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« Emasculiner » notre langue ?

Chroniques | publié le : 18.12.2017 | Sandrine Henrion

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« Emasculiner » notre langue ?

Crédit photo Sandrine Henrion

Philippe Détrie La maison du management

La controverse actuelle autour de la place du féminin dans la langue française fait rage. L’objet de la querelle quasi passionnelle dont les Français ont le secret (heureux Anglais) concerne l’écriture inclusive. Faut-il féminiser les noms de métier, supprimer la règle de l’accord de proximité et adopter le point milieu ? Risquons un parti pris qui n’engage bien sûr que son auteur.

Écriture inclusive ?

Déjà l’expression est bizarre. Inclusive ? Le Petit Robert nous signifie « qui renferme en soi ». Pas très clair. Moi qui ne suis ni grammairien ni linguiste mais simple usager, je ne comprends pas. Sans doute faut-il approcher le mot par son contraire : non exclusif. Le terme générique (homme) et le pluriel (cent femmes et un homme deviennent ils) élimineraient la visibilité du féminin et donc de la femme et empêcheraient une communication égalitaire. Tout à fait d’accord. Mais comment faire évoluer une écriture face à un millénaire de pratiques masculines ? Faut-il « émasculiner » notre langue en l’absence de neutre ou de mot épicène (dont la forme ne varie pas selon le genre, comme artiste ou partenaire) ?

La féminisation des noms de métier.

Bonne idée, si le féminin est simple. Les mots professeure, auteure, sénatrice s’intègrent harmonieusement me semble-t-il, ils ne heurtent pas la compréhension et apportent une place aux femmes. Des questions restent : pourra-t-on s’habituer à plombière, agente de maîtrise, colonelle, chauffeuse, pompière ? Pourquoi directrice et non directeure ? Faudra-t-il se méfier des entraîneuses ? Et qu’en sera-t-il du manager ? De la « managère » ? Peut-être d’ailleurs qu’il s’agit d’un combat d’arrière-garde quand Le Monde parle de manageur, euse. L’usage décidera. Les belles inventions courriel ou pourriel n’ont pas vécu, dommage. Ajoutons les mots facilement « féminisables ». Nous avons d’ailleurs tout à gagner à enrichir notre lexique : moins on a de mots, moins on pense !

La règle de l’accord de proximité.

Je suis pour s’accorder avec le sujet le plus proche. Le paradoxe est que l’Académie française dénonce dans l’écriture inclusive un « péril mortel ». Houlà ! Alors que c’est elle qui a décidé au XVIIIe siècle que le masculin l’emportait sur le féminin. Pourquoi ne pas retrouver la souplesse d’antan et accepter l’évolution du monde ? L’égalité femmes-hommes commande aujourd’hui que soit abrogée cette loi quasi salique. Et soyons exigeants dans son application, comme pour l’instauration des quotas dans les conseils d’administration… cela marche finalement !

Le point milieu ou médian.

Là je bloque. Je veux bien faire preuve de bonne volonté en écrivant le.la participant.e. ou adhérent.e.s. Mais les simplicités d’écriture, de lecture et de prononciation s’éloignent quand on écrit au.x cher.ère.s directeur.rice.s ou aux chers directeurs et chères directrices. Écriture plutôt discursive qui prétextant la rigueur ne fait qu’alourdir ! Souhaitons qu’elles restent « lettres mortes ».

Libérons la langue.

Les partisans de l’inclusif soulignent que le langage ne devrait plus inférioriser les femmes. Ils ont raison : la langue véhicule notre pensée. Mais elle doit aussi refléter une autre métamorphose de notre société : la révolution numérique qui a bouleversé les usages et au cas présent, la rapidité de l’écriture et la fluidité de la lecture. Le langage internaute a sérieusement ébranlé les bons usages linguistiques et définitivement enterré certains, comme l’imparfait du subjonctif qui ne sert plus qu’à faire rire les potaches : encore eût-il fallu qu’il le visse pour qu’il le susse ! Lol, non ?

Auteur

  • Sandrine Henrion