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Oui à l’entreprise à mission

Chroniques | publié le : 16.04.2018 |

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Oui à l’entreprise à mission

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Philippe Détrie La maison du management

La bonne actualité arrive enfin !

Le rapport de Nicole Notat et de Jean-Dominique Senard sur l’entreprise et l’intérêt collectif entraîne les énergies vers l’adoption d’un nouveau modèle d’entreprise. On ne peut que s’en réjouir.

Deux mouvements distincts montent en puissance.

Chacun sait que l’efficacité des entreprises et des organisations est essentielle au développement de notre société : c’est le moteur principal du progrès économique. Mais, dans les pays riches, les priorités évoluent : la performance économique et financière ne peut plus être obtenue coûte que coûte ni de façon aveugle.

Notre monde est devenu un village planétaire fragile et confiné, ses ressources sont limitées. L’opinion publique fait pression sur la contribution des organisations au progrès sociétal et au développement durable.

D’autre part, les rapports au travail militent pour davantage d’équité et de mieux-être. Les salariés deviennent plus exigeants sur la qualité de leur vie au travail : de la même façon qu’on est passé du devoir conjugal au plaisir sexuel, chacun souhaite passer du devoir de travailler au plaisir de la réalisation !

Un nouveau modèle d’entreprise est nécessaire.

Ces deux émergences rendent caduc le management traditionnel d’une organisation. Son rôle ne se résume plus à la création de richesses et d’emplois. Nous avons déjà réussi une belle mutation d’une richesse brute à une richesse non appauvrissante, nous militons pour une richesse utile et partagée. L’organisation se doit d’être plus attentive aux impacts directs et indirects de ses décisions pour acquérir sa nouvelle légitimité : attentive aux modalités de son insertion dans la société (contribuer à de meilleures conditions de vie sur terre, et a minima ne pas les dégrader), attentive aux attentes de ses salariés.

Sa raison d’être comprend dorénavant trois missions simultanées : efficacité économique toujours (pour le propriétaire et pour le client), accomplissement humain, utilité sociétale. Antoine Riboud avait lancé au siècle dernier son double projet économique et social, il faut ajouter aujourd’hui un troisième volet, le sociétal.

Même un cynique qui ne croirait qu’à moitié à la philosophie d’une richesse partagée et utile pour tous aurait intérêt à intégrer ces pressions diverses. La conviction extra-financière d’investisseurs de plus en plus nombreux, la contestation spontanée et puissante de la société civile, les contraintes législatives croissantes, les aspirations actuelles des salariés, la dénonciation par les réseaux sociaux des pratiques non éthiques… sont autant d’exigences qui s’imposent quelquefois aussi inopinément que brutalement. La sanction ne vient plus maintenant du jeu de gendarmes et voleurs avec les autorités publiques, mais de l’émotion de l’opinion publique : les atteintes à la réputation sont devenues assez intimidantes pour que l’entreprise s’auto-responsabilise aujourd’hui.

Le sens de l’histoire.

L’histoire législative épouse d’ailleurs bien ce sens. Chaque pays s’est d’abord doté de lois pour protéger la propriété : l’humanité a connu depuis des siècles des guerres de propriétaires dont les principaux motifs étaient la défense de ses intérêts et la protection du droit de propriété. Puis le droit du travail s’est forgé au vingtième siècle pour défendre les salariés. Aujourd’hui, le droit sociétal apparaît au niveau international pour protéger l’environnement et l’avenir de la planète, de façon encore très floue mais certaine dans sa direction. En France, le droit à l’environnement est inscrit dans le préambule de la Constitution : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et favorable à sa santé. »

Oui à un minimum d’efficacité, non à un maximum.

Bien sûr, il faut gagner des sous, mais ne les confisquons pas au bénéfice d’une seule partie prenante ! La seule recherche miltonienne du profit déshumanise l’entreprise. La financiarisation devient stérile quand elle transforme une ressource en objectif. À l’instar du guide américain Shopping for a better world vendu à plus d’un million d’exemplaires, créons un mouvement Working for a better world… Quel enjeu extraordinaire, non ?