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Le fait de la semaine

Obligations employeurs : Seuils sociaux : Vers un nouveau Pacte ?

Le fait de la semaine | publié le : 21.05.2018 | Benjamin D’Alguerre

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Obligations employeurs : Seuils sociaux : Vers un nouveau Pacte ?

Crédit photo Benjamin D’Alguerre

Les annonces de Bruno Le Maire sur l’assouplissement des seuils sociaux en entreprise ont été accueillies avec une relative indifférence de la part des partenaires sociaux. Sauf de la CPME qui s’était largement mobilisée sur la question. Les couteaux pourraient sortir des étuis à l’occasion du débat parlementaire.

L’histoire ne dit pas si le champagne a été sabré du côté du siège de la CPME le 3 mai dernier, mais a minima, un grand soupir de soulagement y a été poussé. En annonçant, le matin même, que son futur Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) entendait supprimer le seuil de 20 salariés à partir duquel un certain nombre d’obligations légales et fiscales s’imposent aux entreprises et assouplir ceux de 10 et 50 salariés, Bruno Le Maire a ôté une considérable épine du pied à la Confédération des PME. Il faut dire que pour le patronat, et plus encore pour celui représentant les petits employeurs, les seuils sociaux ont toujours fait figure d’épouvantails, synonymes d’obligations fiscales et administratives supplémentaires (cotisations logement, formation, apprentissage…), mais aussi de mise en place d’instances représentatives du personnel (IRP) dans l’entreprise, de négociations obligatoires et… de dépenses supplémentaires. Sophie Dupré, dirigeante d’une petite holding chapeautant une dizaine de points de restauration rapide et de boulangeries-pâtisseries à Clermont-Ferrand, a choisi de bloquer les effectifs de chacune de ses entreprises à 9 salariés et de l’ensemble à 49, par crainte, justement, de franchir ces seuils. « Je paye un comptable par société, à 1 800 euros par an pour chacune. Malgré ça, j’économise 10 % par rapport à ce que représenteraient tous les coûts induits par le dépassement des seuils sociaux », témoigne-t-elle. « Ce n’est pas un hasard s’il existe 2,4 fois plus d’entreprises de 49 salariés que de 51 ! Pour un dirigeant de PME qui ne dispose d’aucun service RH, franchir le seuil veut dire s’imposer un nombre considérable d’obligations », indique Jean-Eudes du Mesnil, secrétaire général de la CPME. La Confédération en a d’ailleurs énuméré 80, essentiellement liée au passage de 49 salariés à 50 : obligation de mise en place d’un comité social et économique (CSE), tenue d’un registre unique du personnel, organisation de six réunions minimum chaque année avec les élus du personnel… Dans le Pacte, une seule obligation adossée au seuil des 20 salariés sera maintenue : celle liée à l’insertion de salariés handicapés.

Une demande de la CPME

Dans son bras de fer avec Bercy pour que l’assouplissement des seuils sociaux soit inscrit dans la loi, la CPME s’est sentie bien seule au cours des mois écoulés. Côté soutiens, les autres organisations patronales se sont contentées du strict minimum. À l’U2P (Union des entreprises de proximité), on ne se sent pas vraiment concerné vu la petite taille des sociétés défendues qui les excluent le plus souvent de facto de ces revendications. Quant au Medef, il ne s’est pas mobilisé sur la question. « Malgré ce qu’affirme Pierre Gattaz sur la représentation des PME au sein du mouvement, le Medef est et reste l’organisation représentative des grands groupes », analyse Jean-Eudes du Mesnil. Plus étonnante est la quasi-absence de réactions syndicales aux annonces du ministre de l’Économie et des Finances. La question des seuils avait pourtant mis le feu, en 2014, à la négociation sur le dialogue social en entreprise, qui s’était alors achevée sur un constat d’échec, faute d’accord sur un repositionnement des curseurs. Quant à la timide suggestion du ministre du Travail de l’époque, François Rebsamen, de mettre en place un moratoire de trois ans sur cette question, elle avait suscité une telle levée de boucliers syndicale que le gouvernement avait dû battre en retraite. Et aujourd’hui ? Rien, ou si peu, du côté des centrales les plus radicales comme la CGT ou FO. Et un silence qui pourrait valoir approbation chez les réformistes. « La question tient moins aux seuils sociaux qu’aux seuils fiscaux et aux ressources associées : j’espère que le ministre a pris sa calculette pour déterminer le manque à gagner de son projet », s’amuse Joseph Thouvenel, vice-président de la CFTC. Le surcoût, selon Bercy, devrait être pris en charge par l’État, à hauteur de 500 millions d’euros.

Opacité autour du contenu final

Mais ce flottement autour des détails du projet Pacte s’explique peut-être aussi par la discrétion autour du contenu final du texte, qui ne circule pas hors des murs de Bercy. « Du coup, les seules informations dont nous disposons viennent des déclarations officielles de Bruno Le Maire », indique Jean-Eudes du Mesnil. Seule certitude, à en croire le ministère, la question des seuils ne « devrait pas bouger » dans le futur projet de loi qui, d’abord annoncé pour fin mai 2018, ne passera finalement en Conseil des ministres que « courant juin ». Certains regrettent cependant que cette problématique des seuils doive passer par la loi au lieu de relever du dialogue social d’entreprise, dans l’esprit des ordonnances Travail de septembre 2017. D’autres estiment qu’au vu de l’opacité autour du texte, c’est son passage devant le Parlement qui réveillera les consciences. L’un d’eux l’affirme : « Si la bataille des seuils doit avoir lieu, ce sera à ce moment-là. »

Auteur

  • Benjamin D’Alguerre