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Sur le terrain de la formation

Alternance : Erasmus pour tous

Sur le terrain de la formation | publié le : 05.03.2018 | Domitille Arrivet

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Alternance : Erasmus pour tous

Crédit photo Domitille Arrivet

La Communauté européenne a mis sur la table 400 millions d’euros pour développer l’apprentissage. La France compte bien mettre ce budget au profit du développement de sa filière professionnelle, notamment manuelle. Les politiques y mettent tout leur poids et les initiatives de certains centres de formation sont destinées y contribuer. La création d’Euro App’ en est une.

Le 23 février 2018, les Compagnons du devoir ont été à l’honneur. Dans son hôtel particulier niché derrière la Mairie de Paris, cette organisation séculaire qui forme 10 000 jeunes par an a reçu les chefs de file du développement de l’apprentissage pour le lancement d’Euro App’. Une initiative destinée à promouvoir les échanges entres les apprentis des 36 centres de formation situés dans 12 pays européens. Devant la ministre du Travail Muriel Pénicaud, le député européen Jean Arthuis et le chef du département emploi à la Commission européenne Joao Santos, 53 compagnons du devoir qui ont déjà bénéficié d’un programme Erasmus d’échange international ont raconté leur expérience.

Un peu intimidé, Gabriel, apprenti en restauration, raconte son séjour en Italie car il voulait « faire pizza ». Son voisin, un Italien, confie sa passion pour le métier de sommelier et le plaisir qu’il a eu à compléter ses études par une expérience de plusieurs mois sur le terrain en France. Pour partager leur histoire, leurs employeurs sont venus aussi. Philippe Damou, propriétaire du restaurant Au vieux loup de mer, sur l’île de Noirmoutier, est un habitué de l’accueil des Erasmus pro. Un Hongrois, un Polonais, une Italienne se sont récemment succédé à ses fourneaux. « Le Polonais avait même parlé à des amis de l’endroit où il travaillait. Lorsque cela s’est su, d’autres Polonais sont venus prendre un repas dans mon établissement, juste pour le voir », confie le restaurateur. Depuis, lui est venue l’idée de faire des cartes thématiques en fonction de l’origine de ses Compagnons. « Dans quelques jours, nous ferons la journée italienne », se félicite-t-il.

24 000 demandes

« Ces échanges apportent une formidable ouverture, témoigne à son tour la ministre Muriel Pénicaud. Moi aussi, j’ai passé huit mois à l’étranger quand j’avais 20 ans, et cela a changé ma vie. » Erasmus n’existait pas et c’était au Canada… Mais peu importe. Le gouvernement poussera ce dispositif européen. « Erasmus doit être une expérience pour tous. Il n’y a aucune raison que ces programmes bénéficient plus à un étudiant en histoire qu’à un élève en CAP cuisine, dit-elle. Maintenant il faut changer d’échelle parce que c’est aussi une façon de lutter contre le chômage des jeunes. » Son objectif : envoyer 15 000 Français en Erasmus pro, et en accueillir tout autant. Un choix pour lequel les 400 millions d’euros que la Communauté européenne a décidé de consacrer à l’apprentissage entre 2018 et 2020 ne suffiront pas. « Nous avons déjà 24 000 demandes », avertit Joao Santos, le directeur général de ce programme à la commission.

Reste que pour développer l’Erasmus pro, les difficultés ne seront pas seulement budgétaires. D’autres verrous ont été identifiés et présentés par Jean Arthuis dans un rapport remis récemment à la ministre. Déjà, la question de la responsabilité de l’employeur qui représentait un frein pour les entreprises françaises a été réglée au Sénat. Un amendement est venu préciser dans la loi de rectification des ordonnances que la responsabilité de l’étudiant sera transférée, le temps du séjour à l’étranger, à l’employeur qui l’accueille. Mais ce n’est pas tout. « Pour que les échanges soient plus profitables, il faut que l’on ait davantage de cours de français. C’est très difficile d’apprendre votre langue en seulement cinq mois », témoigne une Finlandaise qui devra pourtant, pour valider cette période professionnelle, passer son examen en français, dans les mêmes conditions que ceux dont c’est la langue maternelle. Reste aussi la validation croisée de ces périodes longues dans le cadre de l’obtention des diplômes. Elle fait partie des préoccupations des Compagnons. « Cela a mis des années pour l’enseignement supérieur, mais on y est arrivés. On y arrivera aussi », promet la ministre aux apprentis.

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  • Domitille Arrivet