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Contrepoint : « Une entreprise libérée a encore plus besoin de RH que les autres ! »

Le point sur | publié le : 08.04.2019 | L. Z.

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Contrepoint : « Une entreprise libérée a encore plus besoin de RH que les autres ! »

Crédit photo L. Z.

Trois questions a François Geuze, ancien DRH, auditeur social pour e-consulting RH, enseigne également au sein de plusieurs masters RH.

Plutôt que d’entreprise libérée, vous parlez d’entreprise accaparée… Pourquoi ?

Le fait d’enlever les contrôleurs, puisque l’entreprise libérée se débarrasse des managers, voire des RH, ne signifie pas que le contrôle lui-même ait disparu ! La différence, c’est qu’avec un système classique, le contrôle effectué par un chef, ne s’exerce pas en permanence, puisque le chef travaille lui aussi, tandis que dans l’entreprise libérée, où les collaborateurs travaillent en équipe la plupart du temps, le contrôle est effectué par tous, sur tous, tout le temps. Si l’équipe est homogène, très bien, si elle ne l’est pas, attention ! Gare aux grandes gueules qui vont monopoliser la parole, et à ceux qui vont se comporter en leader. Attention, aussi, aux accrocs de la performance et de l’engagement, qui vont vouloir absolument faire mieux que les autres. Vous comprenez donc qu’on puisse parler d’entreprise accaparée. Il s’agit en tout cas de la pression sociale du groupe sur le groupe par le groupe. J’irais même jusqu’à dire que cela peut vite devenir un système de maltraitance organisationnelle… Certes, il s’agit, face à la concurrence internationale, à la demande de sens et de bien-être de la part des salariés, de trouver des réponses sous la forme d’innovations managériales, mais cette méthode, cette mode, largement médiatisée, n’est pas la bonne réponse !

Vous voulez dire qu’elle n’est pas efficace ?

J’aimerais bien dire que c’est une catastrophe économique comme cela peut en être une au point de vue social dans l’entreprise, mais en fait, je n’en sais rien… Malgré la médiatisation, peu d’entreprises d’envergure ont opté pour le concept, et parmi celles qui ont sauté le pas – de petites entreprises, la plupart du temps, certaines se trouvaient dans une situation périlleuse. La « libération » était ainsi considérée comme l’électrochoc nécessaire, le dispositif de la dernière chance. Et si parmi elles, certaines ont réussi à s’en sortir grâce à ce système, combien d’autres ont échoué ? Enfin, si les principes de l’entreprise libérée peuvent être une bonne chose pour une start-up, par exemple, qui doit, effectivement, « libérer » la créativité et le potentiel de ses collaborateurs, on s’aperçoit que lorsqu’il s’agit d’industrialiser les process et de produire en masse, ces jeunes pousses « libérées » ont du mal à négocier le virage. Autrement dit, l’entreprise libérée peut être bonne à certaines étapes, pour certaines tailles de société, mais elle peut également, de mon point de vue, s’avérer inefficaces à d’autres stades de développement de l’organisation.

Si les managers n’ont plus lieu d’être avec la « libération », qu’en est-il des RH ?

Là aussi, c’est inquiétant. Je ne dis pas qu’il ne faut pas donner de l’autonomie aux collaborateurs, loin de là. Mais la théorie de l’entreprise libérée semble réduire les gens à leurs seules compétences techniques. Ce sont celles-là qui comptent. Quid des autres ? Comme des compétences managériales, qui ne s’improvisent pas ? Et quid de celles des RH ? Non seulement les aspects réglementaires qui font partie de la sphère RH nécessitent de vraies connaissances, mais les RH ont aussi un rôle de garde-fous par rapport aux risques sociaux et de régulateurs, notamment en cas de conflits. Sans compter que le dialogue social doit être organisé. Bref, c’est précisément parce qu’elle est libérée qu’une entreprise a encore plus besoin de RH que les autres !

Auteur

  • L. Z.