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Sur le terrain

Canada : Rapprocher les Amérindiens de l’emploi

Sur le terrain | publié le : 09.07.2018 | Ludovic Hirtzmann

Dans cet eldorado de l’emploi qu’est le Canada, les Amérindiens sont les grands oubliés. Des entreprises s’emploient à faire changer les choses et, parfois, les Premières nations créent elles-mêmes les conditions de leur réussite.

D’un côté 15 %, de l’autre 5,8 %. Le premier chiffre est celui du taux de chômage des autochtones canadiens, membres de ce qu’on appelle les Premières nations, le deuxième, celui du taux de chômage national en mai dernier. Parmi les nombreux problèmes que rencontrent les Amérindiens, leur niveau de formation, plus faible que celui des autres Canadiens. Alors que seulement 18 % des Canadiens ne possèdent aucun diplôme, c’est le cas pour 34 % des Amérindiens. Par ailleurs, les deux millions d’Amérindiens du Canada doivent faire face à une forte discrimination à l’emploi.

Plusieurs entreprises tentent toutefois de changer la donne. C’est ainsi le cas de la société Enbridge, spécialisée dans les oléoducs. Celle-ci a conçu un programme spécifique de gestion de la main-d’œuvre des Premières nations, l’Aboriginal Employment Committee (le comité d’emploi des autochtones, NDLR). Enbridge commence son action d’intégration professionnelle dans l’enseignement secondaire, en offrant à la fois des bourses d’éducation et des emplois aux jeunes Indiens, « principalement à ceux qui sont dans des réserves ». « Nous avons déployé des efforts concertés pour identifier les candidats autochtones aux forts potentiels d’emploi et leur fournir les compétences et la formation dont ils ont besoin pour trouver du travail, non seulement actuellement (chez Enbridge), mais aussi à l’avenir, pour leur carrière », explique à cet égard Jamie Honda-McNeil, le gestionnaire de l’engagement communautaire et autochtone d’Enbridge au Canada. De leur côté, les Forces armées canadiennes ont conçu un programme d’enrôlement dans l’armée spécifique aux Amérindiens, avec des conseillers autochtones. La formation, qui n’est rien d’autre qu’une préparation militaire, dure trois semaines. Elle est validée par un diplôme et s’accompagne d’un bonus de 1 200 dollars et de facilités pour intégrer l’armée.

Un partenariat gagnant-gagnant

Toutefois, dans certains cas, ces bonnes pratiques en matière de RH sont loin d’être désintéressées. Ainsi au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest (TNO) où il règne un froid polaire neuf mois de l’année. « On a connu une fois moins 53 degrés avec le vent », se souvient même Allan Rodel, le directeur général de la mine de diamants de la De Beers, Gahcho Kué (GK), à deux heures d’avion au nord de la ville la plus proche, Yellowknife, capitale des TNO. À l’exception des populations autochtones vivant dans la région, peu de gens venus de l’extérieur s’habituent à ces très grands froids. Résultat : « Nous tentons de privilégier l’embauche d’Amérindiens et de travailleurs de la région », indique Allan Rodel… Dans cette mine, assortie d’un camp composé d’un alignement de baraques préfabriquées, 21 % des employés sont Amérindiens. Afin de respecter la culture de leurs employés des Premières nations (sans oublier la sécurité), De Beers a inscrit dans les couloirs des logements de la mine des recommandations dans les différentes langues amérindiennes. Après tout, les TNO possèdent 11 langues officielles… Une attitude respectueuse appréciée des employés autochtones, tel Lee, chauffeur de bus, de la tribu des Tlichos, la plus puissante de la région. « J’ai un bon job. Nous sommes bien traités et la compagnie fait attention à nous. J’ai travaillé dans des mines au Nunavut (un autre territoire fédéral du nord du Canada, NDLR). Là-bas, les entreprises se moquaient de notre sécurité », confie-t-il.

Créer leurs propres emplois

Mieux, quelques groupes autochtones ont su tirer leur épingle du jeu sans l’aide directe des « Blancs ». Alors que les Amérindiens détiennent une bonne partie des ressources naturelles du Canada dans leurs réserves, qui couvrent près d’un tiers des terres du pays, en particulier dans le Grand Nord gelé, certains groupes ont su s’appuyer sur les richesses de leur sol pour négocier et recevoir de fortes redevances de compagnies pétrolières ou gazières. Mais il n’y a pas que l’extraction.

L’un des succès les plus remarquables est celui des 500 Amérindiens de la réserve d’Osoyoos, à la frontière de la Colombie-Britannique et de l’Alberta. Entraînés par leur chef, Clarence Louie, ils exploitent un vignoble très prisé, qui rapporte 25 millions de dollars chaque année. Une success story qui n’est pas unique. Aux confins du Grand Nord canadien et de la province du Manitoba, Missinippi Airways, compagnie aérienne sanitaire des Indiens Cris, est l’un des plus beaux succès économiques de la région. Et bien sûr, elle sauve la vie aussi bien à des patients amérindiens que “blancs”…

Auteur

  • Ludovic Hirtzmann