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Le fait de la semaine

Interview : « Notre objectif est de sécuriser les départs volontaires »

Le fait de la semaine | publié le : 29.01.2018 | Domitille Arrivet, Hugo Lattard

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Interview : « Notre objectif est de sécuriser les départs volontaires »

Crédit photo Domitille Arrivet, Hugo Lattard

Hervé Léost, sous-directeur des mutations économiques et la sécurisation des emplois à la DGEFP

Pourquoi avoir conçu ce nouveau dispositif, la rupture conventionnelle collective (RCC), qu’est-ce qui a appelé sa création ?

Ces dernières années, les plans de départs volontaires (PDV) se sont beaucoup développés. Ils représentent 13 % à 15 % des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE), soit près d’une centaine par an. Pour être précis, on distingue les PDV autonomes, qui ne comprennent aucun licenciement, et les PDV mixtes, qui peuvent comprendre des licenciements contraints par exemple dans le cadre d’une fermeture de site, si l’objectif chiffré de départs volontaires n’est pas atteint. Quoi qu’il en soit, jusqu’à présent, les PDV étaient traités par le juge comme des PSE en l’absence de base légale. Il y avait un problème de sécurisation juridique de ces PDV, qui n’étaient pas prévus par la loi, mais uniquement par la jurisprudence. Et puis, second problème qu’a souhaité résoudre le gouvernement, les PDV étant assimilés à des PSE, les entreprises devaient suivre pour cela toute la procédure de PSE, qui est assez longue et complexe. La question s’est donc posée : pour les entreprises qui prévoient des PDV uniquement fondés sur le volontariat, appliquer l’ensemble de la procédure de PSE est-il nécessaire ? D’autant que les PSE doivent aussi être justifiés par un motif économique. Les ordonnances permettent donc à l’employeur, qui envisage des suppressions de postes fondés uniquement sur le départ volontaire de salariés, de se mettre d’accord, par accord majoritaire collectif avec les organisations syndicales, sur une procédure assouplie, qui conduit aux départs volontaires.

Quelles sont les spécificités de la RCC ?

La RCC présente plusieurs garanties. Tout d’abord, si l’employeur n’obtient pas d’accord collectif, la RCC n’est pas possible. Par ailleurs, les clauses sur lesquelles doit porter l’accord ont été précisées dans l’ordonnance. Elles sont obligatoires. L’accord doit notamment comporter des mesures de reclassement externe. De plus, tous les départs doivent être volontaires. Enfin, tout cela doit être contrôlé par l’administration, sur le terrain par les Direction régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l’emploi (Direccte), qui ont deux semaines pour se prononcer.

Une RCC permet-elle de réduire les délais ?

Oui, la procédure est raccourcie. Dans le cadre d’un PDV autonome, il y a des délais d’information-consultation du comité d’entreprise préfixes, qui peuvent être importants, en fonction du nombre de suppressions d’emploi : deux mois, si c’est moins de 100 suppressions d’emploi ; trois mois, jusqu’à 250 suppressions d’emploi ; et quatre mois, au-delà. Dans le cadre de la RCC, la loi prévoit seulement une information du comité d’entreprise (bientôt comité social et économique). Et elle peut déposer l’accord, dès qu’il a été signé, sur notre système d’information, par voie dématérialisée. La Direccte vérifie que le dossier est complet et qu’il comporte bien toutes les clauses obligatoires, qu’un accord RCC doit comprendre. Si la Direccte considère que l’accord est incomplet, elle demandera de revoir le projet. Tant que le dossier n’est pas complet, le délai de 15 jours d’examen ne part pas.

Ces items, pouvez-vous les détailler ?

Huit clauses sont obligatoires. L’accord doit notamment préciser les modalités et conditions d’information du comité social et économique (CSE), la nouvelle instance unique de représentation du personnel également instituée par les ordonnances. La RCC se distingue vraiment sur ce point du PSE, dès lors qu’il n’y a pas de consultation obligatoire. Ensuite, le nombre maximal de départs et de suppressions d’emplois. Il y a bien les deux notions parce qu’une RCC peut très bien prévoir un nombre de départs supérieur au nombre de suppressions d’emploi, lorsque l’entreprise prévoit en parallèle un plan de recrutement. La durée de la mise en œuvre de la RCC est aussi un point important. Parce que dans ce laps de temps, l’entreprise doit s’engager à ne pas faire de licenciements économiques. L’accord doit préciser aussi les conditions que doivent remplir les salariés pour bénéficier de la RCC. Un ciblage est donc possible à condition qu’il ne soit pas discriminatoire selon les règles posées par le Code du travail : l’âge, mais aussi le handicap, l’état de santé, l’appartenance syndicale, etc.

Justement à ce sujet, le ministère du Travail a promis que les Direccte veillent à ce que les seniors ne soient pas ciblés de manière excessive dans les accords RCC. Comment vont-elles contrôler ?

