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Le fait de la semaine

Grande-Bretagne : Cordant se métamorphose en entreprise sociale

Le fait de la semaine | publié le : 19.02.2018 | Stéphanie Salti

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Grande-Bretagne : Cordant se métamorphose en entreprise sociale

Crédit photo Stéphanie Salti

Le numéro deux du recrutement et des services britannique s’est donné cinq ans pour parachever sa mutation.

En septembre 2017, la décision par Cordant de se transformer en entreprise sociale a fait l’effet d’une bombe. Car si le concept d’entreprise sociale séduit beaucoup outre-Manche, les petites structures et les entreprises à mission sont le plus souvent emblématiques de ce mouvement. Or Cordant ne colle pas au profil habituel de ces sociétés. Créée en 1959, cette entreprise familiale, qui ouvrira un bureau à Paris en avril prochain, est active dans le recrutement et les services (nettoyage, équipement) dans les secteurs de la santé, de l’éducation et de l’informatique. Dotée d’un chiffre d’affaires de 850 millions de livres (954 millions d’euros) en 2017, Cordant a placé l’an dernier quelque 125 000 personnes dans des entreprises aussi prestigieuses que le numéro un de la distribution alimentaire Tesco ou encore Amazon.

« L’idée de se transformer en entreprise sociale a commencé à germer il y a une dizaine d’années », indique Phillip Ullmann, chief energiser, comme il se plaît à se définir lui-même, et fils du fondateur de l’entreprise. « Nous avions pour ambition de développer un projet avec le service de santé national britannique (NHS) et notre auditeur Deloitte nous avait alors conseillé de nous transformer en entreprise sociale. À cette époque, j’ignorais parfaitement de quoi il retournait. » Quelques recherches plus tard, l’entreprise se convainc de l’importance de se convertir et décide à la mi-2016 de changer ses statuts : « Au Royaume-Uni, comme dans beaucoup d’autres pays, nous ne possédons à l’heure actuelle que deux modèles qui ont atteint leurs limites : le modèle étatique et celui des marchés de capitaux, explique Phillip Ullmann, or nous voulions ajouter au modèle capitaliste un engagement permettant aux salariés de travailler pour le bénéfice public. » Pour l’heure, la transition de Cordant en une entreprise sociale consiste surtout en une série d’engagements : le numéro deux du recrutement outre-Manche envisage de plafonner les dividendes annuels des actionnaires à 250 000 livres par famille d’actionnaires, soit 3 millions de livres en termes actuels. Les profits restants seront partagés entre les 1 500 salariés de l’entreprise et redistribués dans des projets pour le bénéfice public : un projet éducatif, un système informatique pour le service de santé national britannique et un partenariat dans la formation professionnelle.

Les salaires des dirigeants plafonnés

Cordant entend aussi plafonner les salaires des dirigeants à 20 fois ceux des travailleurs les moins rémunérés dans l’entreprise. Une véritable originalité dans un paysage britannique où le salaire moyen d’un dirigeant de l’une des 100 plus grosses capitalisations londoniennes est 144 fois plus élevé que la moyenne nationale : « En nous alignant avec notre main-d’œuvre, nous pourrons alors partager les bénéfices des augmentations de productivité », estime Phillip Ullmann.

Cordant s’engage aussi être audité de façon indépendante chaque année, conformément à des critères en matière d’impact social. Ce sera d’ailleurs la première action concrète de l’entreprise : « Nous travaillons actuellement avec une société* pour établir notre premier rapport d’impact social. Chaque année, un nouveau rapport établira les avancées dans ce domaine », explique le fils du fondateur de Cordant.

La mutation de Cordant ne se fera pas du jour au lendemain, cinq années seront nécessaires pour la parachever. Au-delà de sa propre transformation, Cordant veut aussi convaincre ses clients de suivre son exemple : « Le niveau de rémunération est déterminé par nos clients, explique le chief energiser. Si nous voulons partager les profits, nous allons avoir besoin d’eux pour le faire. » Phillip Ullmann reconnaît cependant qu’il ne peut pas les contraindre à suivre ce modèle mais il reste optimiste sur les changements de mentalités. D’autant que rien a priori ne fera dévier Cordant de sa trajectoire : « Nous sommes embarqués dans un voyage et nous ne reviendrons pas en arrière », conclut Phillip Ullmann.

* Bates Wells Braithwaite (BWB).

Auteur

  • Stéphanie Salti