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Carrières : La validation des acquis de l’expérience, un dispositif en quête d’un deuxième souffle

L’actualité | publié le : 19.02.2018 | Laurence Estival

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Carrières : La validation des acquis de l’expérience, un dispositif en quête d’un deuxième souffle

Crédit photo Laurence Estival

Trop longue, trop compliquée, la VAE (validation des acquis de l’expérience) a du mal à trouver sa place Avec sa vingtaine de propositions, Terra Nova vise à relancer le débat sur ce dispositif à l’heure des derniers arbitrages sur la réforme de la formation professionnelle.

Plus de quinze ans après son lancement, la VAE est à la peine… Depuis 2011, le nombre de candidats souhaitant obtenir un diplôme, un titre ou une certification professionnelle en mettant en avant les compétences acquises au cours de leurs expériences professionnelles ou extraprofessionnelles, baisse sans avoir d’ailleurs réellement décollé. Selon les chiffres publiés par Terra Nova dans son rapport « Libérer la VAE : comment mieux diplômer l’expérience »*, 307 000 candidats ont déposé un dossier entre 2002 et 2014, soit 25 580 individus en moyenne par an. Un chiffre loin des 60 000 visés au départ. « Pourtant, ce dispositif permet de gagner du temps pour valider les compétences et il est peu onéreux. Il faut entre 3 000 et 4 000 euros pour une VAE contre 12 000 euros par an pour un CAP ou un bac pro, met en avant la rédactrice du rapport Danielle Kaisergruber. Or aujourd’hui dans les négociations en cours sur la réforme de la formation professionnelle, personne ne reparle de la VAE. Le suivi de formations classiques, en salle de cours, n’est pourtant pas la seule façon d’évoluer professionnellement ! »

Un accompagnement renforcé

C’est justement pour s’inviter dans le débat que le think tank a décidé de jeter son pavé dans la mare. Une initiative salutaire pour Fabienne Faudé, directrice de la VAE à l’Afpa. « La future réforme devrait accorder un plus grand rôle au CEP (conseil en évolution professionnelle) et les conseillers pourraient, de ce fait, orienter les individus en fonction de leur projet vers une VAE. » Pour préparer le terrain et dédramatiser la démarche de recours à la VAE vécue comme un « parcours du combattant », Terra Nova propose une vingtaine de mesures. Plusieurs d’entre elles portent sur une réduction des délais – il faut aujourd’hui entre 9 et 24 mois pour arriver aux termes du processus –, et sur un accompagnement renforcé des candidats tout au long de leur démarche, de la détermination de la bonne certification jusqu’au suivi des préconisations du jury, en cas de VAE partielle.

Ces propositions vont dans le bon sens pour les experts : le suivi ne démarre aujourd’hui que lorsque le candidat a déjà réussi à identifier la certification correspondant à son profil parmi les près de 10 000 inscrites au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) et éligibles à la VAE. Or, selon une enquête du Carif Auvergne-Rhône-Alpes, 75 % des intéressés renoncent dès cette première phase, faute d’avoir pu faire face à cette difficulté ! « La rédaction du dossier est en outre complexe car il ne s’agit pas de valider des compétences en situation professionnelle mais de partir de l’expérience professionnelle pour définir en quoi les compétences acquises sont identiques à celles que pourrait apporter une formation académique. C’est un véritable travail d’introspection et tout le monde n’est pas à l’aise avec cet exercice », note Anne Bonnefoy, responsable du pôle VAE au Cnam.

Changement de paradigme

Le rapport insiste par ailleurs sur la nécessité de promouvoir la VAE auprès de ceux qui en ont le plus besoin, à savoir les entreprises et les demandeurs d’emploi. « Les premières doivent rapidement trouver les nouvelles compétences correspondant à l’évolution de leurs métiers et les seconds souhaitent retourner le plus vite possible sur le marché du travail », précise Danielle Kaisergruber. « Certains employeurs se sont lancés dans des VAE collectives, à l’image d’Orange ou d’EDF, et le dispositif commence à intéresser des ETI, met en avant Armel Guillet, directeur Cnam entreprises. Regroupés en petits groupes, les salariés bénéficient dans ce cadre d’entretiens d’accompagnement collectifs. Cela permet de générer une dynamique positive et de ne pas perdre des candidats en route car il y a une d’émulation. » Fort de ses premiers résultats, l’établissement envisage d’ailleurs d’introduire les entretiens collectifs auprès des salariés ayant déposé des demandes individuelles. Concernant les demandeurs d’emploi, les expérimentations collectives en sont là aussi à leurs balbutiements (lire l’encadré).

« Mais au-delà de ces ajustements, la meilleure façon de relancer la VAE est de faire évoluer sa perception et son utilisation. Outil sanctionnant le passé, elle n’est pas suffisamment mobilisée pour aider les individus à se projeter vers l’avant », note Danielle Kaisergruber. Le rapport préconise d’encourager les candidats à viser un niveau de qualification supérieur à celui acquis au moment du dépôt du dossier. La possibilité de valider un certain nombre de modules pourrait alors les inciter à acquérir les compétences manquantes pour obtenir la certification correspondante à leur projet professionnel. « Et pour ne pas rallonger les délais, les individus, conseillés en amont du dépôt de leur dossier, auraient repéré leurs lacunes et cherché à les combler avant même le passage devant le jury », conclut l’experte, vantant ainsi les mérites d’une « VAE de parcours ». « Banco !, répond Michel Haristoy, directeur formation continue inter-groupe du Groupe IGS. À condition que cette hybridation entre VAE et formation puisse être financée car sinon, il y aura des frustrations et finalement de nouvelles déceptions. »

VAE collective pour demandeurs d’emploi : l’Afpa et pôle emploi donnent le la

De juin 2016 à décembre 2017, dans le cadre du plan 500 000, une cohorte de 8 000 demandeurs d’emploi a été suivie dans toute la France dans une démarche de VAE collective par l’Afpa, alliée à Pôle Emploi, et 5 000 d’entre eux ont obtenu une certification. « Ces chiffres sont encourageants. D’autant que nombre de ceux ayant abandonné en cours de route ont renoncé car ils avaient entre-temps retrouvé un emploi. Se mettre dans une dynamique a été un élément déclencheur », souligne Fabienne Faudé, directrice de la VAE à l’Afpa.

Au-delà de ces résultats, cette expérimentation a permis de mettre en évidence les conditions nécessaires pour transformer la VAE en succès. Première d’entre elles : les diplômes, titres et certifications proposés avaient été choisis en fonction des demandes des entreprises dans les différents bassins d’emploi. Sur les 200 formations sélectionnées, une dizaine d’entre elles, essentiellement dans les services (vente, agent de propreté, secrétariat, assistant(e) de vie…), de niveau V, IV et III, a rassemblé 80 % des candidats. Autre condition : « La démarche VAE doit être intégrée à la recherche d’emploi », poursuit l’experte. Les candidats ont été déchargés des tâches administratives et de la recherche de financements pour pouvoir entièrement se consacrer à leur dossier. Ils ont par ailleurs été accompagnés par un référent de bout en bout et jusqu’à leur placement. Troisième enseignement : la plus grande fluidité du processus a elle aussi joué un rôle dans le maintien de la motivation. La recevabilité de leur dossier a pris quinze jours et la rédaction moins de six mois.

* www.tnova.fr/rapports/liberer-la-vae-comment-mieux-diplomer-l-experience

Auteur

  • Laurence Estival