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Télétravail : Des passerelles numériques pour enjamber les bouchons à la frontière luxembourgeoise

L’actualité | publié le : 20.11.2017 | Pascale Braun

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Télétravail : Des passerelles numériques pour enjamber les bouchons à la frontière luxembourgeoise

Crédit photo Pascale Braun

Plus de 80 000 travailleurs lorrains convergent chaque jour vers le Luxembourg. Le télétravail pourrait soulager un trafic routier et ferroviaire qui frôle la saturation. L’idée de hubs dédiés aux frontaliers progresse, en dépit d’une certaine circonspection côté grand-ducal.

En matière d’embouteillages, la frontière entre le Nord lorrain et le Luxembourg n’a rien à envier à l’Ile-de-France. Chaque jour, 83 000 frontaliers vont travailler au Grand-Duché, empruntant des trains bondés et des axes routiers saturés dès cinq heures du matin. Premier vivier de travailleurs frontaliers, le secteur de Thionville s’est résigné à des temps de parcours d’une heure trente pour parcourir 40 kilomètres. Les Messins comptent environ une heure pour parcourir 50 kilomètres, tandis que dans le bassin de Longwy, limitrophe du Luxembourg, mais mal desservi par les transports en commun, une étude a calculé la vitesse moyenne des déplacements transfrontaliers à 36 km/h. Ces durées, qui s’entendent en période normale, doublent facilement au moindre incident. Le stress et la fatigue des frontaliers sont tels que les employeurs luxembourgeois peinent désormais à recruter ou à fidéliser les travailleurs lorrains, pourtant essentiels à l’économie grand-ducale.

Un accueil prudent

Fin 2016, Harlem Désir, alors secrétaire d’État chargé des Affaires européennes, a évoqué au cours d’une conférence intergouvernementale franco-luxembourgeoise l’idée du télétravail pour accompagner la progression constante du flux de frontaliers. Le Grand-Duché accueille l’hypothèse avec courtoisie, mais circonspection. « Nous avons réuni les ministères du Travail, des Finances et de la Sécurité sociale pour étudier cette piste. Les travaux de cette commission pointent un risque d’insécurité juridique, notamment quant aux possibilités, pour nos services d’inspection du travail, d’intervenir de l’autre côté de la frontière », indique Joseph Faber, conseiller gouvernemental auprès du ministère du Travail luxembourgeois et président de l’Observatoire international du travail transfrontalier. Le gouvernement s’inquiète également de l’harmonisation des dispositifs sociaux et fiscaux non seulement avec la France, mais aussi avec l’Allemagne et la Belgique (lire l’encadré).

Prise de conscience

« Cette position conservatrice me paraît surprenante : le Grand-Duché a pris conscience des enjeux du travail frontalier, puisqu’il s’implique dans le financement d’infrastructures de transports dédiées aux Français. Il serait tout à fait logique qu’il s’intéresse au télétravail et qu’il participe au tour de table lorsque des collectivités locales françaises montent des projets », estime Édouard Jacque, délégué aux Travailleurs frontaliers au conseil régional du Grand Est. La communauté d’agglomération de Thionville a lancé la construction du premier bâtiment dédié aux télétravailleurs transfrontaliers (lire ci-dessous). La communauté de communes du pays Orne-Moselle inclut le télétravail dans son projet de bâtiment communautaire de coworking. Au Luxembourg même, des promoteurs envisagent la construction de bâtiments dédiés à Rodange pour accueillir les frontaliers français, belges et allemands dès leur descente du train – et leur éviter 30 kilomètres de bouchons jusqu’à Luxembourg-ville. Pays le plus riche du monde en termes de PIB, le Grand-Duché se dit ouvert à ces initiatives… à condition de ne pas y apporter un sou. Le risque d’asphyxie de son économie pourrait, à moyen terme, faire évoluer cette position.

Un terrain juridique mine

Le télétravail transfrontalier soulève des questions fiscales, sociales et législatives d’autant plus complexes qu’elles relèvent à la fois de la loi luxembourgeoise et des réglementations en vigueur dans les trois pays limitrophes, la France, l’Allemagne et la Belgique. Le travailleur frontalier est affilié auprès des organismes de sécurité sociale du Grand-Duché à condition d’y exercer au moins 75 % de son temps de travail. À défaut, la protection sociale du pays d’origine s’applique, au risque de coûter à l’employeur luxembourgeois des charges deux fois plus élevées.

Sur le plan fiscal, le travailleur est imposé dans l’État où il exerce sa profession. Des conventions bilatérales entre le Luxembourg et ses voisins permettent des aménagements pour éviter une double imposition aux travailleurs exerçant dans deux pays. Les employeurs luxembourgeois craignent d’être soumis, pour une partie de leur chiffre d’affaires, aux obligations fiscales de l’État de résidence du salarié.

Le chiffre
130 000 Lorrains

au Luxembourg

en 2025, contre 83 000 aujourd’hui.

Source : Conférence métropolitaine du Sillon lorrain.

Auteur

  • Pascale Braun