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« La co-construction du CPF est une mauvaise idée »

L’actualité | publié le : 09.07.2018 | Benjamin D’Alguerre

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« La co-construction du CPF est une mauvaise idée »

Crédit photo Benjamin D’Alguerre

Pour le PDG de Wall Street English, avec le compte personnel de formation (CPF) co-construit, les entreprises vont « tenter de récupérer leurs budgets formation dans les poches de leurs salariés ». Il prédit l’échec de la réforme si le CPF n’est pas complètement à la main des individus.

Qu’attendez-vous de cette réforme de la formation ?

Ce que nous disons aujourd’hui au gouvernement, c’est : « OK pour votre réforme, mais à condition qu’elle soit entièrement applicable dès le premier jour ». Nous gardons de mauvais souvenirs de la dernière, puisque lors de son entrée en application le 1er janvier 2015, les langues n’étaient pas éligibles au compte personnel de formation (CPF) ! Elles ne le sont devenues qu’au mois de juin et uniquement parce que les organismes de formation spécialisés sont intervenus auprès du Copanef en ce sens. Sauf que chez Wall Street English, ces six mois de latence se sont traduits par une perte de 40 % de notre chiffre d’affaires. La non-inscription des langues dans les listes du Copanef était d’ailleurs un non-sens puisque c’est aujourd’hui la première formation demandée au titre du CPF ! La preuve : nous en avons délivré environ 15 000 depuis 2015. C’est pour ça que la monétisation du compte est plutôt une bonne nouvelle pour nous : 95 % de notre clientèle est composée d’individus qui viennent se former à titre personnel et hors temps de travail.

Que pensez-vous de la possibilité d’une « co-construction » du CPF entre l’individu et son employeur comme la future loi en laisse la possibilité ?

C’est une mauvaise idée : elle nie le principe que le CPF appartient aux individus. Avant la réforme, le taux de contribution des entreprises aux fonds mutualisés de la formation continue s’élevait à 1,6 % de leur masse salariale, tous dispositifs confondus. Demain, elle ne sera plus que de 1 % [pour les entreprises de plus de 11 salariés] et c’est d’ailleurs ce que les représentants des entreprises ont voulu durant la négociation sur l’ANI formation. Et maintenant, avec le CPF « co-construit », les entreprises vont tenter de récupérer leurs budgets formation dans les poches de leurs salariés ! Les citoyens doivent comprendre qu’il s’agit ici de leur argent, pas celui de leur employeur.

Quelle est votre perception de la future application smartphone qui servira d’interface entre l’individu et son compte formation ?

Justement. C’est parce que le gouvernement va dans le sens d’une individualisation des droits à la formation qu’il ne doit pas se planter sur l’appli qui permettra l’accès au CPF dès 2020 ! Si l’outil n’est pas au rendez-vous, la réforme échouera car la confiance entre les organismes de formation et les individus sera écornée. L’appli devra aussi être en mesure d’éviter les fraudes car il y aura fatalement des organismes douteux qui se monteront pour proposer des deals malhonnêtes à leurs clients sur le mode : « Amène-moi tes 5 000 euros de CPF et je te restitue 2 000 en cash ! ». La DGEFP a très peur de ça, d’ailleurs. C’est pourquoi je propose la création d’un groupe de travail qui associerait les représentants des organismes de formation, la DGEFP, quelques dirigeants d’Opca, la Caisse des dépôts, les Urssaf, le Cofrac et les services fiscaux.

Mais les organismes de formation (OF) attendent aussi de cette appli qu’elle leur garantisse d’être payés d’au moins un tiers de la facture finale dès l’entrée du client en formation (un deuxième tiers serait réglé en milieu de prestation ; le troisième à son issue). En échange de quoi, les prestataires s’engageraient à assurer un suivi des stagiaires, quitte à les inciter à revenir en formation s’il s’avère qu’ils « sèchent » pendant leur cursus. C’est ce que nous faisons à Wall Street English. Il est injuste que les OF ne soient pas payés si l’absence du stagiaire est de la seule responsabilité de ce dernier.

Auteur

  • Benjamin D’Alguerre