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« Il était important de mener à bout la réforme de l’assurance chômage »

L’actualité | publié le : 12.04.2021 | Benjamin d’Alguerre

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« Il était important de mener à bout la réforme de l’assurance chômage »

Crédit photo Benjamin d’Alguerre

Était-il pertinent de maintenir la réforme de l’assurance chômage en période de crise ?

Il était important de mener à bout cette réforme sensible. Elle a été précédée d’une longue phase de négociation avec les partenaires sociaux. Ceux-ci sont passés tout près d’un accord et c’est davantage pour des raisons de dynamique de négociation que pour des motifs structurels qu’ils n’y sont pas parvenus. En outre, l’application de la réforme a été suspendue le temps de la crise. Deux de ses mesures (la dégressivité de l’indemnisation pour les plus hautes rémunérations et l’allongement de la durée de travail nécessaire à l’éligibilité à l’indemnisation) n’entreront en vigueur que par paliers et certaines d’entre elles sont même corrélées à une amélioration de la conjoncture économique et sociale.

Selon l’Unédic, près de 840 000 chômeurs devraient pâtir de ce nouveau calcul… cela ne crée-t-il pas une injustice ?

Ces calculs partent trop du principe qu’un demandeur d’emploi a vocation à rester au chômage toute sa vie. Aujourd’hui, un demandeur d’emploi ayant travaillé en CDI à temps partiel touche, pour le même temps travaillé au total, une allocation moindre à celle d’un autre ayant accumulé les périodes travaillées en CDD et les périodes chômées. Ce système n’est pas tenable à terme, en plus d’être inacceptable en matière d’incitation au retour à l’emploi. Ce nouveau calcul du salaire journalier de référence (SJR) atténue l’impact de la mesure en instaurant un plafonnement des périodes d’inactivité de 75 %, mais il répond toujours à la logique qu’un retour à l’emploi est plus intéressant que le maintien dans le chômage, par périodes alternées entre chômage et travail. Une fois cette réforme mise en œuvre, le système français restera l’un des plus avantageux d’Europe.

La dégressivité des droits et l’allongement de la durée de travail nécessaire à l’accès à l’indemnisation sont des mesures contre lesquelles les syndicats ont ferraillé. Leurs arguments sont-ils recevables ?

La dégressivité n’est pas une mesure nouvelle, sauf qu’auparavant, elle concernait tous les demandeurs d’emploi et pas seulement les mieux indemnisés. En outre, le nouveau régime évite les paliers dégressifs multiples pour n’en conserver qu’un seul, à 30 %, et seulement pour les plus hauts revenus qui sont par ailleurs les profils les mieux capés pour un retour rapide à l’emploi. Concernant le passage de quatre à six mois du temps de travail nécessaire à l’ouverture et au rechargement des droits à l’indemnisation, il en va comme du calcul du SJR : il repose sur une mécanique incitative pour les demandeurs d’emploi et les entreprises à adapter leurs anticipations et leur organisation pour un retour plus rapide à l’emploi. Par ailleurs, il faut aussi analyser cette mesure dans le contexte plus vaste de déploiement de tous les dispositifs d’accompagnement mis en place pour faciliter ce retour à l’emploi. Une partie de l’économie pour l’Unédic, dégagée par le changement des règles de l’assurance chômage, devait aussi servir à augmenter les budgets de Pôle emploi, dévolus à l’accompagnement des chômeurs. C’est cependant peut-être à ce niveau qu’il manque quelque chose à la réforme : un effort supplémentaire de formation pour les demandeurs d’emploi…

Les syndicats reprochent au bonus-malus de n’entrer en vigueur qu’après l’élection présidentielle… N’aurait-il pas mieux valu l’imposer plus tôt ?

En 2019, certains secteurs professionnels comme celui du bâtiment sont montés au créneau pour ne pas y être éligibles, mais le choix final des sept secteurs retenus n’a rien d’arbitraire puisqu’il s’est fait sur la base de critères objectifs en lien avec l’objet de la mesure et sous le contrôle du juge administratif. Il était par ailleurs justifié d’exclure temporairement les secteurs les plus touchés par la crise, comme l’hôtellerie-restauration, du bonus-malus. Par ailleurs, il est certain qu’une application pendant deux mois (en septembre et octobre 2022) de la mesure reste symbolique ; son fonctionnement demeure complexe et questionne son impact, et il sera sans doute nécessaire de travailler avec les parties prenantes à d’autres mécanismes plus efficaces et plus simples.

Note de l’Institut Montaigne « Assurance chômage : une réforme difficile, mais nécessaire » : https://www.institutmontaigne.org/blog/assurance-chomage-une-reforme-difficile-mais-necessaire

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre