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Sur le terrain

Question de droit : Disparité de traitement conventionnelle : l’absence de présomption générale de justification

Sur le terrain | publié le : 15.04.2019 | Laurent Beljean

La justification d’une disparité de traitement entre salariés suit, à l’analyse de la jurisprudence, un régime probatoire différent selon la source de l’avantage considéré. Si la disparité repose sur un usage ou un engagement unilatéral de l’employeur, il appartient à ce dernier de fournir les éléments objectifs en lien avec la finalité de l’avantage conféré justifiant la disparité de traitement. Si la disparité de traitement résulte d’un accord collectif, celle-ci est présumée justifiée.

Mais cette présomption de justification s’étend-elle à toute disparité de traitement ?

Une salariée affectée à Saint-Lô avait été mutée à Caen dans le cadre d’une opération de rationalisation des implantations décidée par son employeur. Cette dernière n’avait cependant pas bénéficié des mesures d’accompagnement au transfert prévues par un accord collectif d’entreprise, dans la mesure où les partenaires sociaux n’avaient déterminé comme bénéficiaires que les salariés affectés sur l’ancien site antérieurement à une certaine date.

La salariée avait saisi la juridiction prud’homale sur le fondement de la rupture d’égalité de traitement.

La Cour d’appel faisait droit à la demande de l’intéressée, considérant que l’élément objectif différenciant les avantages octroyés n’était pas en rapport avec la finalité de leur octroi, à savoir la préservation d’emploi et du cercle familial.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 3 avril 2019, confirme la position des juges du fond, considérant que la généralisation d’une présomption de justification de toutes les différences de traitement fondée sur une convention ou un accord collectif doit être exclue, puisque contraire au droit de l’Union européenne. Autrement formulé, l’existence d’un accord collectif n’est pas de nature à justifier en soi une différence de traitement.

On pourrait penser que cet arrêt opère un revirement jurisprudentiel. Ce n’est pas tout à fait le cas, puisque dans une note explicative annexée, il est précisé que la présomption de justification fondée sur un accord collectif subsiste dans les cas déjà admis par les hauts magistrats. Il s’agit des différences de traitement entre salariés de catégories professionnelles différentes, entre salariés au sein d’une même catégorie professionnelle exerçant des fonctions différentes, entre salariés d’une même entreprise relevant d’établissements distincts.

En présence d’autres différences de traitement, il appartiendra alors à l’employeur de justifier des raisons objectives fondant cette disparité, dont les juges du fond seront chargés de vérifier concrètement la réalité et la pertinence au regard de la finalité de l’avantage octroyé.

Auteur

  • Laurent Beljean