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Le fait de la semaine

Stratégie sociale : L’entreprise à l’école des parents

Le fait de la semaine | publié le : 09.07.2018 | Nathalie Tran

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Stratégie sociale : L’entreprise à l’école des parents

Crédit photo Nathalie Tran

Alors que le gouvernement réfléchit à un allongement de la durée du congé paternité, de nombreuses entreprises prennent aujourd’hui en compte la situation de parents de leurs collaborateurs et repensent leur politique parentale pour mieux accompagner les évolutions sociétales. Quelques groupes internationaux vont jusqu’à imaginer des dispositifs à l’échelle mondiale.

Le sujet interpelle de plus en plus d’entreprises. Si elles sont nombreuses à avoir mis en place des actions en faveur de la parentalité, notamment en matière de protection de la maternité, de prévention des discriminations et de congés spécifiques, un certain nombre d’entre elles tentent aujourd’hui d’aller plus loin et accordent, notamment, une place importante à la paternité. L’idée étant de favoriser une meilleure répartition des tâches parentales et de permettre ainsi aux femmes de passer plus de temps à développer leur carrière. C’est le cas, par exemple, d’Orangina Suntory France qui a dernièrement retravaillé son accord sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans ce sens. Le leader des boissons aux fruits propose notamment aux nouveaux parents, sans distinction, de reprendre une activité à temps partiel lors de l’arrivée d’un enfant, en transformant leur 13e mois en congés payés, leur permettant ainsi de bénéficier jusqu’à 22 jours de congé supplémentaires. Selon cet accord, en vigueur depuis janvier 2018, les futurs pères peuvent également bénéficier de 11 jours de paternité lors de la naissance de l’enfant, rémunérés à 100 % du salaire net en plus des 3 jours de congé légaux.

Comme Orangina Suntory France, bon nombre d’organisations abordent le sujet de la parentalité sous l’angle de l’égalité professionnelle et le positionnent comme un levier pouvant faciliter la carrière des femmes, ou encore de la conciliation vie professionnelle et vie familiale afin de « favoriser le bien-être de tous et renforcer l’implication de chacun », souligne Florence Marle, DRH chez Suntory France. Car mettre en avant la parentalité, c’est aussi rendre l’entreprise plus attractive, fidéliser ses collaborateurs et créer de l’engagement. « À une période où l’on parle d’expérience salarié, une politique de parentalité permet de s’adresser de fait à une majorité de collaborateurs et de répondre à des attentes montantes. Attractivité et fidélisation sont bien en jeu », observe Laurence de Ré-Vannière, directrice générale adjointe chez Entreprise & Personnel (E & P) qui constate une revendication de plus en plus forte de la part de salariés souhaitant « être reconnus dans l’entreprise comme parents ».

Renforcement de la marque employeur

Dans le cadre d’une étude européenne sur la parentalité, qu’elle vient récemment de publier (lire encadré), l’association s’est plus particulièrement intéressée aux politiques d’entreprises mondiales. Une démarche RH relativement récente, qui a émergé à l’initiative de quelques grands groupes désireux d’accompagner les évolutions sociétales et de renforcer leur marque employeur. Généralement, portée par la conviction de leurs dirigeants. « Le sujet n’est pas intuitif pour les entreprises. Beaucoup y réfléchissent mais s’interrogent sur la pertinence de telles actions », constate Laurence de Ré-Vannière. Pourtant, « dans un contexte d’intensification des rythmes de vie, à une époque où il est question de burn-out parental, prendre en compte la parentalité est un enjeu d’efficacité professionnelle », souligne-t-elle.

Parmi les pionnières, Kering et Axa ont harmonisé, depuis le 1er janvier 2017, leur politique parentale dans la soixantaine de pays où elles sont implantées. Le groupe de luxe offre désormais la possibilité à ses 44 000 collaborateurs, ayant au moins un an d’ancienneté, de bénéficier de 14 semaines rémunérées à 100 % au titre du congé maternité ou adoption, et de 5 jours, également payés à 100 % au bénéfice du congé paternité ou « partenaire ». L’assureur, quant à lui, va au-delà et propose à ses 160 000 collaborateurs un congé maternité de 16 semaines ainsi qu’un congé paternité de 4 semaines, rémunérés à 100 % dans le but de « favoriser le partage d’une culture commune au sein du groupe ». Quelle que soit la législation en vigueur dans les différents pays, l’ensemble des salariés bénéficient ainsi des mêmes droits en matière de parentalité.

L’étude réalisée par Entreprise & Personnel met en lumière l’attention particulière donnée au rôle du père et à la prise en compte des nouvelles formes d’unions (familles recomposées, homoparentalité), dans les politiques corporate également. Et la recherche d’un vocabulaire commun qui respecte le contexte culturel de chaque pays. On parle par exemple de « coparents », de « partenaires ». « Les entreprises ont mené une véritable réflexion sur les termes utilisés, car la politique mise en place doit faire sens partout où la société est présente », note Maud Guy-Coquille, responsable de projets chez E & P. Pour que la démarche fasse mouche, les sociétés qui se sont lancées dans une politique mondiale de parentalité veillent à ce que les pays y soient intimement associés. Une réussite qui se traduit la plupart du temps par une augmentation du nombre de congés pris et le développement d’un sentiment d’appartenance fort à l’entreprise. Cette prise en compte globale du sujet a un autre effet positif : « Elle crée un maillage au sein de la communauté RH », qu’elle fait évoluer vers « une DRH au-delà des frontières », souligne Maude Guy-Coquille.

Les politiques parentales monde, vecteur de progrès social

Pour mieux appréhender les enjeux d’une politique globale de parentalité en entreprise, l’étude menée par Entreprise & Personnel s’est intéressée à la démographie et aux caractéristiques sociétales (poids du contexte culturel, marché de l’emploi…) qui influent sur la législation des pays en matière de parentalité, et a fortiori sur les politiques des entreprises dans ce domaine. La comparaison a porté sur sept pays européens : l’Allemagne, la Belgique, la France, l’Italie, la Pologne, le Royaume-Uni et la Suède. Cette mise en parallèle a mis en lumière des situations parfois très différentes en fonction des thématiques prises en compte (santé et prévention, aides financières à l’éducation des enfants, temps de travail et congés…). À titre d’exemple, les modalités d’application du congé parental varient fortement selon les pays et encouragent ou pas l’implication des pères. C’est le cas de l’Italie et de la Pologne, qui l’une et l’autre reste attachée à une image encore très traditionnelle de la famille, contrairement à la Suède qui compte le plus grand nombre de pères célibataires d’Europe. L’Allemagne, en revanche, est le seul pays à ne pas avoir de congé paternité. Autre exemple, après un congé maternité ou parental, seuls la France et le Royaume-Uni ont instauré quelques initiatives pour accompagner les femmes lors de leur retour dans l’entreprise. Des divergences de situations qui montrent bien l’intérêt d’une politique globale RH. Celles-ci sont « synonymes de progrès dans de nombreux pays, notamment en Europe ». Elles permettent « de toucher les parties prenantes du moment mais aussi de marquer les esprits de leurs enfants et proches, c’est-à-dire de leurs futurs salariés ou clients », soulignent les auteures de l’étude.

Auteur

  • Nathalie Tran