logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Chroniques

Sandrine Henrion : La chronique juridique d’avosial

Chroniques | publié le : 18.12.2017 | Sandrine Henrion

Image

Sandrine Henrion : La chronique juridique d’avosial

Crédit photo Sandrine Henrion

Transfert conventionnel des contrats de travail et égalité de traitement

Un revirement de jurisprudence neutralise le principe d’égalité de traitement en cas de transfert des contrats de travail fondé sur un accord collectif de branche étendu. La chambre sociale élargit, encore une fois, le champ de la présomption de conformité en matière d’égalité de traitement. Désormais, en cas de transfert conventionnel des contrats de travail n’entrant pas dans le champ d’application de l’article L. 1224-1 du Code du travail, les salariés d’une entreprise entrante ne peuvent plus se prévaloir du bénéfice des avantages maintenus aux salariés repris.

Initialement, la Haute juridiction

estimait que les salariés entrants et les salariés repris d’une même entité, effectuant les mêmes tâches, ne devaient pas subir d’inégalité de rémunération, dans la mesure où cette différence de traitement n’était justifiée ni par la loi, ni par la compensation d’un préjudice spécifique (Cass. Soc. 15 janvier 2014, n° 12-25.402 ; Cass. Soc. 16 septembre 2015 n° 13-26.788). Pourtant, dans un arrêt inédit du 30 novembre 2017 (n° 16-20.532), la jurisprudence des juges du droit évolue en un tout autre sens.

Il s’agissait d’une société

reprenant à son service, à la suite de la perte du marché par leur employeur, différents salariés d’une société de nettoyage, en application d’un accord de 1990 annexé à la convention collective nationale des entreprises de propreté et services. Les salariés repris continuaient à profiter d’une prime de 13e mois après le transfert, dont les salariés du repreneur réclamaient le bénéfice. Si les juges du fond ont estimé que la demande des salariés du repreneur était légitime, en raison notamment de l’absence de raison objective justifiant la différence de traitement, la Cour de cassation a infirmé ce raisonnement.

La présomption de légitimité

des avantages conventionnels catégoriels négociés avait déjà été reconnue depuis 2015 (Cass. Soc. 27 janvier 2015, n° 13-14.773), puis étendue aux différences de traitement instituées par voie conventionnelle entre les salariés d’une même catégorie professionnelle mais aux fonctions distinctes (Cass. Soc. 8 juin 2016, n° 15-11.324), et enfin aux différences introduites conventionnellement entre établissements d’une même entreprise (Cass. Soc., 4 octobre 2017, n° 16-17.517 FS-PBRI). Dès lors, l’origine professionnelle, et le caractère objectif de la différence instituée, permettaient de bloquer le jeu de l’inégalité de traitement.

Dans cet arrêt,

la Cour de cassation étend la présomption aux avantages maintenus en application d’une convention de garantie d’emploi instituée par voie conventionnelle. Elle légitime cette présomption, notamment, par le fait que ce dispositif ait été mis en place par les organisations syndicales représentatives, desquelles les salariés participent « directement à leur habilitation par leur vote ». Si la différence de traitement a été négociée par des organisations légitimes et instituée par un dispositif conventionnel de garantie d’emploi, elle n’est donc pas étrangère à toute considération professionnelle et est présumée justifiée.

S’inspirant du nouvel article L. 1224-3-2

du Code du travail introduit par la loi Travail du 8 août 2016 et modifié par l’ordonnance Macron n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui neutralise le principe d’égalité en cas de transfert fondé sur un accord collectif de branche étendu, la cour dispose dans un visa de principe que « l’évolution générale de la législation du travail en matière de négociation collective et de la jurisprudence en ce qui concerne le principe d’égalité de traitement à l’égard des accords collectifs conduit à apprécier différemment la portée du principe d’égalité du transfert des contrats de travail organisé par voie conventionnelle ». En s’alignant sur les textes nouvellement applicables, la Cour de cassation coupe désormais court à toute action des salariés sur ce terrain.

Auteur

  • Sandrine Henrion