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Le fait de la semaine

Tutorat : Des maîtres d’apprentissage toujours plus pros

Le fait de la semaine | publié le : 30.04.2018 | B. D’A.

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Tutorat : Des maîtres d’apprentissage toujours plus pros

Crédit photo B. D’A.

La loi « avenir professionnel » portée par Muriel Pénicaud prévoit de confier aux branches le soin de négocier sur la certification obligatoire des candidats à la fonction de maître d’apprentissage. Certains secteurs n’ont pas attendu.

Le 17 mai prochain, Anne Blois brandira peut-être le trophée du maître d’apprentissage de l’année 2018 décerné par l’APCMA. En tous cas, cette esthéticienne, patronne d’un salon de beauté de Chartres a déjà passé les premières sélections en devenant la lauréate du Centre-Val-de-Loire pour la catégorie « Échanges et transferts d’expérience et/ou de technologies » à l’occasion des premières sélections régionales du 19 avril. Au total, ce sont près de dix apprentis qui se seront succédé dans son salon de la rue du Bois Merrain au cours de ses huit années d’existence. Avec une seule rupture de contrat au compteur. « Aider un apprenti à réussir son parcours, c’est l’assurance de la pérennité d’un travail que l’on aime », philosophe-t-elle.

Accueil du jeune

Les ruptures de contrats avant terme, justement. Selon un rapport 2016 de l’Igas, leur nombre s’élève à 27 %. Presque un contrat sur trois malgré la nécessité pour un employeur de passer par la case prud’hommes pour se séparer d’un apprenti (et inversement). Conséquence, souvent, du hiatus d’adaptation pouvant exister entre un jeune et le monde du travail auquel il n’a jamais été préparé. L’incompréhension culturelle est parfois réciproque : « J’entends encore des patrons regretter l’époque où les apprentis se dressaient à coups de pied au cul », soupire un directeur de CFA de l’ouest de la France. « Pourtant, l’accueil du jeune, son insertion dans l’entreprise et son accompagnement tout au long de son parcours ne sont pas des choses qui s’improvisent », poursuit-il. « Le maître d’apprentissage doit être un second père pour l’apprenti », résume Patrick Franchini, propriétaire du restaurant Le Moulin des écorces à Dole, dont la brigade de 19 salariés accueille chaque année entre 6 et 8 apprentis.

Pour l’État, qui fait de l’apprentissage l’une de ses armes contre le chômage des jeunes depuis plusieurs quinquennats, la professionnalisation des maîtres d’apprentissage constitue un enjeu. La loi El Khomri de 2016 a fixé un certain nombre de critères d’exigence (professionnels managériaux…) pour s’assurer de la compétence de ces adultes encadrants. En échange de quoi, elle leur a offert la possibilité de voir cet engagement récompensé par l’attribution de points venant alimenter leur CEC (compte d’engagement citoyen) afin de lui permettre d’acquérir jusqu’à 20 heures supplémentaires de formation sur leur CPF. La future loi Pénicaud reprend cette disposition, mais sur un compte désormais crédité en euros. Elle instaure cependant la mise en place de certifications pour les maîtres d’apprentissage (accessible par la formation ou la VAE), dont le contenu sera renvoyé à des accords de branches.

Permis de former

Certaines d’entre elles, cependant, n’ont pas attendu les injonctions légales pour se mobiliser. Le BTP, les services de l’automobile, le médico-social ou encore l’hôtellerie-restauration ont choisi d’armer les maîtres d’apprentissage en imaginant des parcours de formation, souvent portés par leur Opca. Parfois à caractère obligatoire, comme c’est le cas dans le secteur médico-social où nul ne saurait encadrer un apprenti sans avoir suivi un cursus de 80 heures assuré par les CFA de la branche. Ou dans l’hôtellerie-restauration, secteur qui, à en croire l’Igas, tient le record des ruptures de contrats (38,5 %). En 2013, le secteur a instauré un « permis de former » obligatoire, accordé après 14 heures de formation suivies d’une remise à jour de 7 heures tous les trois ans. En Meurthe-et-Moselle, où un outil similaire existe depuis près de vingt ans, le taux de rupture aurait ainsi diminué de 10 %, avance le nancéien Michel Bédu, délégué aux affaires sociales de l’UMIH. Les dispositions de la loi permettront-elles de réduire les ruptures ? « La certification des maîtres d’apprentissage est une bonne chose, mais il est regrettable qu’il n’y ait aucune mention de leur professionnalisation », regrette Patrick Maigret, président de la Fnadir, l’association des directeurs de CFA. D’autant que même là où des obligations de former existent, certains s’en affranchissent, faute d’un contrôle suffisant des organismes consulaires. À suivre, donc.

Auteur

  • B. D’A.