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« Le MOOC fédère les salariés autour d’un objectif et d’une vision commune »

Le point sur… | publié le : 18.12.2017 | Frédéric Brillet

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« Le MOOC fédère les salariés autour d’un objectif et d’une vision commune »

Crédit photo Frédéric Brillet

Dans les grandes entreprises, les MOOC bénéficient généralement d’une adhésion majoritaire des personnels. Ces dispositifs offrent en effet aux salariés la possibilité de devenir acteur de leur formation et de maintenir leur employabilité. Mais les MOOC profitent aussi aux entreprises puisqu’ils transforment des compétences individuelles en un apprentissage organisationnel par socialisation numérique.

Qu’apportent les MOOC aux grandes entreprises ?

Les MOOC, qui incarnent de nouvelles modalités d’apprentissage digital, leur apportent plusieurs avantages. Premièrement, ce sont, comme leur acronyme l’indique (Massive Open Online Course) des formations ouvertes et massives qui permettent aux grands groupes internationaux de former par le biais d’un unique dispositif des milliers de salariés géographiquement dispersés. Les entreprises peuvent aussi avec les MOOC mieux maîtriser leurs coûts de formation et harmoniser les contenus. Enfin, le modèle d’apprentissage collaboratif porté par le MOOC favorise des formats d’interaction, de coopération et d’exploration pour permettre une meilleure appropriation des connaissances.

Comment évolue l’attitude des grandes entreprises et des salariés par rapport aux MOOC ? On sait qu’après une première phase d’enthousiasme, l’e-learning n’a pas tenu toutes ses promesses. En sera-t-il de même avec les MOOC ?

Les dispositifs e-learning de première génération déployés au sein des entreprises ont soulevé bien souvent des problématiques d’appropriation en raison d’une faible interactivité ainsi que d’un manque d’ergonomie. À l’inverse, dès le départ, les MOOC ont misé sur le connectivisme, qui stimule les échanges entre apprenants. Le salarié se trouve ainsi au cœur d’un dispositif légitimé par sa hiérarchie, lui offrant la possibilité de devenir maître de sa formation et de son développement à la fois personnel et professionnel. Cette perception positive montre que les salariés ont pris conscience de la nécessité de maintenir leur employabilité. Les MOOC vont évoluer technologiquement, la prochaine génération devrait être conçue pour faciliter l’activité collaborative, ce qui va encore renforcer son attrait.

Vous étudiez l’impact des MOOC chez Total. Qu’est-ce qui a poussé cette société à y recourir ?

D’abord, l’énergéticien a été séduit par le format ouvert et massif du MOOC qui assure une large diffusion des savoirs et des compétences professionnelles. Ensuite, ce dispositif facilite la segmentation et la scénarisation des savoirs. Enfin, les salariés et leurs managers manifestent spontanément de l’intérêt pour ce type de formation, synonyme de convivialité et de modernité.

Vous insistez sur la nécessité pour les entreprises comme Total de développer leurs « capacités dynamiques ». En quoi les MOOC répondent-ils à cette nécessité ?

Dans un environnement de marchés instables, les capacités dynamiques ou d’adaptation se fondent sur des compétences récemment acquises et rapidement déployées dans des écosystèmes connectés. Il faut donc familiariser les salariés à ces nouveaux enjeux portés par le numérique en les formant à de nouveaux processus, de nouvelles actions. Ceci afin d’anticiper les mutations, les incertitudes et les opportunités portées par la révolution numérique, tout en étant capables d’initier de nouveaux changements au sein de l’organisation. Les MOOC incarnent une nouvelle forme d’apprentissage digital, mais surtout ils sont assimilés par les collaborateurs de l’entreprise à un symbole de la transition numérique.

Comment les MOOC contribuent-ils à développer ces compétences ?

