Le chef paternaliste avec ses chouquettes du vendredi, le karaoké plébiscité par les RH pour motiver les équipes : dans ce recueil savoureux de ses chroniques pour Le Monde, le journaliste Nicolas Santolaria croque les mœurs de la vie au bureau à l’ère du digital et des start-up. Dans l’univers sucré du management moderne, le syndrome de la chouquette serait la version glycémique de celui de Stockholm, explique-t-il : « Si l’entreprise nous tient captifs, elle le fait aujourd’hui de façon renouvelée, masquant habilement son caractère carcéral et répressif. La liberté, l’autonomie sont devenues les nouveaux leviers paradoxaux de cet asservissement ludique aux allures de goûter d’anniversaire. » Pas une once de cynisme derrière ce propos : le livre, drôle et plein d’esprit, explore les névroses de la vie en open space, les tics de la novlangue anglo-saxonne « Pour être crédible, ajoutez des ing » – hilarante –, la paresse, les ambiguïtés humaines : « Comment se révolter lorsque votre chief happiness veille à ce que vous ayiez vos crocodiles Haribo ? » Avec humour, le journaliste donne aussi à réfléchir à ce qu’il nomme « les manipulations douces de l’entreprise libérée » : le « ranking » pratiqué chez Sanofi, les salariés qui déterminent eux-mêmes leurs congés illimités chez Netflix, le « fun » de réserver son bureau avec une application dans une agence de publicité… Nicolas Santolaria file habilement sa métaphore de la tyrannie du sucré du management moderne. Amusant et remarquablement écrit.