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L’enquête

Tendance : Les entreprises plus proches du télétravail

L’enquête | publié le : 12.03.2018 | Hugo Lattard

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Tendance : Les entreprises plus proches du télétravail

Crédit photo Hugo Lattard

Plébiscité par les salariés, le télétravail est encore peu développé en France. Pourtant, il peut faciliter la vie des entreprises et répondre à de multiples enjeux de société. À condition de repenser avec lui l’organisation de travail.

Le télétravail a le vent en poupe. Certes, en France, ce mode de travail à distance de l’entreprise reste encore marginal. Du moins de façon contractualisée. Car il représenterait déjà une réalité pour « un salarié sur quatre ». C’est ce qu’affirme une récente enquête produite par Le Comptoir mm de la nouvelle entreprise-Malakoff Médéric. Tandis que 6 % seulement des salariés et des employeurs sondés – l’enquête a été réalisée en novembre 2017 – ont répondu avoir recours au télétravail « de façon officielle », autrement dit dans le cadre d’un accord ou d’une charte. En Europe, la France serait plutôt à la traîne. Pourtant, au sein de l’Hexagone aussi, le télétravail est plébiscité. Près de 6 salariés sur 10 en sont « très satisfaits », indique encore l’enquête de Malakoff Médéric. Pour les salariés, réduire le temps passé sur le chemin du travail et les possibilités offertes d’aménager ses horaires à sa guise sont les principaux motifs de satisfaction. Mais, côté employeur, le télétravail rencontre encore une certaine frilosité. Il suscite toujours des craintes : 47 % des employeurs interrogés dans l’enquête ont dit s’inquiéter d’une perte « de l’esprit d’équipe » avec le télétravail ; 38 % ont redouté des difficultés à manager à distance. Sans parler des difficultés techniques de mise en œuvre : 90 % des chefs d’entreprise n’ayant pas recours au télétravail affirmant que leur secteur ou leur métier « ne permettent pas ce type de travail à distance », selon cette étude. Pour faire avancer le schmilblick et « favoriser le télétravail », les ordonnances Macron-Pénicaud y ont consacré un volet, précisant désormais que « le télétravail est mis en place dans le cadre d’un accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur ». Directeur de l’Obergo, l’observatoire du télétravail qu’il a créé, Yves Lasfargue apprécie « l’objectif de simplifier et sécuriser » le recours au travail à distance poursuivi par le gouvernement (lire l’encadré). L’Obergo s’efforce de recenser les accords de télétravail en France, « une petite centaine » à ce jour selon Yves Lasfargue. Parmi eux, 90 % sont des accords de télétravail proprement dits, 10 % étant plus largement des accords de QVT.

Permis par les nouveaux outils numériques, porté par une demande accrue des actifs, qui souhaitent mieux concilier vies professionnelle et personnelle, les enjeux du télétravail sont multiples. Environnementaux, le télétravail permettant de décongestionner les agglomérations en limitant les trajets. Territoriaux, en rendant possible le maintien ou le développement d’activités dans des zones loin des métropoles. Sociaux, à l’échelle de l’entreprise, le télétravail offrant l’opportunité de repenser l’organisation. Plutôt que de manière individuelle, c’est d’ailleurs avec une telle approche, « collective et organisationnelle », que les entreprises gagnent à recourir au télétravail, recommande l’Anact. Notamment pour « intégrer les enjeux de QVT et d’égalité professionnelle », précise Karine Babule, chargée de mission à l’Anact. À Chemy, dans le Nord, l’entreprise Lesage & Fils a ainsi réorganisé son activité avec le télétravail. L’entreprise d’une centaine de salariés vend de la viande en gros. « Pour commencer la découpe à 4 heures du matin, on avait des télévendeuses qui saisissaient les commandes à partir de 3 heures », explique François Lesage, responsable de la production, dont le témoignage est rapporté par l’Aract des Hauts-de-France. « Ça les obligeait à venir de chez elles pour saisir les commandes, à repartir à 4 h 30 du matin, et à revenir prendre leurs postes de travail à 9 heures », détaille-t-il. Avec certes « un frein technologique à lever, pour avoir des commandes centralisées sur un ordinateur à distance », le télétravail a grandement facilité la vie des salariés, témoigne encore François Lesage. Et optimisé la performance de l’entreprise. C’est aussi « une question de management », ajoute-t-il.