La transition digitale implique pour les salariés d’être ouverts à de nouvelles méthodes de conception, de production, de collaboration. À ce titre, les MOOC peuvent par leurs enseignements les amener à reconsidérer leurs acquis, devoirs et attitudes au travail. Suivre un MOOC pousse à l’ouverture d’esprit, à une plus grande tolérance vis-à-vis des évolutions sociétales et économiques. Des témoignages d’apprenants de Total qui m’ont dit « Ce MOOC m’a ouvert les yeux » ou « Ce MOOC fut pour moi une révélation » attestent de cette réalité.

En quoi les MOOC peuvent-ils stimuler la transversalité ?

Dans notre enquête, les sondés ont unanimement désigné le MOOC comme un dispositif permettant des formations plus coopératives et transversales. Le modèle d’apprentissage collaboratif porté par le MOOC contribue à désenclaver l’organisation. L’ensemble des apprenants se trouvant au même niveau, les échanges et les interactions sont moins formels. Cette transversalité résulte d’un rythme d’apprentissage plus libre mais également d’une prise de contrôle sur le contenu de la formation : certaines ressources pédagogiques – ou certains savoirs – appartiennent et sont présentées par l’ensemble des utilisateurs. Elles ne demeurent pas sous le contrôle d’un individu ou d’un groupe d’individus – formateur, hiérarchie – comme dans les formations traditionnelles.

Dans quelle mesure les MOOC contribuent-ils à changer les « routines organisationnelles » que vous évoquez ?

Les managers organisent un temps d’apprentissage dédié au MOOC, mais laissent les salariés décider les modalités pratiques. Certains collaborateurs de Total se retrouvent ainsi spontanément à heure fixe pour échanger sur le même MOOC. Ils initient ainsi de nouvelles routines organisationnelles en adoptant simultanément et collectivement de nouvelles habitudes de formation. Ces nouvelles routines initient une forme de rituel pédagogique collectif.

Les MOOC remettent-ils en cause certaines pratiques managériales et le rôle des managers ?

L’encadrement moyen a parfaitement intégré le fait que l’acculturation au numérique imposait un changement des valeurs dans l’organisation. Certains managers peinent néanmoins à remettre en question leurs pratiques. La « dé-rigidification » de l’organisation suscite un sentiment anxiogène quand elle est perçue comme une perte de contrôle organisationnel. Quant au top management des grandes entreprises, il est généralement peu actif dans les espaces de discussion des MOOC, se contentant d’adopter une posture d’observateur.

Vous expliquez que le MOOC peut porter l’apprentissage organisationnel. Qu’entendez-vous par là ?

Les MOOC, par leurs caractéristiques intrinsèques, favorisent les échanges virtuels et transforment des compétences individuelles en un apprentissage organisationnel par socialisation numérique. Mais cet apprentissage organisationnel requiert certaines conditions : le déploiement d’un MOOC ne suffit pas à lui seul à entraîner des changements importants. Le niveau d’implication des DRH dans la promotion de ce type de formation auprès des salariés est primordial. Il faut également que ces apprentissages professionnels soient cadencés en situation de travail. La mise en œuvre d’un processus d’apprentissage collectif s’inscrit finalement dans le long terme.

François Acquatella

• Entrepreneur digital en 2012 dans le domaine de la finance, François Acquatella développe en 2014 une activité de conseil en transition numérique auprès d’institutions publiques.

• En 2015, il entame une thèse à Télécom ParisTech au sein de l’Institut interdisciplinaire de l’innovation et il publie en 2016 un article sur les potentialités des MOOC en termes d’e-réputation pour les entreprises.

• En 2017, il présente ses recherches à la conférence internationale portée par la plateforme Coursera et publie un nouvel article sur le MOOC comme levier d’un processus d’apprentissage organisationnel dans la revue académique Question(s) de Management.

Ses lectures

• Plateformes. Sites collaboratifs, marketplaces, réseaux sociaux… Comment ils influencent nos choix, de Christophe Benavent (FYP éditions, 2016).

• MOOC, COOC – La formation professionnelle à l’ère du digital, de Laetitia Pfeiffer (éditions Dunod, 2015).

Auteur

  • Frédéric Brillet