Le géant américain VF Corp, maison mère des marques culte Timberland, Vans, TNF (The North Face) s’associe à la Pensole Design Academy pour ouvrir ses studios de création à un public jeune et défavorisé. VF Corp s’adresse à des étudiants « BIPOC » (Black, Indigenous, People of Color). Le programme baptisé DiverCityxDesign va comporter un pool de vingt-sept étudiants, désireux de suivre pendant plusieurs mois un apprentissage dans la création de chaussures. L’initiative semble, a priori, modeste. Vingt-sept personnes ne vont pas changer la couleur dominante des 50 000 employés du groupe. Mais c’est un début nécessaire qui, selon Steve Rendle, le dirigeant du groupe, doit « inspirer les communautés noires et brunes, habituellement sous-représentées dans l’industrie de la mode et du design ».

Les cadres de VF Corp, secoués par le mouvement Black Lives Matter, qui s’est fait entendre tout au long de l’année 2020, ont décidé de rafraîchir leur processus de création. Et pour ce faire, ils sont allés voir D’Wayne Edwards, le fondateur de la Pensole Design Academy, basée à Portland dans l’Oregon, tout près des sièges des grandes marques d’articles de sport, Nike, Columbia Sportswear et Adidas en Amérique du Nord.

D’Wayne Edwards a tout de suite pensé à sa propre jeunesse, quand il a discuté du programme avec les représentants de Timberland, Vans et TNF. L’ancien de Nike, qui a été designer des sneakers du célèbre basketteur Michael Jordan, s’est souvenu de son adolescence à Inglewood, une ville mal fréquentée de Californie. « Je n’avais jamais quitté mon État, a-t-il avoué. Je ne savais pas ce qui était possible, je ne savais pas dans quelle école de design m’inscrire, alors qu’il y en avait une à 30 minutes de chez moi. » Des dizaines d’années plus tard, l’ex-designer de LA Gear, Air Jordan, Nike et Skechers essaie d’éliminer les obstacles qui se dressent devant les étudiants minoritaires. Le programme se déroule en trois phases. Dans un premier temps, vingt-sept jeunes suivent pendant trois semaines leurs premiers cours de design en ligne. Puis dix-huit d’entre eux sont sélectionnés pour participer à huit semaines de cours magistraux à l’Académie Pensole. Finalement, les cinq meilleurs sont admis dans un programme d’un an qui leur fera découvrir les équipes du siège de Timberland dans le New Hampshire, Vans à Costa Mesa en Californie et The North Face à Denver dans le Colorado. Les études sont gratuites et les heureux apprentis admis dans les studios de VF Corp seront même payés. Ils ont en plus de grandes chances de poursuivre leur carrière chez VF Corp.

Dans la foulée, la direction de Timberland promet de lancer un programme jeunesse avec Pensole s’adressant aux lycéens. C’est une introduction à l’univers de la chaussure, qui se fait en quatre semaines de cours virtuels. D’Wayne Edwards et ses interlocuteurs de VF Corp espèrent les convaincre qu’il y a une vie au-delà du basket, du micro d’un chanteur de hip-hop ou des vidéos de l’influenceur.

Les studios des marques phares de VF Corp entrouvrent leurs portes. Et ce n’est qu’un début. Car le groupe s’est donné un objectif IDEA (Inclusion, Diversity, Equity, Action Strategy) pour l’ensemble de l’entreprise. Au départ, les personnels de l’entreprise sont assez divers. Le rapport 2020 montre que 40 % d’entre eux sont de type caucasien, 33 % hispanique, 9 % noir, 6 % asiatique et 1 % américano– indien. Mais quand on grimpe les échelons pour atteindre le niveau des directeurs, la diversité s’estompe. Les gens de couleur « BIPOC » ne sont plus que 15 %. L’objectif à l’horizon 2030 est de faire monter ce pourcentage jusqu’à 25 %. Pour y arriver, Steve Rendle veut appliquer la « règle Mansfield ». Une façon de faire une mise au point par des juristes. Quand on embauche ou qu’un poste se libère, le pool des candidats doit obligatoirement comprendre 50 % de représentants de la minorité, des gens de couleur, des femmes, des handicapés ou des membres de la communauté LGBTQ. Et comme l’envie de favoriser ceux qui leur ressemblent taraude les cadres blancs, une portion de leur bonus dépendra de leurs efforts d’inclusion.

La direction de VF Corp essaie donc d’agir sur plusieurs fronts, y compris celui de l’égalité salariale. Les salaires des uns et des autres vont être analysés et s’il y a des écarts injustifiés, ils seront corrigés d’ici à 2024. La diversité est devenue un tel enjeu que les vice-présidents de VF Corp eux-mêmes sont censés devenir des mentors. Chaque trimestre, au moins trois heures de leur temps seront consacrées aux minorités. Ordre du jour : écoute et apprentissage…