Si de nombreux livres alertent sur l’ubérisation de l’emploi lié à la révolution numérique, celui du sociologue Patrice Flichy prend le contre-pied complet : pour lui, le succès des plateformes témoignerait du désir des salariés « de rapprocher leur travail de leurs passions », d’inventer des formes d’activités plus valorisantes, là où le salariat ne satisfait plus. C’est à cette culture du travail autonome et collective, (le mouvement des Makers), que le sociologue s’attelle dans cet essai bien documenté. Il en retrace l’histoire, des premières coopératives en Grande-Bretagne à la fin du XIX^e siècle où l’on apprenait à construire sa maison jusqu’à la culture collaborative des Hackers. Mais à trop mélanger les genres (la contre-culture des hackers a-t-elle réellement à voir avec le succès d’AirBnb, évoqué comme un complément de revenus utile pour s’adonner à d’autres passions ?), cette genèse laisse perplexe. Reste que le livre est intéressant pour l’étonnante richesse des témoignages, (une physicienne qui se lance dans la fabrication d’objets de décoration via un fablab, un steward créateur d’un blog de recettes culinaires…). Qu’il s’agisse de cumuler emploi et loisirs, voire de changer de voie, « l’avenir du travail ouvert reste à construire », conclue Patrice Flichy. On saura gré à l’auteur de tempérer son allant, rappelant la précarité des travailleurs chez Uber. D’où son appel à encadrer les plateformes et à étendre « des droits sociaux à tous les non-salariés » qui tirent un revenu du web.