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Le fait de la semaine

Formation professionnelle : Les contours de la réforme se précisent

Le fait de la semaine | publié le : 26.02.2018 | Laurence Estival

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Formation professionnelle : Les contours de la réforme se précisent

Crédit photo Laurence Estival

Après plusieurs mois de négociations, les partenaires sociaux ont jeté les bases de la future réforme de la formation professionnelle. Des contours qui pourraient encore évoluer, le gouvernement devant faire connaître ses arbitrages dans les prochains jours.

Il leur aura fallu 14 séances de négociation pour arriver à un projet d’accord : le 21 février, au petit matin, les partenaires sociaux ont enfin vu le bout du tunnel. Le texte avec sa cinquantaine d’articles comporte « 15 droits nouveaux pour les salariés », met en avant Yvan Ricordeau, négociateur CFDT. Il prévoit notamment de renforcer le CPF (compte personnel de formation), introduit en 2014. Chaque année, à partir du 1er janvier 2019, ce compte individuel sera alimenté par les employeurs à hauteur de 35 heures dans une limite de 400 heures contre 24 heures par an avec un plafond de 150 heures actuellement. Pour les salariés non qualifiés, le CPF sera crédité de 50 heures par an jusqu’à 550 heures. Objectif : permettre aux individus d’utiliser ce « matelas » pour évoluer professionnellement en suivant une formation débouchant sur une certification. Finies les listes nationales et régionales définies par les partenaires sociaux encadrant l’utilisation du CPF. Il suffira désormais que la certification visée soit inscrite au RNCP (Registre national des certifications professionnelles) ou à l’inventaire. Du moins d’ici deux ans car cette période transitoire sera mise à profit pour rénover les certifications qui doivent pouvoir être suivies par blocs de compétences. L’accord prévoit par ailleurs la possibilité d’utiliser son CPF en vue d’un projet de transition professionnelle. Une mesure qui remplace l’ancien CIF (congé individuel de formation).

Concernant les demandeurs d’emploi, le projet d’accord s’appuie sur le Plan d’investissement dans les compétences présenté par le gouvernement en septembre dernier qui prévoit la formation de deux millions de personnes – un million de jeunes peu qualifiés et un million de jeunes décrocheurs – entre 2018 et 2022.

Des accords gagnant-gagnant

Parallèlement, les partenaires sociaux soulignent leur intention de développer les accords d’entreprise pour mobiliser le CPF dans une logique « gagnant-gagnant » à condition que le salarié en soit d’accord. Concrètement, il s’agit de coconstruire un parcours qui répond à la fois aux besoins de compétences de l’entreprise et au projet professionnel du salarié dont le CPF est abondé par l’employeur. Une nouveauté par rapport à la situation actuelle où le co-investissement n’a jamais décollé, faute de l’engagement des entreprises à abonder les sommes mobilisées par le salarié au titre de son CPF. L’entretien professionnel, obligatoire tous les deux ans, permettra aux deux parties d’échanger sur ces sujets. Le projet d’accord prévoit aussi une mutualisation de moyens qui pourrait représenter 1 milliard d’euros contre 600 millions d’euros aujourd’hui pour développer la formation dans les TPE/PME.

En amont, et quel que soit leur projet, tout salarié et demandeur d’emploi aura le droit à un accompagnement individuel gratuit qui a été musclé : ce CEP (conseil en évolution professionnelle) l’épaulera dans la construction de son projet professionnel en s’appuyant sur les prévisions en matière de développement des emplois émanant des Observatoires prospectifs des métiers et des qualifications (OPMQ) aux mains des branches et les Observatoires régionaux de l’emploi et de la formation (OREF). « Ce CEP s’inscrit dans la continuité de la réforme de 2013 où nous avions abordé cette notion d’accompagnement mais sans nous en donner les moyens », se félicite Florence Poivey, négociatrice Medef. Le salarié pourra adjoindre au CEP des prestations associées (bilan de compétences, accompagnement VAE, préparation à la création d’entreprise…), finançables par le CPF.

Stabilité des financements

Le financement de ces dispositifs sera assuré par la contribution unique et obligatoire versée par toutes les entreprises qui reste inchangée : 1,23 % de la masse salariale pour les entreprises de moins de 11 salariés et 1,68 % pour celles de plus de 11 salariés. Derrière cette apparente stabilité, de nouveaux équilibres ont été décidés : la plus grande partie des fonds – entre 0,725 % de la masse salariale pour les entreprises de 11 à 49 salariés et 0,90 % pour celles de plus de 300 salariés – sera consacrée au financement de l’alternance. Deuxième poste : le CPF drainera 0,275 % de la masse salariale pour les entreprises de 11 à 49 salariés et 0,4 % de celles de plus de 49 salariés. Si l’enveloppe globale consacrée au financement du CPF reste stable, représentant 0,4 % de la masse salariale, le CPF de transition représentera dans cet ensemble 0,1 % de la masse salariale, soit la moitié des sommes aujourd’hui dédiées au CIF mais les excédents du CPF seront reversés inégalement au CPF transition. 0,3 % de la masse salariale seront affectés à la formation des demandeurs d’emploi. Cette somme de l’ordre de 1,5 milliard d’euros par an alimentera le Plan d’investissement dans les compétences. Le CEP bénéficiera pour sa part de 2,75 % de la collecte, soit quelque 240 millions d’euros.

Et c’est bien là que le bât blesse : comment augmenter le nombre de personnes bénéficiant d’une formation avec une enveloppe globale inchangée ? Une des réponses repose sur les entretiens de positionnement proposés aux salariés et aux demandeurs d’emploi dès leur première démarche afin de mesurer le réalisme de leur projet et sur la mobilisation plus systématique qu’aujourd’hui de la VAE pour réduire le temps passé en formation. « Ce n’est pas la grande ambition espérée mais l’enveloppe budgétaire était contrainte », reconnaît Jean-François Foucard, négociateur CFE-CGC. La question du financement n’est d’ailleurs pas la seule en suspens : les grandes orientations sont plus dans la continuité de la précédente réforme qu’annonciatrices des changements profonds, souhaitées par le gouvernement et rappelées dans sa note de cadrage au début des négociations. « Le texte final pourrait bien ne pas être celui qui sera repris et présenté au Parlement en avril prochain », lance d’ailleurs Lionel Lerogeron, négociateur CGT. Reste à savoir si le gouvernement prendra le risque d’aller à l’encontre du projet d’accord rédigé par les partenaires sociaux. Réponse dans les prochains jours…

Auteur

  • Laurence Estival