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Le fait de la semaine

Québec : La formation continue en peine à l’ère du numérique

Le fait de la semaine | publié le : 22.01.2018 | Ludovic Hirtzmann

Si les entreprises québécoises se sont très vite adaptées à l’Internet, dès ses débuts, il n’en va pas de même dans le domaine de la formation continue, fortement remise en cause dans les milieux entrepreneuriaux.

Tout a commencé en 1995. Cette année-là, le gouvernement québécois, pour faire face à un déficit de formation de la main-d’œuvre, a voté la loi favorisant le développement et la reconnaissance des compétences de la main-d’œuvre, dite Loi 90. En vertu de celle-ci, dès 1996, les entreprises québécoises dont la masse salariale était supérieure à un million de dollars par an devaient consacrer 1 % de cette dernière à la formation continue. En 1997, puis en 1998, ce fut au tour des PME dont la masse salariale était inférieure à 500 000 dollars, puis à 250 000 dollars. À défaut de consacrer ce 1 % à la formation, ce montant devait être reversé au Fonds national de développement et de reconnaissance de la main-d’œuvre, géré par le gouvernement.

Dès 2004, les PME affichant moins d’un million de dollars de masse salariale furent exonérées du 1 %. Alors que l’on comptait jusque-là 37 000 entreprises assujetties au 1 % (sur 250 000 au Québec), moins de 10 000 furent dès lors assujetties à la Loi 90. En 2015, le seuil d’application du 1 % a été porté à deux millions de dollars de masse salariale. Autant dire que l’immense majorité des sociétés, dans un Québec constitué majoritairement de TPE, échappent à la Loi 90. Malgré son côté marginal, cette loi fait toujours l’objet de vives critiques des organisations patronales qui demandent son retrait pur et simple, estimant à l’instar de la Fédération des chambres de commerce indépendantes du Québec qu’il s’agit « d’une taxe de 1 % ».

Loin du virage numérique

La formation continue n’est pas une priorité pour la majorité des entrepreneurs. Selon un sondage de l’institut national Statistique Canada, 30 % des employeurs préfèrent offrir un environnement de « travail plus flexible » et 24 % améliorer les conditions de travail. Le « mentorat et la formation continue » arrivent au troisième rang des priorités avec 16 %. Selon un consultant québécois, PDG d’un cabinet de formation, mais qui préfère rester anonyme : « De façon générale, la formation occupe une position bien accessoire dans les entreprises. Pour preuve, rares sont celles ayant des politiques claires en matière de formation […] Le fameux 1 % est investi, plutôt dépensé, n’importe comment », avant d’ajouter : « Certes, on utilise différents moyens technologiques pour diffuser de la formation – formations en ligne, wikis –, mais de là à parler de virage numérique, on en est loin. » La spécialiste en éducation des adultes et professeur à l’École de travail social de l’université de Montréal, Ginette Berteau, confie qu’en Europe le rôle de la formation continue dans le développement professionnel est mieux compris. « En Amérique, les formations sont de plus en plus courtes. En vingt ans, une formation que je donnais en cinq jours a été réduite à deux […] Ce n’est que la dimension en « avoir pour son argent » qui est importante », avant de conclure que ses sessions de formation de deux jours au Québec durent quatre jours lorsqu’elle les dispense en France.

Stratégie numérique sur le papier

La situation de la formation continue est si peu reluisante qu’environ 10 % des sociétés préfèrent ne pas cotiser au 1 % et reverser leur dû au Fonds national de développement et de reconnaissance de la main-d’œuvre. Certains entrepreneurs ne voient pas l’intérêt des formations, d’autres évoquent une bureaucratie trop lourde pour les mettre en place. Le gouvernement du Québec a bien conçu un plan de stratégie numérique, incluant un passage sur la formation, mais il n’existe que sur le papier. Selon ce « plan de stratégie numérique » qui doit se mettre en place d’ici à 2021, « l’offre de formation continue et d’apprentissage relativement aux compétences numériques liées à l’emploi pourra permettre aux adultes de développer ces compétences, de les maintenir à jour et de les rehausser tout au long de leur vie personnelle et de leur trajectoire professionnelle ». Plus de 4 700 entreprises devraient bénéficier de ce qui pour l’instant ne ressemble qu’à de belles paroles.

Pour l’année 2016

88 % Taux de raccordement des ménages à Internet

90 % Taux de raccordement des entreprises à Internet

9 % des sociétés offraient des formations en technologies de l’information à leurs employés.

Source : gouvernement du Québec.

Auteur

  • Ludovic Hirtzmann