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Jean-Louis Malys : « Le rôle d’un syndicat est de créer du droit »

L’actualité | publié le : 01.01.2018 | Pascale Braun

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Jean-Louis Malys : « Le rôle d’un syndicat est de créer du droit »

Crédit photo Pascale Braun

Ancien secrétaire national de la CFDT et vice-président de la caisse de retraite Arrco, Jean-Louis Malys publie son premier ouvrage, Agir pour un idéal imparfait.

Votre livre coïncide avec la réforme par ordonnances des lois Travail. Quelles conclusions tirez-vous des débats soulevés depuis plus d’un an par la réforme du Code du travail ?

J’ai écrit l’essentiel du livre en été 2016, dans la foulée de la loi El Khomri. Cette loi ouvrait de nouveaux espaces sur le rôle et les moyens des syndicats. Les points les plus litigieux qui figuraient dans la première version, comme le plafonnement des indemnités prud’homales ou la possibilité de négocier des accords sans les syndicats dans les petites entreprises, ont été retirés. Dans mon livre, je suis très critique vis-à-vis des opposants à la loi Travail, qui refusaient tout compromis et exigeaient son retrait intégral. Il y a eu des dérapages, des locaux syndicaux ont été attaqués. J’en ai été scandalisé. La lutte des classes n’autorise pas tout. Les ordonnances Pénicaud signées par Emmanuel Macron ont refermé les espaces qu’ouvrait la loi El Khomri et repris les dispositions qui en avaient été retirées. Elles ont constitué un recul, mais la CFDT et Force ouvrière ont fait le choix stratégique de peser, car il n’était pas imaginable d’en obtenir le retrait. Les ordonnances ont constitué un recul, mais elles maintiennent les moyens globaux dont disposent les délégués syndicaux. Nous ne sommes pas satisfaits, mais nous avons évité le pire.

Vous récusez la culture de la lutte des classes, à laquelle vous préférez celle du compromis. Employeurs et employés vous paraissent-ils avoir progressé dans la voie du dialogue ?

Historiquement, c’est évident. Sur le terrain, le dialogue progresse. Je crains que ce soit parmi certains dirigeants des organisations patronales et syndicales qu’il y ait le plus de conservatisme. Les employeurs qui récusent le dialogue social ont peur de leur propre faiblesse et cette attitude radicalise certains syndicats. Lorsque l’on sort de la logique selon laquelle le syndicat serait l’ennemi de l’entreprise, on progresse dans la recherche de l’intérêt commun. À certains moments, le conflit est utile, mais il résulte d’un échec. La CFDT porte un discours parfois transgressif, en affirmant qu’il vaut mieux négocier. Or, le compromis est la condition de la démocratie. Le rôle d’un syndicat est de produire du droit. Encore faut-il que ce droit soit adapté au monde nouveau qui émerge. Je suis frappé par le terrible décalage qui existe aujourd’hui entre l’effectivité du droit et le monde du travail. Il faut redonner de la vertu aux règles.

Dans votre jeunesse, vous avez été maoïste. Votre livre constitue aujourd’hui une ode à la démocratie. Avez-vous renoncé à toute radicalité ?

Je reste radical sur les valeurs démocratiques. Il faut travailler ensemble, vivre ensemble. C’est le thème d’un travail commun signé par sept organisations syndicales après la grande mobilisation citoyenne du 11 janvier suite aux attentats à Charlie Hebdo. Les enjeux sociétaux ne sont pas la tâche première des syndicats. Mais il faut rester en phase avec la société pour préserver la loi et éviter les logiques de destruction. Aucun des modèles qui crédibilisaient la révolution n’a tenu. Qui pourrait aujourd’hui rêver de la Chine, de Cuba ou du Venezuela ? J’ai été un radical maoïste. Je crois aujourd’hui en un modèle républicain, social et démocrate. Aucune doctrine globalisante ne peut s’appliquer à notre monde devenu si complexe.

Auteur

  • Pascale Braun