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Une reconnaissance qui relève du parcours du combattant

Le point sur | publié le : 02.04.2018 | Hugo Lattard

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Une reconnaissance qui relève du parcours du combattant

Crédit photo Hugo Lattard

Faire accepter le burn-out comme maladie professionnelle est long et compliqué. Plus nombreux sont les cas reconnus comme accidents du travail.

En 2016, pas plus de 596 affections psychiques ont été reconnues comme maladies professionnelles en France. Un chiffre certes multiplié par sept en cinq ans, selon les dernières données de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam). Mais encore loin, très loin, de l’ampleur du burn-out, qui toucherait jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’actifs.

Pour un salarié souffrant de ce syndrome d’épuisement, sa reconnaissance comme maladie professionnelle tient du parcours du combattant. A fortiori lorsqu’il est à bout de force. À tel point que les médecins ou les représentants syndicaux eux-mêmes dissuadent de s’y aventurer. Et ce, à cause d’un « paradoxe extraordinaire », relève le psychiatre Patrick Légeron. « Alors même que l’OMS pointe le stress comme premier risque pour la santé des travailleurs dans le monde », en France, le tableau de reconnaissance des maladies professionnelles de la Sécurité sociale « n’est fait que de maladies somatiques », s’étonne Patrick Légeron. « Il exclut les troubles psychiques, n’en reconnaît pas un seul », déplore le psychiatre, auteur d’un rapport sur le burn-out pour l’Académie nationale de médecine.

Partant de ce constat, François Ruffin, député de la France insoumise (LFI), a souhaité y remédier. En déposant une proposition de loi visant à créer un tableau de maladie professionnelle relatif aux affections psychiques (lire ci-dessus). Faute de quoi la prise en charge des troubles psychosociaux comme maladie professionnelle relève actuellement du système complémentaire des affections hors tableaux. Sous réserve d’un niveau de gravité correspondant à une incapacité d’au moins 25 %. Un seuil élevé, qui équivaut à la perte d’un bras ou d’une jambe ! Auquel cas, le dossier est soumis à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), qui doit établir un lien « direct et essentiel » entre le trouble et l’activité professionnelle exercée. Depuis bientôt deux ans, un psychiatre peut siéger au CRRMP pour renforcer son expertise à ce sujet.

Toujours selon les chiffres de la Cnam, en 2016, plus de 1 100 actifs épuisés se sont aventurés dans ce parcours. Avec 596 cas, plus de 50 % des dossiers transmis aux CRRMP ont donc été reconnus d’origine professionnelle. « Alors que ce taux se limite à 20 % pour l’ensemble des autres pathologies », a précisé la Cnam, dans une note sur « la prise en charge des affections psychiques liées au travail », en janvier. Il reste que la procédure, étroite, peut en plus être très longue. Surtout s’il faut contester l’appréciation de l’incapacité par l’Assurance maladie, ou la décision de la CRRMP.

Plus nombreux sont les cas de burn-out reconnus comme accidents du travail (AT). Vingt fois plus, avec 10 000 cas enregistrés en 2016, indique encore la Cnam. Dans un contexte général de réduction des sinistres au travail, la part des affections psychiques dans l’ensemble des accidents du travail a progressé d’autant plus ces dernières années. Passant de 1 % en 2011 à 1,6 % en 2016. Avocats et représentants du personnel orientent en effet vers cette solution, paradoxalement plus simple et plus rapide. La reconnaissance d’un accident du travail lié à une affection psychique n’a pourtant rien d’évident en soi, étant donné la nature particulière du trouble. Dont la cause est forcément plus difficile à établir que dans le cas d’une chute engendrant une fracture, par exemple. Et sachant que peuvent jouer aussi des facteurs extraprofessionnels. Tout l’enjeu est alors de déterminer que le travail est bien la cause « déterminante » ou « essentielle » de la pathologie. En faisant le lien avec un événement sur le lieu de travail, une réunion, des propos tenus, une situation blessante caractérisée. Or le plus souvent, « les intervenants médicaux hors de l’entreprise ne sont pas en mesure » de faire ce lien, remarquait déjà le rapport d’information parlementaire sur le burn-out réalisé par Gérard Sebaoun, l’an dernier. De plus, « l’absence d’accès facile aux services de santé au travail » empêche les victimes de « trouver une réponse adaptée », observait l’ex-député PS. Dont le rapport appelait un renforcement du réseau de consultations consacrées à la souffrance au travail sur le territoire.

Auteur

  • Hugo Lattard