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Sur le terrain

Emploi : Le Canada, eldorado des petits jobs

Sur le terrain | publié le : 21.05.2018 | Ludovic Hirtzmann

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Emploi : Le Canada, eldorado des petits jobs

Crédit photo Ludovic Hirtzmann

Alors que les gouvernements français successifs ont toujours privilégié le développement des « métiers d’avenir », qui requièrent plutôt des profils qualifiés et diplômés, les Canadiens, pragmatiques, misent depuis longtemps sur des petits boulots. Avec succès.

Si le Canada met régulièrement en avant des entreprises telles que Bombardier, Ubisoft ou BlackBerry – des sociétés qui recrutent un grand nombre de diplômés appartenant aux meilleures universités – pour asseoir son image de pôle technologique, la réalité est plus contrastée. « Comparativement à de nombreux autres pays de l’OCDE, la proportion de diplômés universitaires canadiens est peu élevée dans les domaines en forte demande comme les sciences, les mathématiques et l’ingénierie et (…) le domaine des affaires », note un rapport du budget canadien, avant d’ajouter que « le nombre de gestionnaires hautement scolarisés est relativement faible, ce qui peut donner lieu à des degrés d’innovation moins élevés ». Seuls 24 % des Québécois ont un diplôme universitaire. Selon une enquête de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) sur la rémunération dans les entreprises privées du Québec de 200 à 400 employés, à peine 8 % des salariés possèdent un diplôme d’études supérieures et 42 % ont reçu une formation secondaire (NDLR : niveau Première et moins). Ce qui n’empêche pas le Canada de bien réussir dans le domaine de la création d’emplois depuis de très nombreuses années.

Forte croissance

Avec un taux de chômage national de 5,8 % en mars (derniers chiffres disponibles), voire de 5,6 % au Québec ou de 4,7 % en Colombie-britannique, une province de la côte ouest du Canada, le pays fait figure d’eldorado aux yeux de ses partenaires du G7. « La faiblesse du taux de chômage s’explique par la forte croissance économique d’environ 3 % en 2017, cela a entraîné une forte progression de l’emploi. Cela s’explique aussi par la démographie. Le vieillissement de la population fait que beaucoup de travailleurs prennent leur retraite et qu’il n’y a pas assez de jeunes pour prendre la relève », précise Hélène Bégin, l’économiste principale du Mouvement Desjardins (NDLR : la banque des Québécois). Une explication juste, mais qui ne précise pas que la culture socio-entrepreneuriale canadienne est bien différente de celle de la France.

En Alberta, une autre province de l’Ouest du Canada, les enfants peuvent travailler plus de huit heures dès l’âge de 12 ans et en Colombie-britannique à moins de 12 ans, lorsqu’ils obtiennent une autorisation de leurs parents. Ce qui est fréquent. Le sociologue Daniel Mercure, professeur à l’université Laval de Québec, confie : « Énormément d’étudiants travaillent au salaire minimum ». Au marché Richelieu, petite supérette montréalaise du quartier du Plateau Mont-Royal, un jeune homme s’affaire près de deux caisses du magasin, tandis qu’une jeune québécoise fait de même. Leurs métiers : commis emballeur des courses des clients. Le Canada compte un grand nombre de ces jobs, pour la plupart inexistants en France. Une situation rendue possible par le fait que la notion de « petits jobs » n’existe tout simplement pas là-bas et que personne ne porte de jugement de valeur sur le prestige du travail de l’autre. Le Canada compte aussi des milliers de chaînes de restaurations rapides et de cafés qui emploient des centaines de milliers d’employés payés au salaire minimum. Même si, selon Mouvement Desjardins, « la rareté de la main-d’œuvre plus criante au Québec a incité plusieurs entreprises à rehausser les salaires afin de retenir leurs employés ». S’il n’existe pas de recensement des petits jobs, l’ISQ (Institut de la statistique du Québec), dans une récente étude sur la qualité de l’emploi, estime qu’en 2016 environ 30 % des emplois de la Belle province étaient de « qualité faible ». Le directeur d’un centre de création d’entreprises de Montréal, qui préfère rester anonyme, conclut : « Les emplois créés ces dernières années sont des jobs précaires et sans avantages sociaux. Il n’y a pas de quoi être fier. J’emploie 20 personnes et ils sont payés souvent plus de 100 000 dollars par an. Même la réceptionniste gagne 60 000 dollars par an. Ils sont heureux et moi je n’ai pas de problèmes avec la présence d’un syndicat dans mon entreprise. »

Auteur

  • Ludovic Hirtzmann