Dans cet essai fouillé, la sociologue Cécile Guillaume s’est intéressée au plafond de verre que subissent les femmes syndicalistes. Pas facile de faire carrière dans les bastions syndicaux, d’après l’universitaire : « Le champ syndical favorise la conformité des comportements, l’entre-soi et l’homophilie ». Restituant 15 ans d’enquête, son livre explore les mécanismes de discrimination des femmes « surreprésentées dans les mandats de terrain en entreprise », mais peu nombreuses dans les instances de négociation : 15 % de femmes secrétaires générales ou de fédérations à la CGT, 17 % à la CFDT, 9 % chez FO, selon l’auteur. Passionnant, l’essai retrace l’histoire – contrariée – des politiques d’égalité hommes-femmes dans les syndicats, en France et en Angleterre. La sociologue montre que les difficultés d’accès des femmes au « leadership syndical » sont les mêmes qu’en entreprise : disponibilité sans faille qui handicape les mères de famille, mentorat informel des instances dirigeantes qui « reproduit les inégalités », culture très masculine… La partie consacrée « à la fabrique des carrières » est édifiante : les récits de syndicalistes de tous niveaux (élue CHSCT, déléguée syndicale, ex-secrétaire nationale) illustrent la « bataille » des femmes pour s’imposer, les discriminations subies (une élue raconte comment son syndicat a déplacé les réunions le mercredi, jour où elle gardait ses trois enfants, « parce qu’elle gênait »), les luttes de pouvoir qui lassent… L’essai de Cécile Guillaume est éminemment féministe, mais avec finesse. Un travail très abouti, qui interroge les limites du dialogue social à la française pour remédier à ces discriminations.