La sécurité au sein du groupe industriel de fabrication d’emballages est devenue une valeur, plus qu’une contrainte. Résultat : le nombre d’arrêts suite à une blessure est en nette baisse, ces dix dernières années.
De 150 à 46. Le nombre d’accidents du travail suivis d’un arrêt a été divisé par trois entre 2009 et 2017 au sein de Smurfit Kappa, un groupe industriel qui fabrique des emballages carton et papier. Et au-delà de cette réduction en volume, l’entreprise se réjouit aussi de la baisse des accidents graves, à ses yeux une problématique essentielle. L’objectif du zéro accident semble encore loin mais les progrès sont visibles. Le résultat de la volonté du président lui-même, qui a centralisé la politique de sécurité.
Avec la création pour la France du poste de directeur de la sécurité en 2009, pour Christophe Decaudin, qui occupe cette fonction depuis lors, un tournant s’est amorcé : « Ma mission était de réaliser un changement de culture pour que la sécurité ne soit plus seulement perçue comme une contrainte. Si la seule motivation est la peur du chef, dès lors qu’il n’est pas là, les mesures de sûreté ne sont pas respectées et il est impossible de faire baisser le nombre et la gravité des accidents. »
Il fallait éliminer cette peur du gendarme au profit d’une prise de conscience du risque. Voilà pourquoi Christophe Decaudin a commencé par former plus de 300 managers à une nouvelle forme de communication sur ce sujet auprès de leurs équipes. Objectif : qu’elles prennent conscience « du risque et de l’impact du non-respect d’une règle sur la santé ou la sécurité ».
Parallèlement, des mesures techniques ont été prises. Comme la chasse aux pièges, la suppression de marches au profit de plans inclinés par exemple, ou la fabrication de chaussures montantes spécifiques pour éviter les torsions de cheville. Environ un accident sur trois résulte d’une chute ou d’une glissade. À la surprise générale lorsque la règle a été établie, Christophe Decaudin a aussi interdit la circulation piétonne dans les stocks dès lors que des chariots élévateurs fonctionnent, cette fois pour éviter les accidents les plus graves. En effet, les chariots transportent des bobines de plusieurs tonnes.
Mais au-delà des dispositions techniques, il s’est agi de s’attaquer aux comportements individuels, la clé, en somme, de la prise de conscience du risque de façon définitive. Dès 2010, dans les établissements hexagonaux, une journée de la sécurité a été mise en place : « Un jour où on cesse de produire, un jour où on partage un temps convivial autour de la sécurité pour l’appréhender de manière positive. » Ateliers, accueil des familles dans les usines, massages pour traiter les problèmes de dos, séances d’échauffement… chaque unité choisit son action. Aujourd’hui, la journée de la sécurité se déroule au printemps partout dans le monde, dans toutes les unités de production de Smurfit Kappa. Et Christophe Decaudin de se réjouir : « Certaines initiatives lancées sur ces journées perdurent au-delà. J’ai par exemple vu certaines de nos usines maintenir chaque matin 15 minutes d’échauffement sur de gros ballons qui permettent de faire des assouplissements. Elles ne sont pas majoritaires mais certaines ont osé ! » Autre avantage de ces journées : elles sensibilisent les collaborateurs à la nécessaire prise en compte de la sécurité dans tous les temps de leur vie, pas uniquement sur leur lieu de travail.
Difficile de mesurer les effets sur la vie privée. Mais Christophe Decaudin estime qu’en dix ans, la prise de conscience du risque s’est bien implantée et que la sécurité est devenue une valeur pour les collaborateurs. Pour autant, il prévoit qu’il faudra une autre décennie pour qu’un collègue ose en interpeller un autre sur cet enjeu, soit pour le féliciter d’une mesure de sécurité qu’il met bien en place, soit, au contraire, pour lui faire une recommandation.
Groupe familial irlandais à sa création en 1935, Smurfit Kappa compte aujourd’hui 46 000 collaborateurs, répartis sur 370 sites, implantés dans 35 pays, dont 21 européens. Il produit chaque année plus de 10,5 milliards de mètres carrés d’emballage en carton ondulé, et 7 millions de tonnes de papier. Il détient 103 000 hectares de forêts dans le monde et recycle 6,8 millions de tonnes de papier. En 2017, son chiffre d’affaires s’élevait à 8,6 milliards d’euros.