On regarde notamment si des mesures de reclassement externes sont bien prévues dans l’accord. C’est un premier faisceau d’indices. Après, il faudra spécifiquement vérifier si des catégories d’âge sont particulièrement ciblées.

Si un accord RCC ne vise que des salariés seniors à travers le critère de l’âge ou de l’ancienneté, ou s’il ne comporte pratiquement que des indemnités sans vraie mesure de reclassement ou d’accompagnement, la Direccte ne pourra pas valider l’accord. Il a pu arriver qu’il y ait des refus à ce sujet dans le cas de PDV adossés à un PSE, qui étaient uniquement ciblés sur les plus de 50 ans.

Quels sont les autres critères que doit préciser l’accord de RCC ?

Il y a les critères de départage entre les candidats au départ. Car le fait d’être volontaire ne veut pas dire que vous allez nécessairement partir, s’il y a plus de candidats que de départs. Les modalités de calcul des indemnités de rupture doivent également être définies dans l’accord. Avec un plancher légal. Quant au régime social et fiscal d’exonération, il a été décidé d’étendre le régime applicable aux PSE à ces indemnités de rupture, à savoir une exonération fiscale totale et une exonération sociale partielle, ce qui a été acté dans le dernier projet de loi de finances (PLF). Viennent ensuite les conditions d’examen des candidats au départ. Avec notamment la transmission de l’accord écrit du salarié. Cela nous a semblé être un point très important : pour garantir le volontariat de la personne, il faut qu’il y ait bien un accord écrit transmis par le salarié. À ce sujet, le projet de loi de ratification des ordonnances pourrait ajouter comme clause obligatoire une convention individuelle de rupture, qui doit récapituler les différents points. C’est potentiellement à partir de ce document que le salarié pourra aller devant le juge judiciaire, s’il souhaite contester les conditions dans lesquelles a été exprimé son consentement. Viennent ensuite les mesures visant à faciliter le reclassement externe des salariés, en termes d’actions de formation, de validation des acquis de l’expérience (VAE), de soutien à la création d’activités, etc. À ce sujet encore, le projet de loi de ratification pourrait apporter une autre évolution importante. À ce jour, il offre la possibilité de mobiliser dans le cadre d’une RCC le congé de mobilité qui, dans son fonctionnement et sa philosophie, est assez proche du congé de reclassement Et de bénéficier à ce titre des exonérations fiscales et sociales, ce qui n’était pas possible jusqu’à présent. Dernier item, l’accord doit prévoir les modalités de suivi de sa mise en œuvre effective.

Du point de vue du chef d’entreprise, la RCC est moins contrôlée, moins contrôlable, que dans le cadre PSE ?

La procédure étant plus souple avec l’absence de consultation obligatoire du comité d’entreprise (futur CSE), le contrôle qui s’y attache est moins approfondi qu’en matière de PSE. Sur le contenu de l’accord, c’est la même chose. Comme il y a moins d’obligations, notamment le fait de proposer le congé de reclassement, nécessairement, il n’y aura pas de contrôle sur ce type de mesures. Pour autant la Direccte veillera à ce que les huit clauses obligatoires figurent bien dans l’accord. De manière générale, il faut bien avoir à l’esprit qu’il y a déjà une sécurité, dans la mesure où seront soumis à nos services des accords majoritaires, signés entre la direction et les organisations syndicales. Ce qui implique, a priori, un bon dialogue social dans les entreprises. Ce qui voudra dire que les organisations syndicales ont tout fait pour obtenir le maximum de garanties pour les salariés qui se portent candidats au départ !

Avez-vous une idée de l’ampleur que peut prendre ce nouveau dispositif de la RCC ?

Je pense que pour une part, il va y avoir une substitution à certains PDV autonomes. Typiquement, c’est l’exemple de PSA. Mais cette substitution ne sera pas intégrale. Les PDV, disposition jurisprudentielle, continueront à exister, surtout s’ils reposent sur un motif économique. D’autant que les entreprises qui ne sont pas sûres d’obtenir un accord ou qui ont un nombre certain de départs à réaliser ont plutôt intérêt à proposer un PDV fixé par document unilatéral à leurs salariés comme la procédure PSE les y autorise. Par ailleurs, la RCC a un champ plus large que le PSE, qui ne pouvait être mis en œuvre que par des entreprises de plus de 50 salariés. Pour la RCC, il n’y a pas de limite de taille minimale de l’entreprise. Même une entreprise de moins de 11 salariés peut y avoir recours, à condition que le dispositif soit approuvé par un référendum des salariés avec une majorité des deux tiers. Nous ne pouvons pas évaluer dans quelle mesure les PME vont, elles, se saisir de ce nouvel outil. En tous les cas, l’enjeu pour nous et la Direccte sera d’accompagner ces entreprises qui ont moins l’habitude de notre administration. Nous y sommes préparés.

Auteur

  • Domitille Arrivet, Hugo Lattard