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Emploi : La course aux recrutements gagne tous les secteurs

Le point sur | publié le : 09.04.2018 | Hugo Lattard

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Emploi : La course aux recrutements gagne tous les secteurs

Crédit photo Hugo Lattard

Avec la consolidation de l’activité et un rythme accéléré de créations d’emplois, les difficultés de recrutement augmentent et se généralisent à tous les secteurs d’activité. À quoi sont-elles dues ? Et comment y remédier ?

Pendant les années qui ont suivi la crise financière, les entreprises se sont demandé : « comment fait-on pour ne pas détruire d’emploi ? » Désormais, « comment fait-on pour recruter ? », s’interrogent-elles. En matière d’emploi et de recrutements, il y a en effet « une inversion de la logique », observait Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, lors des 3es Rendez-vous de Grenelle, mi-mars. Des difficultés à recruter, « cela pouvait être déjà le cas pour les cadres. Mais là, cela se généralise à tous les métiers », remarquait la ministre, lors de ce rendez-vous destiné à faire le point sur le marché du travail. À ce propos, au 4e trimestre 2017, les créations d’emplois ont encore été dynamiques, avec 72 700 postes supplémentaires. Dans ce contexte de créations accélérées, de plus en plus d’entreprises font part de leurs difficultés à pourvoir ces postes. Une enquête de l’Insee, réalisée en octobre, indiquait déjà que près de 50 % des entreprises en France déclaraient rencontrer des barrières à l’embauche. 32 % affirmant que l’indisponibilité d’une main-d’œuvre compétente était une de ces barrières. Avec un taux bien supérieur dans certains secteurs, comme le bâtiment (50 %), la construction automobile (52 %), ou encore le transport routier (48 %).

Parmi tous les secteurs d’activité, les difficultés sont peut-être les plus vives dans la high-tech. Selon le baromètre « People In Tech », présenté le 28 mars 2018, 60 % des entreprises « du logiciel et de l’internet » rencontrent des problèmes pour recruter. Un taux qui grimpe à 85 % pour les fonctions recherche et développement (R & D), les métiers les plus recherchés étant ceux liés aux « interfaces utilisateurs et à la création numérique », selon le baromètre réalisé par Tech in France et Apollo Conseil & Courtage. Avec la transition digitale en cours, les entreprises s’arrachent actuellement développeurs et spécialistes de la donnée (data scientist, data analyst, data engineer, etc.). Mais outre les métiers à fort turnover, comme ceux de la logistique, des aides à la personne, ceux de l’industrie aussi, sont concernés. Après des années de crise, dominées par des fermetures de sites, les résultats du secteur sont revenus dans le vert l’an dernier. « À la fin 2017, on est repassé en solde positif de créations d’emplois industriels en France », se réjouit Hubert Mongon, le délégué général de l’UIMM. Rappelant que dans l’industrie, « 110 000 recrutements par an sont attendus d’ici 2025 ». Et selon l’UIMM, 42 % des entreprises signalent des difficultés. Les entreprises de l’industrie cherchent toujours dans les métiers traditionnels : soudeurs, mécaniciens, techniciens de maintenance, usineurs, chaudronniers. Mais « les nouvelles technologies renouvellent profondément les processus de travail et de production. De nouveaux métiers apparaissent, comme ceux de technicien imprimante 3D, programmeur industriel, roboticien, expert en ingénierie virtuelle », observe la fédération patronale de la métallurgie. En plus des carnets de commandes qui se remplissent, et des départs en retraite massifs que les entreprises doivent anticiper, « la transformation technologique les pousse à recruter », explique Hubert Mongon.

Avec un taux de chômage encore élevé, ces difficultés de recrutement font-elles du marché du travail français un paradoxe ? « Pas tant que ça », observe Morad Ben Mezian, chef de projet au département Travail, emploi, compétences, de France Stratégie. « En Allemagne ou aux États-Unis proches du plein-emploi, les difficultés de recrutement sont bien supérieures », remarque l’expert de France Stratégie, qui était invité à livrer son analyse lors d’un rendez-vous sur ce thème au Sénat, jeudi 29 mars.

Adéquation des compétences

Reste qu’avec encore autant de demandeurs d’emploi, les difficultés des entreprises à trouver les bons profils posent toute la question de l’adéquation des compétences. « Il y a là un vrai défi collectif », pointe Patrice Guezou, directeur emploi formation entreprenariat à CCI France. Relever le défi des compétences, c’est tout l’enjeu de la réforme de la formation professionnelle, de l’alternance et de l’apprentissage. Dont le projet de loi, porté par la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, doit être présenté le 18 avril prochain. Toutefois, « la réforme de la formation professionnelle ne va pas produire ses effets tout de suite », relève Hubert Mongon. « L’année 2018 va être tendue », s’inquiète le délégué général de l’UIMM. En attendant, la fédération ne reste pas les bras croisés. Et s’applique notamment à redorer l’image de ses métiers pour susciter des vocations.

Pour partie aussi, ces difficultés de recrutement sont propres aux entreprises. « Quand on analyse leurs processus, en particulier s’agissant des PME, elles ont tendance à s’y prendre très tard », constate Morad Ben Mezian. « Au moment où elles gagnent un chantier ou un marché, ou quand un de leurs salariés part », détaille-t-il. Préconisant au contraire de s’y prendre plus en amont pour identifier les compétences qui leur sont nécessaires. Et se constituer un vivier de profils. « C’est tout l’enjeu de la GPEC », reconnaît Morad Ben Mezian. Et pour assister les plus petites entreprises dans cette démarche, des plateformes RH existent. Pour fournir une aide à l’élaboration de la fiche de poste, la rédaction de l’offre d’emploi, voire du contrat de travail. Sans quoi, face à ces difficultés, la solution est de « faire ensemble », estime Patrice Guezou, de CCI France. Citant l’exemple du pôle d’excellence de soudage mis en place dans le Cotentin. Réunissant acteurs institutionnels et une dizaine d’entreprises partenaires pour répondre à leurs besoins. « Les chefs d’entreprise ne doivent pas chercher à régler le problème seul », considère Patrice Guezou. Qui recommande aux entreprises de chercher des solutions communes. « Pour chercher des profils, ou même trouver des réponses au problème de l’emploi du conjoint », explique-t-il. Préconisant aux entreprises d’un même bassin « de se faire l’ambassadeur, non pas seulement d’un emploi, mais d’une filière, d’un territoire et d’un secteur d’activité ».

Auteur

  • Hugo Lattard