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Sur le terrain

Compétences : Innovorder innove en « séniorisant » ses équipes

Sur le terrain | publié le : 17.12.2018 | Lys Zohin

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Compétences : Innovorder innove en « séniorisant » ses équipes

Crédit photo Lys Zohin

La start-up parisienne vient d’embaucher un directeur commercial et un directeur technique de plus de 50 ans. Et le dialogue intergénérationnel – pour l’instant – se passe bien…

Le lieu est quelque peu improbable, puisqu’il s’agit, à quelques pas de Strasbourg-Saint-Denis à Paris, de la rue Blondel, plus connue pour d’autres charmes que ceux de ses start-up. Mais la gentrification aidant, c’est ici, sous une énorme charpente de fer et de verre, qu’Innovorder, une jeune pousse lancée en 2014 par quelques étudiants, a élu domicile. À l’entrée, bien rangée en piles sur une « coffee table » entourée de sièges en carton, la brochure de la société – spécialisée dans les solutions liées aux activités de restauration (caisse enregistreuse avec écran tactile, logiciel de prises de commandes, gestion des cartes de tickets restaurant, etc.) – assortie d’une « photo de classe « : une poignée de jeunes hommes en tenues décontractées, peu de femmes, peu de minorités visibles et aucun salarié au-dessus de 30 ans. Bref, la composition type du personnel de ces nouvelles sociétés… Et pour vraiment cocher toutes les cases de la start-up typique, Jérôme Varnier, cofondateur et désormais PDG d’Innovorder, déclare que, comme bien d’autres start-uppers, il sort lui aussi d’HEC… C’est d’ailleurs à HEC qu’il a, avant d’obtenir son diplôme en 2016, conçu l’idée de ces solutions avec quelques amis – des logiciels désormais utilisés par des enseignes comme Big Fernand et Bio C’Bon, de même que par Bagel Corner et Poivre rouge.

Si l’innovation vient des services et des solutions proposées pour la restauration, elle ne semble pas, si l’on s’en tient à la photo, faire partie de la gestion des ressources humaines… Et pourtant. « Nous sommes trois cofondateurs, de 25, 27 et 28 ans aujourd’hui, et au bout de quatre ans de croissance, nous avons eu la volonté de “sénioriser” l’équipe », déclare Jérôme Varnier. Lancée avec deux salariés, la société, qui compte aujourd’hui 50 personnes, « avait besoin de recruter des compétences qu’elle n’a pas, que ce soit au point de vue technique, marketing, connaissance du marché de la restauration, commercial… », poursuit-il. Et pour cela, rien de tel que des professionnels qui ont du métier. Autrement dit, qui n’ont pas 20 ou 30 ans, mais plus… « L’un des cofondateurs est directeur technique, mais il n’avait aucune expérience pour constituer une équipe autour de lui », précise ainsi Jérôme Varnier. Il s’est donc agi de lui affecter un technicien senior, qui a précisément ce savoir-faire. Même chose pour l’organisation générale de la start-up. Si elle veut perdurer, il lui faut se structurer davantage – d’autant qu’elle compte passer de 50 à 100 personnes l’an prochain –, être encore plus efficace et encore plus performante. Conséquence, une autre embauche, très récente, d’un deuxième professionnel d’un « certain âge » – 52 ans pour être précis. « Ces deux nouvelles recrues ont fait remonter la moyenne d’âge de la société à 31 ans », sourit Jérôme Varnier.

Qualité d’écoute

Le premier professionnel a été recruté via un chasseur de têtes, le deuxième, Daniel Richer, dont le titre officiel est directeur commercial, a été recommandé par l’un des actionnaires d’Innovorder. Plus que le commercial, il est chargé de faire en sorte que toutes les équipes atteignent un plus haut niveau de performance. Autant dire qu’il doit créer de meilleures conditions pour réussir, aussi bien en termes de créativité, de marketing, de promotion, de démarchage clientèle… « Dans un premier temps, il s’agit de coconstruire une nouvelle façon de fonctionner et cocréer les conditions de la performance », explique Daniel Richer, ancien entraîneur sportif puis coach dans les entreprises et consultant en performance. Coconstruction et cocréation impliquent d’entrée de jeu une écoute réciproque, mais aussi de la contradiction, parfois, et une décision finale, toujours. Après pas moins de 11 rencontres avec les jeunes cofondateurs, puis des membres de l’équipe, Daniel Richer – qui y voit, en clin d’œil, la symbolique du nombre de joueurs dans une équipe de football – a été séduit par la qualité de l’écoute qu’il a trouvée et la maturité déjà en place. « Le fait que ces jeunes entrepreneurs soient capables d’exprimer très clairement leurs besoins en matière d’organisation m’a impressionné », explique-t-il, tandis que Jérôme Varnier remarque sobrement que les cours de management ne sont, en général, pas assez nombreux dans les écoles de commerce… Daniel Richer, volubile, enchaîne : « Je ne serais pas auprès de lui aujourd’hui si je n’avais pas senti chez lui et chez les autres membres de l’équipe le goût de l’effort et la posture de discipline qu’ils ont, comme dans le sport ». Maintenant, les actes. Daniel Richer a commencé par un audit, pour voir ce qui pouvait être optimisé dans les process, il a déjà réfléchi à comment s’assurer de la maîtrise des différents aspects liés aux activités de l’entreprise – de la relation client à la connaissance du marché – dans le but d’élargir la base de clientèle et d’accroître les revenus de la start-up. « Mais attention, précise-t-il, tout est sous-tendu par l’humain. » D’ailleurs, il raconte avec une satisfaction non dissimulée que lors de sa première prise de parole devant les équipes commerciales, il n’a mentionné ni objectif ni chiffre. « J’ai parlé de cathédrales, de Saint-Exupéry… », se souvient-il. Seul but qu’il a fait valoir : celui d’aller tous boire un verre, à la fin de l’année 2020, au roof top de la Lebua State Tower, à Bangkok… Signe que la société aura pris son envol.

Taper avec deux doigts

Y a-t-il eu, au cours de ces premières semaines de cotransformation, des problèmes de communication ? Des écueils liés aux aspects intergénérationnels de la relation ? « Pas pour l’instant, rigole Daniel Richer, mais c’est sûr que cela arrivera, et ce ne sera pas un drame ! Nous apprendrons de cela. » Il fait remarquer qu’il prend plutôt des notes sur papier, tandis que Jérôme Varnier fait tout par ordinateur. Et qu’en bon Millennial, ce dernier passe d’une chose à une autre très rapidement. « J’ai remarqué que Daniel tape avec deux doigts seulement », se moque gentiment Jérôme, le digital native. Les deux en tout cas, se tutoient, cela va sans dire, sont satisfaits de cette relation horizontale et encore plus de la diversité dans l’équipe qu’apportent ces deux recrutements de professionnels seniors. Du « sang neuf », en quelque sorte, pour la jeune pousse…

Auteur

  • Lys Zohin