Quid du libre arbitre face au numérique qui modifie le travail ? Entre réflexion managériale et philosophique, ce livre écrit par deux fondateurs d’un laboratoire de prospective sur le digital (dont Sandra Enlart, directrice d’Entreprise et Personnel) invite les entreprises à réfléchir à la place de l’humain dans leur stratégie digitale. Ils se disent en effet perplexes sur ce nouveau dogme managérial du numérique (créativité, agilité, autonomie) qui tient parfois plus de l’aliénation au travail que de la liberté de l’individu. « Le digital ne doit pas servir à renforcer la contrainte au nom d’une apparente liberté », soutiennent les auteurs. La première partie du livre, qui appelle à la prudence pour impulser une stratégie numérique (expérimenter, redonner de réelles marges de manœuvre aux salariés), est un peu classique. En revanche, l’ouvrage s’avère très percutant par sa réflexion philosophique sur « l’emprise » grandissante des algorithmes sur l’esprit, la charge mentale ou le corps. « Comment tout cela va-t-il évoluer quand nous progresserons dans notre maîtrise des big data ? Les techniques de modélisation prédictives feront-elles de coïncidences des valeurs sûres de recrutement et de gestion de carrières, comme le lien entre habitudes alimentaires et productivité ? », interrogent les auteurs. Alors que des start-up investissent ce marché dans les RH, le livre fait mouche sur les dérives « du traçage sauvage » des big data, en outre susceptibles de « préempter la décision ». Les auteurs appellent donc les entreprises qui utiliseront des données partagées à se doter d’une réelle gouvernance. Une réflexion pertinente, très bien argumentée.