se retrouver aujourd’hui avec un tel décalage entre compétences et besoins. L’effort considérable fourni par les entreprises en 2020 et 2021 pour accueillir des alternants ou des apprentis constitue une réponse durable à cet enjeu de compétences et la réforme de 2017 est venue apporter des solutions innovantes, en particulier pour les personnes éloignées de l’emploi depuis longtemps.

Tous ces éléments doivent nous permettre de répondre à l’urgence de la pénurie de candidats dans certains secteurs. Pour autant, il serait illusoire de penser que ce sont ces réformes « techniques » qui résoudront durablement cette fracture emploi/compétences/candidats dont l’ampleur se révèle en raison de cette reprise presque inattendue. Nous nous étions sans doute habitués peu à peu à une croissance si faible que le marché se régulait tout seul…

Pour certains métiers, nous revenons dans un « marché d’employés » tel que nous n’en avons pas connu depuis des décennies. Pour les entreprises, cela signifie réviser leur schéma de grilles salariales et plus généralement celui du partage de la valeur au sein des organisations. Voilà un enjeu nouveau qui va probablement structurer durablement le marché du travail. Au-delà de la valeur d’un travail, quel doit être le partage de la valeur créée ?

Dans une enquête menée début 2021, l’ANDRH avait montré que 38 % des DRH prévoyaient une refonte de la politique de rémunération. Nous y sommes désormais. Les enjeux sont tels que nous ne pourrons évidemment pas y répondre avec la seule revalorisation des salaires. C’est tout le système de rémunération collective qui est interrogé et en particulier la participation et l’intéressement, mais aussi l’actionnariat salarié, dont certaines entreprises se sont faites les championnes avec notamment des contrats d’intéressement ou des souscriptions régulières d’actions réservées aux salariés. Ces entreprises-là ont compris avant les autres et elles s’en trouvent plus fortes dans la période actuelle.

Au-delà de la pression sociale ou économique, il en est une autre qui apparaît. Depuis des années, nous avons développé des modèles de management visant à associer les collaborateurs à la définition de la stratégie. C’était une manière de donner du sens et de développer l’engagement au-delà du simple contrat de travail. On ne doit pas s’étonner aujourd’hui que des salariés qui ont contribué à construire une stratégie gagnante en réclament les fruits… au-delà de leur salaire fixe ou variable. Ce partage rénové de la valeur créée constitue sans doute une caractéristique de ce nouveau monde du travail que nous voyons apparaître.

Refondre le partage de la valeur constitue l’utile complément du fameux partage des valeurs de l’entreprise comme de l’unification des équipes autour d’une raison d’être commune. Les pouvoirs publics ont commencé avec la Loi Pacte à favoriser cette approche, qui vise finalement à partager de manière équitable les fruits de la croissance entre tous ses acteurs, de l’actionnaire au salarié. Cet équilibre pourrait être demain un puissant outil d’engagement commun et contribuerait de manière plus saine et plus durable à l’attractivité des emplois, des compétences, des métiers et des entreprises.