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Le fait de la semaine

Formation : La réforme en marche rapide

Le fait de la semaine | publié le : 04.12.2017 | Xavier Biseul

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Formation : La réforme en marche rapide

Crédit photo Xavier Biseul

À peine trois ans après la précédente réforme, le monde de la formation connaîtra un nouveau cadre avant la fin du prochain été. Salariés et employeurs, chômeurs et fonctionnaires vont-ils connaître un véritable bouleversement ?

Devenue l’objet d’incantations permanentes, la formation a longtemps été cantonnée à un rôle presque mécanique de transmission. L’objectif se résumait à inculquer à chaque apprenant des savoir-faire, des méthodes et/ou des techniques, selon sa fonction et la position qu’il occupait dans l’organisation. Ce dispositif répondait à la demande d’entreprises structurées autour de process bien définis, avec une séparation nette entre les décideurs, chargés du « control and command », et les exécutants, chargés de concevoir, produire et vendre.

La transformation digitale est en train de modifier profondément cet agencement. En permettant aux différents acteurs de disposer et d’échanger toujours plus d’informations, elle les a mis ipso facto en position de décideurs, de codécideurs ou, à tout le moins, de source de données à forte composante décisionnelle. Plus déterminant encore, la transformation digitale a prouvé l’efficacité de process prenant à contre-pied ceux prévalant dans l’entreprise « tayloriste » ou « fordiste » héritée du 20e siècle : des process transversaux, lancés à l’initiative des unités opérationnelles et s’inscrivant dans une dynamique collaborative aux antipodes du « control and command » classique. Pour les salariés, l’enjeu n’est plus seulement de bien faire, mais surtout de bien collaborer et de bien travailler avec d’autres, dans des configurations mouvantes, susceptibles d’intégrer régulièrement de nouveaux participants pour atteindre de nouveaux objectifs.

Les objectifs de la formation s’en ressentent inévitablement. Les missions traditionnelles se sont donc enrichies de nouvelles dimensions centrées sur de nouveaux enjeux : comment travailler ensemble ? Comment créer de la cohésion et la maintenir au long d’un projet ? Comment prendre des décisions en l’absence d’un « hiérarchique » ? Autant de questions qui obligent à revoir les comportements des uns envers les autres, mais aussi du salarié vis-à-vis du groupe… et vice-versa. Travailler revient désormais à concrétiser avec d’autres un objectif, élargissant du même coup les missions de la formation, de plus en plus investie dans un rôle de créatrice de dynamiques collectives autonomes et efficaces. Cette conception va-t-elle encore dominer les débats ? Cela n’est pas si sûr.

Contre le chômage de masse

Lancés il y a quelques jours, les débats et négociations entre partenaires se nourrissent en effet du bilan en demi-teinte du secteur de la formation. Dès avant la dernière réforme du quinquennat Hollande, l’efficacité d’un système pesant plus de trente milliards d’euros dans l’économie nationale était assez régulièrement remise en cause, notamment pour sa prise en charge des demandeurs d’emploi, estimée insuffisante. Aujourd’hui, les partenaires sociaux vont travailler à l’élaboration d’un texte et d’un dispositif général qui doit permettre d’enrayer le chômage de masse – plaie de l’économie française depuis plus de quarante ans – et de rendre plus sécures les parcours professionnels. Muriel Pénicaud, ministre du Travail, a résumé cet objectif dans son discours du 25 octobre en affirmant que « la meilleure protection contre le chômage est la compétence, et le premier levier pour la compétence, c’est la formation professionnelle ».

Les négociations, sous la houlette du ministère, vont devoir s’accélérer, l’objectif étant d’arriver à un accord syndicats-employeurs avant la fin janvier, soit dans moins de soixante jours (Trêve des confiseurs incluse !). Pour éviter de trop fortes ruptures, la ministre a d’ailleurs confié l’animation de cette consultation à deux membres de son cabinet, ayant participé aux discussions préalables à la réforme de 2014, Antoine Foucher et Stéphane Lardi (à cette époque représentants respectivement du Medef et de FO).

Débats sous tension

Car, d’ores et déjà, plusieurs points vont être délicats à aborder. Parmi ceux-ci, on relèvera le recul d’activité du secteur, très sensible depuis la dernière réforme, avec une baisse des achats et des commandes directes des entreprises. La plus grande liberté réclamée par les entreprises pour le versement de la taxe d’apprentissage notamment, pourrait amoindrir encore le montant des commandes et des projets, et se répercuter sur les chiffres d’affaires. Un autre point a été soulevé et a généré quelques inquiétudes dans le monde des formateurs : plusieurs représentants des employeurs souhaitent une meilleure évaluation des formations, évaluation qui devrait dépasser le simple bilan pédagogique dressé avec les stagiaires. Une évaluation qui serait étendue aux techniques de formation : le e-learning ne remporte qu’un succès très mitigé, tant en résultats qu’en fréquentation et taux de complétion, mais la contestation reste vive envers l’efficacité et le prix des sessions en présentiel. Pour l’apprentissage, la réforme pourrait prendre un tour nettement plus politique. Les régions, qui se verraient privées d’une compétence, devraient prendre des initiatives et intervenir dans le débat. Mais l’apprentissage en lui-même va beaucoup occuper les négociateurs. En effet, son extension à d’autres catégories d’âge, de métiers ou de maîtres de stage inquiète les partisans actuels de ce type de formation. Ils estiment que le dispositif pourrait se développer au détriment des jeunes apprentis de niveau CAP ou bac et de leur acquisition des connaissances de base. Pour les salariés des entreprises, les objectifs affichés de la négociation semblent également difficiles à atteindre. La réforme doit, en effet, s’articuler sur trois grands principes : donner plus d’autonomie aux salariés pour qu’ils prennent mieux en main la formation qui les aidera à s’adapter aux mutations technologiques, satisfaire les besoins des entreprises et, last but not least, rendre tout le système plus transparent.

Auteur

  • Xavier Biseul