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Le fait de la semaine

Formation : Apprentissage : dernière ligne droite avant la réforme

Le fait de la semaine | publié le : 30.04.2018 | Benjamin D’Alguerre

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Formation : Apprentissage : dernière ligne droite avant la réforme

Crédit photo Benjamin D’Alguerre

Gouvernement et Medef lancent leurs opérations de séduction des jeunes pour les inciter à choisir l’apprentissage. Il s’agit de la dernière campagne de promotion avant le top départ du débat parlementaire sur une réforme qui fait encore grincer des dents, notamment en régions.

Ils s’appellent Margaux, Gahetry, Ylias, Killian… et font partie des 22 ambassadeurs de l’apprentissage choisis par le ministère du Travail dans le cadre de la campagne virale « Avec l’apprentissage #DémarreTaStory » lancée par Muriel Pénicaud le 23 avril 2018. Leur objectif ? Évoquer leur parcours en alternance dans de courtes vidéos publiées sur les réseaux sociaux afin de faire la promotion de cette voie de formation. À leurs côtés, quelques personnalités passées par l’alternance comme le chef Thierry Marx ou le « boucher star » Yves-Marie Le Bourdonnec. « Le but est de casser les codes et les idées reçues : beaucoup de jeunes ne savent pas que l’on peut préparer un CAP, un bac pro ou même être ingénieur en passant par l’apprentissage », indique la ministre du Travail. La rue de Grenelle n’est cependant pas la seule actrice sociale à jouer de son hashtag pour attirer les jeunes vers l’apprentissage. Côté Medef, on mise, depuis le 25 avril, sur #MonPlanApprentissage, une opération au cours de laquelle le patronat affiche son intention de « mouiller la chemise pour valoriser ces filières d’excellence ».

Cette campagne de recrutement 2018 est la dernière avant la « révolution copernicienne » de l’apprentissage contenu dans le projet de loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » présenté par Muriel Pénicaud en Conseil des ministres le 27 avril dernier. Dès l’année prochaine, de nouvelles règles doivent s’appliquer afin de « faire sauter les verrous » qui bloquent les compteurs de l’apprentissage à un plafond d’environ 400 000 apprentis par an. Muriel Pénicaud ne s’est pas engagée sur un objectif chiffré, mais les dispositions de la future loi concernent « les 1,3 million de jeunes qui ne sont ni à l’école, ni à l’université, ni en apprentissage, ni en emploi », répète-t-elle depuis les premières annonces de la réforme. À cette fin, le gouvernement a choisi de déployer tout un arsenal visant à favoriser cette voie de formation : revalorisation de la rémunération des apprentis (+ 30 euros/mois), aide de 500 euros pour obtenir le permis de conduire, meilleure information sur les débouchés de l’apprentissage, possibilité pour un apprenti au contrat rompu en cours d’année de poursuivre sa scolarité en CFA en attendant de trouver une nouvelle entreprise d’accueil, développement de l’Erasmus Pro, aide unique à l’apprentissage versée aux entreprises, facilitation de la rupture du contrat sans passer par les Prud’hommes, modulation de la durée d’apprentissage en fonction des acquis antérieurs du candidat, certification des maîtres d’apprentissage pour favoriser l’accueil, adaptation des contraintes horaires pour certains secteurs (hôtellerie-restauration, boulangerie, bâtiment…), financement « au contrat », pilotage des CFA par les branches et non plus par les régions…

Colère régionale

Pour autant, les ambitions gouvernementales ne font pas que des heureux. Les régions, notamment, montées au front dès la fin d’année 2017 contre la volonté du gouvernement de confier le pilotage des CFA aux branches et la réforme du financement de l’apprentissage via l’établissement d’un coût « au contrat », les privant d’une manne de près d’1,6 milliard d’euros dont elles se servaient certes pour l’apprentissage, mais aussi pour financer les lycées professionnels. « C’est une privatisation pure et simple de l’apprentissage », s’indigne David Margueritte, élu normand et président de la commission formation de Régions de France. Selon les calculs de l’association, 700 CFA seraient en danger de fermeture. La région Paca a d’ailleurs protesté en gelant ses 120 millions d’euros d’investissements dans ses établissements. Et ce n’est pas l’ajout, dans la dernière ligne droite de la rédaction du projet de loi, d’une contribution de 0,8 % sur les entreprises destinée à financer l’enseignement technologique ou professionnel qui suffit à calmer la colère régionale, puisqu’en parallèle, celles-ci ont perdu les 800 millions d’euros destinés aux aides aux entreprises qui seront confiés à France Compétences. Ne restent comme consolation que deux enveloppes dédiées à la péréquation des financements au contrat (250 millions) et des infrastructures (180 millions). « Très insuffisant », résume David Margueritte. Opinion partagée par les Chambres de commerce et d’industrie ou la Fnadir, l’association des directeurs de CFA, qui craignent que les branches n’aient la tentation de tirer les financements vers le bas ou de ne les ventiler que vers les sections aux débouchés immédiatement exploitables sur le marché du travail, quitte à perdre des savoir-faire en route ou à sacrifier les formations en alternance bac + 4/+ 5 dont les coûts aux contrats sont sensiblement élevés…

Reste la question de la capacité des branches à piloter les politiques d’apprentissage. Certaines sont trop petites ou trop désorganisées pour envisager cette mission. Dans l’entourage de Pierre Gattaz, on compte une dizaine de branches à l’échelle nationale suffisamment armées pour assurer cette tâche (métallurgie, bâtiment, banque-assurance, industries alimentaires…). Le patronat étudie donc très sérieusement les possibilités de mutualisations interbranches. « En mettant nos ressources en commun, on peut parvenir à construire de belles choses », estime Patrick Liébus, président de la Capeb.

Contribution « alternance » : les nouvelles règles

Exit la taxe d’apprentissage et bienvenue à une contribution unique « alternance ». À compter du 1er janvier 2019, les entreprises ne s’acquitteront plus que d’une seule cotisation, au lieu de deux actuellement (1 % formation et taxe d’apprentissage), mais sans modification du volume contributif global (1,68 % de la masse salariale pour les entreprises de plus de 11 salariés, 1,23 % pour les moins de 10). Changement de périmètre, cependant, puisque certaines organisations, jusqu’alors exemptes de contribution (secteur mutualiste, coopératives agricoles…) seront assujetties.

Afin de prendre en compte cette nouvelle donne, le gouvernement a prévu de « lisser » la contribution sur six ans, de 2019 à 2024. Ainsi, en 2019, la contribution alternance des entreprises de moins de 11 salariés est fixée à 0,2 % de leur masse salariale (elle pourra monter à 0,64 % en 2024), celle de 11-249 salariés à 0,25 % (0,73 % en 2024) et celle des 250 et plus à 0,25 % pour un plafond fixé à 0,85 % à l’échéance du calendrier.

Auteur

  • Benjamin D’Alguerre