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Licenciement : Indemnités prud’homales : le barème de nouveau écarté

L’actualité | publié le : 14.01.2019 | Olivier Hielle

Le juge du travail fait de la résistance. Le 19 décembre 2018, le conseil des prud’hommes d’Amiens a estimé contraire au droit international le plafonnement des indemnités en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et l’a donc écarté. Cette décision sort six jours seulement après un jugement similaire rendu par le conseil des prud’hommes de Troyes. Un nouveau coup dur, donc, pour cette mesure phare issue des ordonnances « travail » du 22 septembre 2017. Pour rappel, le barème fixe un plancher et un plafond d’indemnités versées à un salarié licencié sans cause réelle et sérieuse, en fonction de l’ancienneté. Le plafond varie entre un et vingt mois de salaire dans les entreprises d’au moins 11 salariés, et entre un demi et deux mois et demi de salaire dans les entreprises de moins de 11 salariés. C’était une promesse du candidat Emmanuel Macron devenu depuis président de la République. Il voulait ainsi offrir aux entreprises – et aux salariés – davantage de prévisibilité. Du côté des syndicats de salariés, on y voit surtout une limitation à l’appréciation des faits par le juge et la possibilité offerte aux employeurs de budgétiser des licenciements, même si illégaux.

Dans leur décision, les juges prud’homaux amiénois ont estimé que le barème ne permettait pas de verser une somme « comme étant appropriée et réparatrice » à une salariée illégalement licenciée. Le conseil des prud’hommes d’Amiens a donc décidé d’écarter l’application de ce barème en se fondant sur la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail, qui prévoit qu’une juridiction nationale doit pouvoir imposer des indemnités adéquates ou « toute autre forme de réparation appropriée ». Dans cinq jugements rendus le 13 décembre 2018, le conseil des prud’hommes de Troyes a tenu le même raisonnement. Les juges ont estimé que le barème « ne permet pas d’apprécier les situations individuelles des salariés injustement licenciés dans leur globalité et de réparer de manière juste le préjudice subi ». En l’espèce, le juge ne bénéficiait d’un pouvoir d’appréciation que d’un demi-mois de salaire, entre le plancher et le plafond prévu par le barème. En outre, le plafonnement « ne permet pas d’être dissuasif pour les employeurs qui souhaiteraient licencier sans cause réelle et sérieuse » : il « sécurise davantage les fautifs que les victimes et est donc inéquitable », ajoute encore le conseil des prud’hommes de Troyes dans une décision à forte consonance politique.

Cependant, ces raisonnements ne sont pas à l’abri d’être contredits par les juridictions supérieures, qu’il s’agisse des cours d’appel ou de la Cour de cassation. Dans une décision rendue le 7 décembre 2017, le Conseil d’État a en effet jugé que le plafonnement n’était pas contraire à l’article 10 de la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail, ni à l’article 24 de la Charte européenne des droits sociaux. La Haute juridiction administrative a estimé que « les auteurs de l’ordonnance n’ont pas entendu faire obstacle à ce que le juge détermine […] le montant de l’indemnisation versée à chaque salarié en prenant en compte d’autres critères liés à la situation particulière de celui-ci ». En outre, le conseil des prud’hommes du Mans avait lui aussi jugé le barème conforme au droit international, contrairement aux décisions rendues par Amiens et Troyes. Affaire à suivre.

Auteur

  • Olivier Hielle