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Le fait de la semaine

Jeunes et santé au travail : La formation, clé de la prévention des risques

Le fait de la semaine | publié le : 14.05.2018 | Benjamin D’Alguerre

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Jeunes et santé au travail : La formation, clé de la prévention des risques

Crédit photo Benjamin D’Alguerre

On compte deux fois moins d’accidents du travail chez les jeunes formés à la sécurité et à la santé au travail pendant leur parcours scolaire ou d’apprentissage, révèle une enquête de l’Institut national de recherche en santé (INRS). De quoi inciter le monde éducatif à développer les modules dédiés à cette problématique. Mais les obstacles sont encore nombreux.

« Quand ça va pas assez vite ou qu’c’est mal fait/C’est toujours moi l’apprenti qui m’fait engueuler/On m’parle comme à un chien/En m’disant qu’c’est pour mon bien/Évidemment je suis tellement stressé/De faire des erreurs/Que bien sûr, par peur,/j’en fais, des erreurs. » Leur souffrance au travail, Luidji Yéyé et Hicham Harmach, apprentis en installation thermique au CFA du BTP de Blanquefort (Gironde), ont choisi de l’exprimer sous forme de slam. Leur titre « harcèlement moral » a d’ailleurs remporté le prix « coup de cœur » au concours national de l’INRS (l’Institut national de recherche et de sécurité), le 2 juin 2017. Mentaux ou physiques, les risques encourus par les jeunes dans l’environnement professionnel restent une réalité en 2018. Selon les calculs de l’OIT, l’incidence des lésions professionnelles non mortelles est supérieure de 40 % chez les travailleurs âgés de 18 à 24 ans que chez leurs homologues adultes dans le monde. En France, la fréquence annuelle des accidents du travail chez les moins de 25 ans est de 10 %, contre 4 % chez leurs aînés. Or, fait remarquer l’INRS, « c’est lors de la période de transition de l’école vers la vie active que cette population est la plus vulnérable, car elle est à la fois jeune et nouvelle dans l’emploi ». Bref : les questions de santé et sécurité au travail doivent aussi s’apprendre à l’école. L’INRS, en partenariat avec l’Éducation nationale et la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) développent d’ailleurs depuis vingt ans une série de programmes destinés à développer une culture de la prévention des risques professionnels, y compris en intégrant des modules « santé et sécurité au travail » au sein des différents diplômes de formation initiale. Aujourd’hui, 350 000 élèves et apprentis se voient sensibilisés chaque année à ces questions. Plus de 150 000 sont formés au secourisme du travail, 17 500 à la prévention des risques liés à l’activité physique (PRAP) et 2 500 enseignants sont eux-mêmes sensibilisés aux compétences de base en prévention.

Zones grises

Avec un certain succès, à en croire l’étude épidémiologique dévoilée par l’INRS le 3 mai dernier, puisque selon les résultats d’une observation menée de 2009 à 2014 sur 1 800 apprentis et élèves (du CAP au BTS), les risques d’accidents du travail sont divisés par deux lorsque ces jeunes travailleurs ont bénéficié d’une formation idoine pendant leur parcours initial. Parmi les métiers demeurant « à risques » malgré la sensibilisation : le BTP, les métiers de bouche, la cuisine et la maintenance.

Malgré tout, des angles morts subsistent dans la mise en place des politiques de prévention à destination des futurs travailleurs. Ainsi, l’intégration d’une période obligatoire de sensibilisation aux risques professionnels généralisée à l’ensemble des cursus d’apprentissage figurait dans le rapport Brunet rédigé à l’issue de la concertation sur l’apprentissage, en janvier dernier. Las. Cette suggestion n’a pas été reprise dans le projet de loi « Avenir professionnel » de Muriel Pénicaud. D’autant plus dommage, aux yeux de l’ex-présidente de cette concertation, que les organisations de jeunesse auditionnées à l’époque avaient intégré cette problématique à leurs doléances. « La JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne) avait demandé l’instauration d’un véritable droit à l’information et à la formation sur la santé et la sécurité au travail », se souvient Sylvie Brunet. L’ANAF, Association nationale des apprentis de France, avait pour sa part beaucoup insisté sur l’impréparation des jeunes au monde du travail. Autre zone grise de la prévention des jeunes : l’enseignement supérieur. En cause, l’indépendance et la régionalisation des facs qui empêchent la mise en place de modules nationaux communs à l’ensemble des établissements. Un vrai casse-tête pour le CNEST, le Conseil national pour l’enseignement de la santé et de la sécurité au travail, qui chapeaute la diffusion des bonnes pratiques préventives dans l’univers universitaire. « Imposer de tels programmes dans le supérieur, c’est compliqué », admet Jean-Pierre Collignon, en charge du dossier au sein du ministère de l’Éducation nationale, « souvent, ce sont les Carsat régionales qui doivent saisir leur bâton de pèlerin et évangéliser les universités à cette question ». Avec le risque de laisser les étudiants de 3e cycle – souvent les futurs cadres d’entreprises – vierges de toute compétence en matière de santé au travail.

Implication indispensable

Côté entreprises, les grands groupes et les ETI se sont souvent emparés du sujet. Chez Etam (lingerie, 3 500 salariés), un accord-cadre sur la qualité de vie au travail a été signé en juin 2016, comprenant un volet consacré à la santé et à la sécurité au travail. Idem chez le prestataire de nettoyage Onet où un focus particulier a été orienté vers les managers de proximité. « Tous les accords, tous les règlements du monde ne servent à rien si les chefs d’équipes ne sont pas impliqués », indique Antoine Recher, DRH du groupe. Ce que confirme Cyril Cosme, directeur du bureau de l’OIT en France : « La clé de la réussite de ces politiques, c’est l’appropriation des problématiques de prévention par les acteurs et leur déclinaison en stratégies opérationnelles. » Quid cependant des PME et TPE qui peuvent constituer le ventre mou des politiques de santé et de sécurité au travail ? « L’intégration des jeunes y est souvent en roue libre », regrette Thiébaut Weber, secrétaire confédéral de la Confédération européenne des syndicats. Un futur chantier pour l’INRS ?

Auteur

  • Benjamin D’Alguerre