logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Chroniques

Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Chroniques | publié le : 01.01.2018 | Denis Monneuse

Image

Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

Faut-il solliciter des salariés déjà bien occupes ?

Nombre d’entreprises créent des groupes de travail ad hoc réunissant divers salariés autour d’une table pour partager un diagnostic (par exemple les causes d’une hausse de l’absentéisme) ou réfléchir à l’avenir (comme esquisser les grandes lignes d’un projet stratégique). Des dirigeants, des managers de proximité, des RH, des salariés lambda, ainsi que parfois des représentants du personnel et des professionnels de santé, sont ainsi amenés à échanger entre eux de manière plus horizontale et collaborative qu’à l’accoutumée.

Décider quelles seront les personnes sollicitées

pour participer à ces travaux (qui s’ajoutent généralement à la charge de travail habituelle) représente souvent un casse-tête pour les DRH et les managers. Comment effectuer ce casting ? La tentation est de toujours nommer les mêmes salariés parce qu’on les connaît bien et que l’on sait qu’ils auront à cœur de s’engager dans ce type de projets. Le risque est toutefois de confier de nouvelles tâches à des gens qui sont déjà très pris du fait de leur participation à d’autres projets en parallèle. Ces personnes déjà bien occupées seront-elles en mesure de respecter les délais des nouvelles tâches qui leur incomberaient ?

À en croire une étude

parue dans Journal of personality and social psychology, la réponse devrait être positive*. Keith Wilcox, de l’université de Columbia, aidée de deux collègues, montre que le fait d’être bien occupé au travail accroît la motivation et réduit le temps d’accomplissement des tâches. En observant les données de plus de 28 000 utilisateurs d’une application de gestion de tâches, ils ont noté que le fait de ne pas réussir à en finir une à temps a un effet démoralisant qui réduit la probabilité que celle-ci soit un jour totalement accomplie. Toutefois, ils ont noté une différence entre ceux qui ont beaucoup de tâches à accomplir et ceux qui en ont moins. En moyenne, les gens très occupés réalisent le travail plus rapidement que les gens moins occupés et, quand ils ne parviennent pas à finir une tâche à temps, ils mettent moins de jours que les autres à la terminer hors délai. D’autres expériences menées par ces chercheurs vont dans le même sens.

Comment l’expliquer ?

Les auteurs avancent la thèse suivante : les gens relativement peu occupés vivent négativement le fait de ne pas avoir terminé une tâche dans le délai assigné : ils en tirent des conclusions négatives sur leurs capacités de travail, ce qui nuit à leur productivité et ne les aide donc pas à finir leur tâche rapidement après la date butoir. En revanche, les gens qui gèrent de nombreuses tâches en parallèle voient leur moral moins impacté par ce type d’échec car ils sont conscients de toutes les autres tâches qu’ils ont pu accomplir à côté.

Keith Wilcox

et ses co-auteurs recommandent alors aux managers de s’assurer que leurs collaborateurs soient bien occupés : c’est un antidote contre la procrastination et le manque de productivité. Il faut donc confier plus de tâches à ceux qui baillent aux corneilles, mais aussi ne pas hésiter à solliciter encore davantage ceux qui sont déjà bien pris puisque ce sont a priori les plus productifs de l’entreprise ; tout en vérifiant tout de même qu’ils ne sont pas au bord du burn-out !

* Wilcox, K., Laran, J., Stephen, A. T., & Zubcsek, P. P. (2016). How being busy can increase motivation and reduce task completion time. Journal of personality and social psychology, 110(3), 371.

Auteur

  • Denis Monneuse