Management par la confiance

Le télétravail suppose un management par la confiance tandis qu’il se heurte à la culture du « présentéisme ». Selon les enquêtes, un des freins est plus particulièrement la réticence des managers intermédiaires, qui rechignent davantage à ne pas avoir leurs collaborateurs auprès d’eux. Pour les entreprises, le télétravail aurait pourtant bien des vertus, augmentant le bien-être et la productivité, réduisant l’absentéisme. C’est « un facteur de sensibilisation aux évolutions digitales », invitant celles qui ne l’ont pas encore fait à « prendre le virage du numérique » à temps, avait souligné le rapport des partenaires sociaux sur le sujet remis en juin 2017. De même, il peut renforcer l’attractivité de l’entreprise pour les talents et compétences clés, surtout si la distance entre domicile et travail est grande. « Le télétravail prend son intérêt en fonction de l’implantation de l’entreprise, en particulier dans une grande agglomération, si le temps de trajet commence à dépasser les 30 minutes », avaient encore identifié les partenaires sociaux dans leur rapport. « Il peut s’avérer aussi tout spécialement approprié dans certaines situations temporaires du salarié comme la maternité, un mi-temps thérapeutique ou la suspension du permis de conduire », avaient-ils remarqué.

Au sein des grandes entreprises, le télétravail va souvent de pair avec une réorganisation des locaux en environnements dynamiques, notamment pour réduire les coûts immobiliers. Un jour ou deux par semaine, le travail se fait alors à domicile ou dans des « tiers lieux », qu’il s’agisse d’espaces de coworking ou de bureaux satellites de l’entreprise elle-même, dispensant le collaborateur d’emprunter le périphérique ou une rocade pour venir travailler. L’essor du télétravail pose cependant des questions, en particulier celle du droit à la déconnexion des salariés, a fortiori à leur domicile, et celle de la protection des données de l’entreprise, le télétravail appelant une sécurisation du réseau avec lequel le collaborateur va pouvoir œuvrer à distance.

Chiffres clés

16,7 %

des Français télétravaillent plus d’un jour par semaine

(source : Dares 2016)

64 %

des salariés télétravaillent de chez eux

(source : cabinet de conseil RH Kronos, 2017)

5,5

c’est le nombre de jours d’arrêt de travail en moins par télétravailleur

(source : Dares 2016)

17 %

des télétravailleurs appartiennent à la Fonction publique.

(source : Tour de France du télétravail 2015-2016)

Qu’a changé la réforme ?

« L’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail et pendant ses horaires est présumé être un accident de travail. » « L’employeur qui refuse d’accorder le bénéfice du télétravail à son salarié dans les conditions prévues par accord collectif ou, à défaut, par la charte, doit motiver sa réponse. » Apportées par ordonnance, ces précisions inscrites dans le Code du travail esquissent le début d’un droit au télétravail, tandis que le cadre légal de la mise en œuvre par les entreprises a été étayé. Le Code du travail stipule désormais que « le télétravail est mis en place dans le cadre d’un accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur ». Avec un bémol toutefois : dans un premier temps, l’ordonnance avait prévu qu’en l’absence de charte ou d’accord, l’employeur et le salarié pouvaient cependant formaliser leur accord « par tout moyen » en cas de recours au télétravail « de manière occasionnelle ». Or, dans la loi de ratification des ordonnances, les parlementaires ont supprimé la nuance, permettant que le télétravail en général, non seulement occasionnel, soit formalisé « par tout moyen ». Pour cela, un simple écrit, comme un mail, pourra suffire. Ce qui ne changera pas beaucoup avec le télétravail jusqu’alors tenu pour informel. Yves Lasfargue apprécie « l’objectif de simplifier et sécuriser » le recours au travail à distance poursuivi par le gouvernement, « mais moins que cela devrait, avec cette histoire de « tout moyen” », regrette-t-il.

Auteur

  • Hugo Lattard