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Le fait de la semaine

Formation : L’appli CPF atteint en partie ses objectifs

Le fait de la semaine | publié le : 23.11.2020 | Benjamin d’Alguerre

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Formation : L’appli CPF atteint en partie ses objectifs

Crédit photo Benjamin d’Alguerre

Un million de dossiers CPF ont été validés par la Caisse des dépôts et consignations au terme de l’année 2020. Un succès dont se félicite l’opérateur de l’État. Mais si l’application, en tant qu’outil, a fonctionné, ses usages démontrent que le CPF n’est pas encore perçu comme un outil de reconversion ou d’évolution professionnelle.

L’application Moncompteformation vient de souffler sa première bougie. Le 21 novembre 2019, Muriel Pénicaud, alors ministre du Travail, en avait assuré le lancement depuis le Forum des Halles, transformé pour l’occasion en « village de la formation ». Un an plus tard, la Caisse des dépôts et consignations (CDC), à la fois opérateur et banquier du compte personnel de formation, publie son premier bilan. Résultats : 1,83 million de téléchargements de l’appli, 12,53 millions de profils activés, 916 260 dossiers acceptés, 1,1 milliard de coûts pédagogiques engagés, 291 millions d’euros facturés correspondant à des formations achevées, pour un achat moyen de 1 214 euros. D’abord exclusivement réservé aux seuls usagers, le compte s’est progressivement ouvert à d’autres acteurs. Pôle emploi, depuis le 3 juillet (17 065 financements complémentaires pour 29 millions d’euros), puis aux employeurs depuis le 3 septembre (929 dotations et 4,7 millions d’abondements promis). Courant 2021, ce sera au tour des régions de pouvoir muscler financièrement les compteurs.

Manque de lisibilité

Sur le papier, tout fonctionne. En dépit de la crise sanitaire, des confinements et du chômage partiel, les objectifs initiaux du ministère du Travail, qui espérait une dépense formation via la plateforme comprise entre 1 et 2 milliards d’euros sur l’année, sont en partie atteints. Près de 17 000 organismes proposant 316 000 formations et 5 200 certifications sont inscrits. Mais il est peut-être un peu tôt pour crier victoire. « L’envolée du CPF n’a pas eu lieu ! », juge Natanael Wright, président fondateur de Wall Street English. La raison ? Le gouvernement a choisi comme taux de conversion des heures DIF en euro une valeur de 15 euros, soit trois fois moins que le taux des prises en charge par les Opca en 2018. « Cela avait du sens vu que le gouvernement s’attendait à une multiplication par trois du nombre de formations. Or celui-ci a peiné à dépasser celui de 2018. Résultat : les salariés qui veulent se former disposent encore pour deux ans de deux à trois fois moins de budget qu’à l’époque. » Déception également du côté de la Fédération de la formation professionnelle : « Lorsque l’on voit le top 5 des achats de formation au titre du CPF (permis de conduire catégorie B, bilan de compétences, TOSA, TOEIC, accompagnement VAE), on peine à voir se profiler la société des compétences à laquelle appelle la loi », déplore Nadine Gragnier, sa secrétaire générale. Une situation qu’elle explique par le manque de lisibilité et de visibilité de l’application. Car la grande campagne de communication promise par le ministère du Travail en 2021 a été stoppée net par l’arrivée du coronavirus en mars.

Les auto-écoles apparaissent en effet comme les grandes gagnantes de cette première année d’exercice avec presque 107 300 passages de permis achetés au titre du CPF. Effet d’aubaine, « la crise sanitaire réinterroge le rapport aux transports, surtout collectifs. Cela a créé un appel d’air pour le passage du permis », témoigne Bruno Garancher, président du réseau ECF (Écoles de conduite française). « Le CPF n’est pas forcément le bras armé des politiques de reconversion que l’on attendait, mais il constitue un bon outil pour renforcer la panoplie des compétences d’un individu et améliorer son employabilité ou sa mobilité », tempère Guillaume Huot, administrateur chez Cegos. Selon une étude publiée par l’organisme de formation en octobre dernier, 84 % des salariés s’estimaient prêts à mobiliser leur CPF pour développer leurs compétences, dont un tiers « en vue de financer de nouveaux projets professionnels ou personnels ». Certains opérateurs veulent en tout cas croire que le CPF peut être une porte d’entrée vers l’acquisition de compétences « dures ». L’Afpa a ainsi déjà rendu éligible 593 titres professionnels de son catalogue visant la reconversion : secrétaire médico-social, comptable, assistant de direction, cariste…

L’urgence de compléments financiers

De quoi laisser présager une évolution positive pour l’avenir ? Oui, mais à condition de pouvoir bénéficier de compléments financiers pour des compteurs CPF pour l’instant bloqués sur une moyenne de 1 280 euros. Deux enjeux s’annoncent donc primordiaux : le transfert des anciens compteurs DIF vers les CPF. Initialement soumise à la deadline du 31 décembre 2020, l’opération a bénéficié d’un sursis de six mois, jusqu’en avril 2021. « En moyenne, 1 200 euros dorment sur chaque compteur DIF. Cet argent sera précieux et utile dès janvier 2021 lorsque les conséquences de la crise font faire exploser les besoins en formation », prévient Natanael Wright. La FFP vient d’ailleurs d’éditer un guide en direction des employeurs pour les sensibiliser à cette problématique. Le second point dur, c’est évidemment l’appétence des entreprises à abonder les compteurs de leurs salariés. Si elles peuvent le faire depuis septembre, elles ne se bousculent pas pour remettre au pot. « Pour l’instant, les employeurs ne peuvent pas réellement abonder les comptes, mais les doter. C’est-à-dire y déposer de l’argent, mais sans pouvoir le valoriser dans leur plan de développement des compétences. Il y a urgence à assouplir le dispositif », note Nadine Gragnier. Selon le baromètre Cegos, 28 % se disent prêtes à négocier un accord en ce sens. À voir si les actes suivront les intentions.

L’appli Moncompteformation en chiffres

Le CPF en France, c’est… (au 4 novembre 2020)

• 38,02 millions de comptes CPF alimentés ;

• 1 280 euros en moyenne par compteur (secteur privé) ;

• 95,33 heures en moyenne par compteur (secteur privé).

L’appli CPF, c’est…

• 1,83 million de téléchargements ;

• 6,91 millions d’usagers ayant validé les CGU ;

• 12,53 millions de profils activés.

L’achat de formation via la plateforme, c’est…

• 916 260 dossiers acceptés ;

• 1,1 milliard de coûts pédagogiques ;

• 1 214 euros (prix moyen) ;

• 291 millions d’euros facturés (formations achevées).

L’abondement aux compteurs CPF, c’est…

• 29 millions financés par Pôle emploi (demandeurs d’emploi) ;

• 17 065 demandes ayant obtenu un financement complémentaire (demandeurs d’emploi) ;

• 929 dotations initiées par les employeurs (salariés du privé) ;

• 4,7 millions d’euros promis par les employeurs (salariés du privé) ;

• 1 843 salariés du privé potentiellement concernés (depuis septembre 2020).

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre