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Trois questions à Ionela Neascu, chercheuse à Rennes School of Business

L’actualité | publié le : 22.01.2018 |

Les entreprises familiales qui recrutent fréquemment des membres de la famille le font-elles par (mauvaise) habitude ?

Nos recherches mettent en évidence que le népotisme peut dans certains cas être une bonne solution. Lorsque l’environnement économique est très incertain, travailler en famille, en connaissant intimement ses collaborateurs, favorise la confiance et permet des ajustements rapides aux évolutions. Lorsque l’environnement institutionnel est très fragile, que l’État assure peu de protection, que le droit est mal respecté, le groupe familial constitue par ailleurs un soutien. Il se mobilise souvent pour aider l’entreprise à survivre.

Il faut comprendre que les propriétaires d’entreprises familiales ne placent pas seulement de l’argent dans leurs affaires. Ils investissent des émotions. Ils ne cherchent pas seulement à gagner de l’argent. Ils conçoivent l’entreprise comme un enfant qu’il faut faire grandir. Ils attendent de leur engagement des bénéfices socio-émotionnels forts. C’est cet investissement socio-émotionnel, en réalité peu pris en compte par la théorie économique classique, qui explique pourquoi la présence des membres de la famille au sein des entreprises familiales constitue souvent un atout.

Le lien familial peut-il renforcer les chances de succès de l’entreprise ?

On sait que plus la famille est présente dans le capital, plus les gens de la famille sont nombreux à y travailler. Des recherches montrent par ailleurs que l’engagement des membres de la famille est en moyenne plus fort que celui de salariés classiques, qu’ils sont plus flexibles lorsque nécessaire.

Bien sûr, il ne s’agit pas de dire ici qu’une entreprise familiale peut recruter sans tenir compte des compétences, en se basant uniquement sur des liens de sang. Il ne s’agit pas de jeter par-dessus bord toutes les pratiques reconnues en matière de ressources humaines. Mais le népotisme ne devrait pas être rejeté par principe comme c’est trop souvent le cas.

Vous parlez des entrepreneurs des pays pauvres, mais également des migrants, confrontés à des difficultés spécifiques. Faut-il les aider à travailler en famille ?

Il est contre-productif d’imposer aux entrepreneurs installés dans des pays pauvres, où l’État est défaillant, l’idée qu’ils devraient se comporter comme des entrepreneurs anglo-saxons, ouvrant largement leurs portes à des inconnus. Il peut être préférable de reconnaître la force du modèle familial tout en incitant les entreprises à adopter certaines bonnes pratiques RH, notamment en matière de formation.

De même, pour les migrants qui débarquent dans des pays nouveaux, il importe de reconnaître que le soutien du groupe familial leur est très précieux. Si des têtes nouvelles, extérieures à la famille parviennent à s’agréger à la communauté pour apporter des connaissances nouvelles, le pari est souvent gagnant.

Inciter les migrants à rechercher du travail salarié hors de leur milieu familier ne constitue donc pas forcément la démarche d’intégration la plus pertinente. Des générations de Corréziens, de Savoyards, de Basques… se sont fait leur place à Paris dans le passé grâce à une entraide extraordinaire au sein des familles.