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Le grand entretien

« Pour les RH et le management, les free-lances sont un nouveau monde »

Le grand entretien | publié le : 08.10.2018 | Lys Zohin

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« Pour les RH et le management, les free-lances sont un nouveau monde »

Crédit photo Lys Zohin

L’agilité, tous les grands groupes en rêvent et jettent leur dévolu sur les free-lances qui apportent compétences et créativité. Mais encore faut-il avoir une vraie politique de free-lancing pour optimiser la participation de ces collaborateurs atypiques. Entretien sur ce défi managérial.

Avant de parler des difficultés – s’il y en a – à gérer côte à côte dans une même entreprise salariés et indépendants, peut-être faut-il voir en amont… Que faut-il pour que la relation entre free-lances et entreprise se passe bien ?

Pour que la relation entre free-lances et entreprise se passe bien, il faut d’abord avoir le bon free-lance dans la bonne entreprise ! Et pour ça, il y a des prérequis. Pour choisir le bon free-lance, il faut d’abord faire un brief correct et clair qui décrive le livrable attendu pour que la société soit satisfaite. Cela paraît évident, mais vous seriez surpris de voir que les briefs ne sont pas toujours clairs ! Dans un bon brief, il faut tout d’abord définir le contexte de la mission et la problématique à laquelle répondre, mais aussi l’environnement dans lequel le free-lance va travailler les parties prenantes du projet. À cela s’ajoutent les délais d’exécution, et le budget, bien entendu. Dans de nombreux cas, j’ai remarqué que les entreprises qui recherchent des free-lances se contentent de quelque chose qui s’apparente plus à une fiche de poste qu’à un descriptif de la mission du free-lance. Cette erreur donne lieu ensuite à bien des incompréhensions des deux côtés. Un grand travail doit être fait par les entreprises pour clarifier le champ d’action et les attentes ! L’entreprise fait souvent l’erreur d’appréhender le travail en free-lance de la même façon que le salariat, or c’est un nouveau monde qui doit être compris et piloté d’une nouvelle manière.

Y a-t-il d’autres erreurs à ne pas commettre pour les entreprises ?

Oui ! Aujourd’hui, nous sommes dans un marché candidate driven. Autrement dit, ce sont les free-lances, très demandés, qui choisissent leurs missions. L’entreprise doit donc s’adapter, proposer des missions valorisantes et agir vite, sinon les meilleurs candidats lui passeront sous le nez ! La notion de marque employeur est cruciale pour les grands groupes qui doivent faire évoluer leur process pour améliorer leur image auprès des free-lances. D’autant que, d’après une enquête menée par Yoss auprès de plus de 3 000 travailleurs en free-lance en 2018, 75 % d’entre eux préfèrent l’agilité des start-up à la « pesanteur » des grands groupes…

Même s’ils sont en mission pour quelques mois seulement, doit-on se préoccuper des soft skills des candidats en free-lance ?

Les soft skills sont des clés dans tous les cas, même si elles ont une place plus forte en fonction de la durée, de la visibilité et du contexte de la mission. Quoi qu’il en soit, l’idée est souvent de fidéliser les free-lances et de faire appel à eux à plusieurs reprises. Mieux vaut donc s’assurer qu’il y a d’abord un bon fit culturel. Or les valeurs des entreprises diffèrent. Un free-lance peut avoir le parfait fit culturel pour L’Oréal mais ne pas être en adéquation avec Carrefour, par exemple, puisque les environnements et les cultures sont très différents. Ce sont les soft skills qui permettent le plus facilement de savoir si les valeurs du free-lance vont coïncider avec celles de l’entreprise.

Une fois que l’entreprise a trouvé le bon free-lance, doit-elle faire un onboarding ?

C’est à mon sens un nouveau sujet que les grands groupes doivent mettre en place pour simplifier, accélérer et optimiser l’arrivée du free-lance. C’est même indispensable. Et cela peut être très simple : commencer par exemple par la mise en place d’un Wikipédia de la société sur lequel le free-lance trouvera une présentation de l’entreprise, des équipes et des outils. Cela peut également être un petit déjeuner ou une réunion de présentation. C’est une façon de bien intégrer le free-lance dans l’écosystème de l’entreprise, de cadrer la mission, de présenter toutes les parties prenantes. En outre, c’est à ce moment que l’entreprise – qui doit avoir réfléchi à la sécurité numérique en amont – voit avec le free-lance à quels canaux d’information il aura accès.

Et côté management ? Comment se passe la collaboration avec les free-lances ?

Côté management, c’est là aussi une révolution, ce que j’appelle le management 4.0, avec un réel pilotage des compétences externes. Aujourd’hui, un employé au sein d’une entreprise travaille avec deux fois plus de personnes qu’il y a dix ans. Les compétences et la manière d’aborder le management doivent donc évoluer. Pour commencer, il faut porter un autre regard sur le travail à distance et le travail à temps partiel, mais aussi ancrer dans les mentalités le passage du micromanagement vers du pilotage de projet. Les free-lances sont au cœur de ces nouveaux modes organisationnels, c’est donc une immense occasion d’agilité et d’innovation pour les entreprises ! L’un de mes clients se demandait pourquoi le free-lance avec qui il travaillait commençait à avoir « un esprit de salarié », ce qui n’était pas l’objectif. La raison ? Il travaillait exactement comme les employés… sur site et à plein temps, aux mêmes horaires. Là aussi, l’entreprise doit faire l’effort d’être candidate centric et s’adapter aux nouveaux modes de travail qu’incarnent les free-lances.

D’autres points de management à soulever ?

Si toutes les étapes en amont, sur le brief, la sélection, l’onboarding et le pilotage, ont été bien menées, vous pourrez alors découvrir l’incroyable faculté qu’ont les free-lances à délivrer des résultats, passer d’un sujet à l’autre, enrichir des benchmarks et innover avec ce regard extérieur si important pour se remettre en cause et progresser…

Le chef de projet, lui, doit s’assurer de la qualité de la réalisation du projet et mettre en place des points d’avancement réguliers et formels pour faire un suivi du projet avec le free-lance. Là encore, si les objectifs ont été bien construits en amont, les étapes sont claires et le suivi sert juste à ajuster et aider le free-lance à réussir dans sa mission. Même si c’est un professionnel qui ne restera que quelque temps dans la société, le chef de projet doit être en empathie avec le free-lance pour créer une relation.

Dernier élément qui a son importance : la clôture de la mission. Il est très important de l’encadrer pour s’assurer de la bonne passation d’informations et pouvoir poursuivre le projet en interne. Par ailleurs, une fois la mission finie, il peut être recommandé de faire intervenir le free-lance de manière ponctuelle, pour assurer le suivi du projet sur le long terme et s’assurer ainsi de conserver 100 % des bénéfices de son travail.

Parcours

Titulaire d’un master International Business et d’un MBA International Management, Romain Trébuil a commencé sa carrière chez Total, où il a audité et mis en place une organisation achats au niveau mondial. Il a ensuite rejoint L’Oréal, où il a élaboré une stratégie d’innovation et géré des accords mondiaux RH au sein de la direction achats groupe.

En février 2018, il a lancé la plateforme Yoss, première place de marché visant à mettre en contact grands groupes et travailleurs indépendants et à offrir un écosystème de services à destination des free-lances (mutuelle, aide au crédit, formation….). Aujourd’hui, la plateforme compte 5 000 free-lances inscrits et 800 clients.

Auteur

  • Lys Zohin