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Sur le terrain

Organisation du travail : L’Atelier du laser de la hiérarchie à l’holarchie

Sur le terrain | publié le : 11.06.2018 | Lucie Tanneau

À Beaumont-lès-Valence (Drôme), la PME spécialisée dans la découpe laser a choisi d’utiliser l’outil Holacracy, accompagné par iGi Partners, pour libérer son organisation.

Quand il découvre le livre d’Isaac Getz, L’Entreprise libérée, il y a deux ans, Sébastien Di Pasquale fonce tête baissée. « L’Atelier du laser, créé un an plus tôt, avait grandi très vite. Je me rendais compte que huit personnes ne se pilotaient pas comme trois, mais je voulais laisser la main », raconte le spécialiste de la découpe laser. Une mauvaise expérience. Au moment du bilan, l’été dernier, les salariés se sentaient abandonnés et ne savaient plus vers qui se tourner : « Une belle idée, mais la méthode était mauvaise. »

Entre-temps, Sébastien Di Pasquale découvre le terme holarchie* et dévore le livre de Brian Roberston, créateur aux États-Unis d’une application informatique, HolacracyOne, qui permet de transposer ce fonctionnement à l’entreprise. « J’ai trouvé le cadre dont j’avais besoin, avec des règles précises et une manière de communiquer. » Il se tourne alors vers iGi Partners qui développe la méthode en France depuis 2008. « Nous avons formé Sébastien pendant une semaine, raconte Bernard-Marie Chiquet, son fondateur, puis nous sommes allés rencontrer son équipe. »

Pendant deux jours, en décembre, la production s’arrête. Les salariés, dotés chacun d’un poste informatique, commencent à utiliser les règles du jeu d’Holacracy : des réunions de gouvernance qui permettent « d’encoder la réalité de l’entreprise et de définir les rôles de chacun » et des réunions de triage, « qui répartissent ces rôles ». Parmi ceux encodés : la production d’une pièce, la rencontre des clients ou l’organisation du repas de Noël.

Après cette présentation, les 12 salariés acceptent, via un questionnaire anonyme, de se lancer. Tous signent la constitution, la règle de fonctionnement déjà adoptée par le gérant. Trois collaborateurs volontaires se forment pendant une semaine en février. Puis, au printemps, l’Atelier du laser passe au nouveau système. Les réunions se mettent en place, à raison d’une heure par semaine. « C’est chronophage, mais à terme la gouvernance n’aura lieu qu’une fois par mois », précise Sébastien Di Pasquale.

Trois comités sont aussi mis sur pied : recrutement, sortie et rémunération. « J’avais libéré les salaires et les collaborateurs avaient établi leur grille, nous sommes en train de la retravailler, reprend-il. Ce n’est pas parce qu’on adopte Holacracy que les salaires changent, mais les critères de rémunération deviennent transparents. »

Huit ou neuf rôles en moyenne

Désormais, Sébastien Di Pasquale et quelques salariés parlent en « rôle ». Par exemple, le rôle planification demande au rôle commerce de prévenir son client de ne pas venir chercher sa pièce avant 18 heures. « Avant, le chargé de planification aurait serré les dents en espérant que ça passe. Désormais, puisqu’il ne demande plus à untel mais à un rôle, il ose », se réjouit le fondateur. Les salariés, des rôles, presque des numéros ? « Pour l’instant, c’est le cas. Mais c’est le temps que chacun se fasse à l’outil, et retienne qui fait quoi. Après, on reviendra au prénom », rassure-t-il. Car, même si la moyenne d’âge de L’Atelier du laser est jeune (30 ans), le changement désoriente. « Il faut du temps pour que les personnes ne voient plus le président comme le président mais à travers ses rôles », reconnaît Bernard-Marie Chiquet qui a accompagné 70 entreprises en France. « Mais on reviendra en octobre et en 2019 faire des piqûres de rappel pour les aider. »

En attendant, Sébastien Di Pasquale et ses « flex » (pour flexibilité, un surnom qui évite d’employer le terme « salarié ») continuent d’encoder leurs rôles. « En moyenne, nous en avons 8 ou 9. Certains en ont 2, moi j’ai en 35. » S’il est tôt pour faire le bilan, l’ex-patron ne regrette ni les 50 000 euros ni le temps investis dans Holacracy, même si deux salariés sont partis. « Ça avance. Le rôle maintenance sait désormais qu’il a un budget de 40 000 euros par an, il ne vient plus me faire signer des devis de papier toilette ou de ramettes pour l’imprimante. » Dans son ancienne entreprise, Sébastien Di Pasquale avait connu une rupture : le lean manufacturing. « Le lean s’essouffle vite. Avec Holacracy, l’organisation fait qu’on est obligé de continuer », défend-il. Bilan dans un an.

Pour aller plus loin

La BD sur Holacracy réalisée par Bernard-Marie Chiquet et Étienne Appert, disponible gratuitement à l’adresse www.labdsurlholacracy.com

Holacracy ou entreprise libérée ?

Sortir de l’organisation hiérarchisée et pyramidale : le but des entreprises dites libérées et de celles qui adoptent Holacracy est le même. La manière d’y parvenir diffère. « Dans toutes les entreprises libérées, ce sont les patrons qui ont innové dans leur façon de manager. Avec Holacracy, il n’y a pas de héros libérateur, mais un outil à appliquer », explique Bernard-Marie Chiquet, le fondateur d’iGi Partners, spécialiste d’Holacracy en France. Une boîte à outils qui se paie : en moyenne 3 000 euros par salarié (et davantage dans les petites sociétés).

* Une holarchie est un système qui, comme le corps humain, se compose de parties sans lien hiérarchique de fonctionnement entre elles.

Auteur

  • Lucie Tanneau