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Sur le terrain du dialogue social

Rupture conventionnelle : Des erreurs à ne pas commettre

Sur le terrain du dialogue social | publié le : 12.03.2018 | Hugo Lattard

De récents arrêts de la Cour de cassation apportent des précisions au mode d’emploi de la rupture conventionnelle.

La jurisprudence s’affine concernant les ruptures conventionnelles. Ce mode de rupture de contrat de travail à l’amiable, instauré en 2008, continue de faire florès. En 2017, pas moins de 420 000 ruptures conventionnelles ont été homologuées par l’administration. Un chiffre en hausse de 7 % sur un an, selon la Dares. Sachant que le taux de refus d’homologation, qui dépassait 10 % au départ, a diminué progressivement pour se stabiliser autour de 5 %. Quand bien même employeurs et salariés sont censés s’entendre par ce biais, la rupture conventionnelle vire parfois à la discorde et fait l’objet d’un contentieux. De même, quand la décision de l’administration d’homologuer ou non la convention de rupture est contestée. Jusque devant la Cour de cassation, qui a rendu récemment « plusieurs arrêts qu’il convient de connaître pour gagner en sécurité juridique », indiquent Déborah David et Patrick Thiébart, avocats du cabinet Jeantet, à l’adresse des employeurs. Jeudi 1er mars, le cabinet expert en droit social et RH organisait une conférence sur les ruptures conventionnelles individuelles et collectives pour alerter sur des écueils à ne pas commettre et livrer les enseignements à tirer de ces récents arrêts. Par exemple, « la Direccte peut revenir sur sa décision de refus d’homologation », ont-ils expliqué.

Gare aux délais

Dans un arrêt de mai 2017, la Cour de cassation a estimé que la décision de refus ne créait en l’espèce pas « de droits acquis » et qu’elle peut donc « être légalement retirée par son auteur ». Dès lors, à l’inverse, l’administration peut-elle revenir sur sa décision d’homologation ? « Cela ne nous paraît juridiquement pas possible », répondent Déborah David et Patrick Thiébart. Car la décision d’homologation, en revanche, « est créatrice de droits acquis (…) puisqu’elle a pour effet d’entraîner la rupture du contrat de travail à la date (…) prévue », argumentent-ils. Quelle date prendre en compte pour déterminer si la rétractation de l’employeur ou du salarié est bien intervenue dans les 15 jours impartis ? Dans un arrêt du 14 février 2018, la Cour de cassation précise, pour la première fois, « que c’est la date d’envoi (de la lettre de rétractation. Ndlr) qui compte et non la date de réception », détaillent les avocats du cabinet Jeantet. Gare à respecter ce délai de rétractation pour demander l’homologation. Un plaignant a été jusqu’en cassation pour se voir confirmer qu’en cas de non-respect, la Direccte ne peut pas homologuer la rupture conventionnelle. De même, la validité de la convention est subordonnée à son homologation. Dès lors, l’employeur qui, sans attendre la réponse de l’administration, envoie au salarié son attestation Pôle emploi et son solde de tout compte « prend le risque que la rupture du contrat soit requalifiée en licenciement abusif », avertissent Patrick Thiébart et Déborah David. Si la convention au final n’est pas homologuée, le salarié peut en effet considérer qu’il a fait l’objet d’un licenciement non motivé. Et se retourner contre son employeur.

Ou encore, dans un autre arrêt, la Cour de cassation a estimé que le délai d’un an pour contester en justice la convention de rupture courait à compter du jour où le salarié avait eu connaissance de la fraude motivant son recours. L’employeur, en l’occurrence, ayant convenu une rupture conventionnelle avant de procéder à un PSE dont le salarié aurait pu bénéficier. La cour a fait partir le délai de prescription à compter du jugement du tribunal se prononçant sur la validité du PSE. Au final, « la rupture conventionnelle est relativement sûre comme procédure, à condition de bien la respecter », recommandent Déborah David et Patrick Thiébart.

Des zones grises concernant la RCC

Concernant le dispositif de rupture conventionnelle collective (RCC), des zones d’ombre subsistent, pointent Déborah David et Patrick Thiébart, avocats au cabinet Jeantet. Ainsi, « quel sera le délai de carence appliqué par l’assurance chômage », interrogent-ils. Officiellement, concernant la RCC, comme d’ailleurs pour la rupture conventionnelle individuelle, ce délai reprend le droit commun et peut aller jusqu’à 180 jours, soit six mois, très longs, avant que le salarié puisse toucher l’allocation chômage. Tandis que dans le cadre d’un PSE, ce délai est de carence est de 75 jours seulement. Pour les restructurations en cours chez Pimkie, les salariés de l’enseigne de prêt-à-porter féminin avaient été particulièrement attentifs à ce facteur pour refuser la RCC proposée au départ par la direction. « Deuxième mauvaise surprise potentielle avec la RCC », avertit Déborah David, si les indemnités de rupture sont exonérées socialement et fiscalement comme dans le cadre d’un PSE, « ce n’est, a priori, pas le cas des mesures de reclassement et d’accompagnement », relève-t-elle. « La loi de finances rectificative devrait préciser cela », interpelle Déborah David. Ou encore, « quelles conséquences en cas d’invalidation de l’accord collectif de RCC ? », soulève-t-elle. « La nullité des départs volontaires serait-elle encourue comme dans le cadre d’un PSE intégrant un plan de départ volontaire ? », interroge encore l’avocate du cabinet Jeantet.

Auteur

  • Hugo Lattard